Rétrospective 2008 sur le logiciel libre et les sujets afférents

Édito

L'année 2008 a été une année riche pour le Logiciel Libre. Les années passant celui-ci est devenu un sujet de société et un enjeu stratégique pour les entreprises et les institutions.

De nouveaux évènements, à portée internationale ou locale, liés au libre ont vu le jour et ces évènements rencontrent un public de plus en plus large ; le gouvernement français semble enfin se saisir du dossier des ventes liées ; côté entreprises le logiciel libre est passé d'une phase de développement à une phase d'adoption ; des versions majeures de logiciels libres phares ont été publiées ; plusieurs émissions de radios grand public ont été consacrées au logiciel libre...

Bien sûr tout n'a pas été rose en 2008. Par exemple, les débats sur la normalisation d'OOXML ont mis en évidence la détermination de Microsoft à se battre sur tous les fronts pour assurer la défense de sa position dominante.

D'où l'intérêt d'une structure de promotion et de défense du logiciel libre dotée des moyens à la hauteur des enjeux. En 2008, l'April a continué à se développer et est aujourd'hui forte de plus de 4 000 membres et d'une équipe de trois permanents.

L'April vous remercie de votre soutien, et vous donne rendez-vous pour tous les événements et actions qui rythmeront l'année 2009 du Logiciel Libre.

Quatre saisons de formats ouverts et d'interopérabilité

Début janvier 2008 Microsoft présente ses excuses à ses utilisateurs ulcérés suite au blocage par le Service Pack 3 d'Office 2003 de certains formats de fichiers considérés comme obsolètes. Fin janvier 2008, le W3C publie le premier document de travail sur HTML 5, un format ouvert. Le Colonel Géraud interrogé par Tristan Nitot cite L'utilisation de standards ouverts comme la première raison de la migration vers GNU/Linux et les logiciels Libres à la Gendarmerie Nationale : On est dans un monde hétérogène. Comment fait-on pour dialoguer dans un tel monde ? On utilise les standards ouverts !. Le rapport Attali préconise d'« Exiger, à un niveau européen dans le cadre de la politique de la concurrence entre solutions logicielles, la fixation de normes internationales garantissant l’interopérabilité entre logiciels libres et les logiciels propriétaires, en priorité. 

En février 2008, le W3C célèbre les 10 ans du XML, support de nombreux formats ouverts comme Open Document, SVG ou Jabber/XMPP. Le 21 février, Microsoft annonce sa nouvelle stratégie qui met en avant l'interopérabilité mais continue d'exclure le monde du Logiciel Libre de l'accès aux formats et aux protocoles utilisés dans les logiciels de Microsoft.

En mars 2008, la pétition Parlement ouvert appelle le Parlement Européen à adopter des standards ouverts et à promouvoir l'interopérabilité en matière de Technologies de l'Information et de la Communication. Le groupe sensibilisation de l'April adopte le format ouvert SVG, pour la nouvelle version d'Expolibre publiée à l'occasion du Libre en fête. Thierry Stoehr, l'ELF FOO commence le printemps à Digne avec des formats ouverts pour ne citer qu'une de ses nombreuses conférences. Le 26 mars a lieu le premier Document Freedom Day, journée consacrée à la promotion des standards ouverts.

CinemaDNG et OMS Video, 2 formats ouverts pour la vidéo sont lancés respectivement par Adobe puis Sun mais le format Ogg Theora aurait quelques atouts pour l'emporter. L'OGC (Open Geospatial Consortium) approuve KML, un format ouvert pour l'information géographique. Le 19 mai 2008 a lieu Open Discussion Day qui vise à promouvoir les protocoles ouverts pour la messagerie instantanée, on pense naturellement à Jabber. En juillet 2008, Le format PDF devient une norme ISO. Au mois d'août 2008 se tient la sixième édition de la conférence SVG Open à Nuremberg, 3 jours de conférences et d'ateliers sur ce format ouvert pour l'image vectorielle.

Thomson-Reuters, éditeur du logiciel de références bibliographiques EndNote attaque en justice l'université George Mason (GMU), pour avoir fait de la rétro-ingénierie sur son format de données à des fins d'interopérabilité avec son propre logiciel publié sous licence libre, Zotero. Tristan Nitot s'interroge : Est-ce que dans l'expression « logiciel propriétaire », on doit comprendre que l'éditeur est propriétaire de vos données ? Dans son article VOS données sont dans NOS formats..., Thierry Stoehr attire notre attention sur les « services en ligne gratuits comme des sites de Webmail, de galerie photos, de blog, de réseaux sociaux, de flux RSS, d'alertes, de calendrier et agenda, de bureautique, etc. [...] Et si demain le site fermait ? [...] est-il possible d'exporter vos données ? ou sont-elles prisonnières... 

Lors de l'Open World Forum, Éric Besson (secrétaire d'État chargé de la Prospective, de l'évaluation des politiques publiques et de l'économie numérique) annonce que le RGI sera publié avant la fin de l'année. Mais il voulait sans doute parler de 2009, rendez-vous dans un an donc pour la prochaine édition de Quatre saisons de formats ouverts et d'interopérabilité.

Handicap et accessibilité

L'année 2008 marque une multiplication des initiatives autour du Logiciel Libre et du handicap.

Les journées, rencontres, conférences à destination du grand public, des développeurs, des professionnels, permettent de mesurer à la fois comment la prise en compte des besoins des personnes handicapées permet d'améliorer l'accessibilité des solutions libres et comment les logiciels libres offrent aujourd'hui des solutions fiables et pertinentes pour les personnes handicapées.

Par ailleurs, l'accessibilité du web a connu une année riches d'échanges, qui s'est conclue par le lancement de la version 2.0 des Recommandations d'accessibilité pour les contenus Web (WCAG 2.0).

Les logiciels libres spécifiquement adaptés à des besoins de personnes handicapées continuent à se fiabiliser, alors que les ressources (éducatives et logicielles) libres représentent également des outils particulièrement pertinents pour certaines situations d'usages de personnes handicapées. Pour un panorama synthétique, voir une fiche ressources spécifique.

Parmi les conférences de l'année notons

Plus de trois ans après la publication de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances , la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le décret qui doit préciser les modalités d'application de l'accessibilité numérique n'est toujours pas sorti. En mai 2008 une pétition pour l'accessibilité numérique des services publics pétition demandant la publication du décret d'application de l'article 47 de la loi de février 2005 est mise en ligne.

Le Forum des Droits sur l'Internet (FDI) a mis en place en mars 2008 un nouveau groupe de travail consacré au développement durable sur internet dont les travaux ont abordé premier lieu les problématiques d'accessibilité numérique des sites internet. L'April a participé à ce groupe de travail. En novembre 2008 le FDI a publié la recommandation « Internet et développement durable I: l'accessibilité des services de communication publique en ligne du secteur public ». Cette recommandation vise à faciliter la mise en oeuvre du décret d'application de l'article 47 de la loi du 11 février 2005 de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Malheureusement, à ce jour, le décret d'application n'a toujours pas été publié.

Vincent Aniort, Aurélien Levy, experts en accessibilité et à l'origine (avec Frank Galey) de la pétition pour l'accessibilité numérique des services publics, et Frédéric Couchet (délégué général de l'April) ont rencontré en novembre 2008 le conseiller du Premier ministre François Fillon en charge des technologies de l'information pour discuter de l'accessibilité des services publics en ligne.

En décembre 2008 publication des WCAG 2.0 (Web Content Accessibility Guidelines, recommandations en ce qui concerne le contenu s'adressent à tous les distributeurs de contenu sur le Web) et lancement de la traduction en français pour 2009.

Notons pour terminer l'émergence de WAI-ARIA (spécification en cours de rédaction qui devrait permettre de rendre les widgets et l'AJAX accessibles).

Ventes liées

2008 a été une année riche pour le combat contre la vente liée.

Le 28 février l'AFUL, l'April, l'UFC-QueChoisir et la CLCV, appelaient à la multiplication des procédures de remboursement des logiciels imposés à l'achat d'un ordinateur neuf. Un guide du remboursement est proposé. L'AFUL créait pour l'occasion le groupe d'accompagnement Racketiciel pour soutenir les particuliers désireux de se faire rembourser les logiciels dont ils ne veulent pas.

Le jugement du premier procès de l'UFC-QueChoisir, contre Darty, a été rendu le 24 juin 2008. L'April en a fait une analyse détaillée.

Le 3 juillet était organisée une réunion plénière à la DGCCRF. L'April a mis en ligne un petit compte-rendu et une revue de presse.

Durant l'été, plusieurs annonces politiques en faveur de la fin de la vente liée en informatique ont réjoui les communautés :

  • Luc Chatel (secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation) dans une interview donnée au journal Le Parisien le 3 juillet 2008 indiquait « je souhaite que, sur le montant des ordinateurs, on précise le prix des logiciels préinstallés, afin que les consommateurs aient le choix et puissent se faire rembourser ».
  • Bruno Parent (directeur général de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, DGCCRF) lors de la réunion plénière du 3 juillet rappelait que « de nombreux procès sont en cours et vont coûter de l'argent aux industriels. » S'il a accordé un délai de réflexion aux représentants de la distribution, il a également précisé qu'il n'est « pas question d'attendre deux ans avant que l'État ne prenne ses responsabilités. ».
  • Éric Besson (secrétaire d'État chargé de la Prospective, de l'évaluation des politiques publiques et de l'économie numérique), dans son plan numérique 2012 (actions 64 et 65) souhaitait « un affichage séparé des prix des logiciels et systèmes d’exploitation pré-installés. » et « permettre la vente découplée de l’ordinateur et de son logiciel d’exploitation. Réunir un groupe de travail rassemblant les acteurs de la distribution, les associations de consommateurs, les fabricants et fournisseurs de logiciels pour mettre en place un test dès le premier trimestre 2009. »

Pendant l'été aussi, début de l'affichage de quelques détails dans les magasins. Cet affichage détaillé doit, selon la demande de la DGCCRF, être généralisé à l'ensemble des distributeurs ; pour l'heure, il est limité à certains d'entre eux, et ne s'applique pas toujours à l'ensemble de l'offre. Toutefois la situation avance : Darty par exemple a ajouté une case rose sur ses étiquettes qui informe de la possibilités de se faire rembourser. Un lien sur son site Internet précise certaines informations relatives au remboursement. La FNAC également propose une page contenant quelques informations. Ces avancées ne sont qu'un début.

Évidemment, le remboursement n'est pas une solution acceptable à long terme ; il n'est pas normal de demander aux consommateurs d'avancer une somme conséquente - jusqu'à plusieurs centaines d'euros - pour des logiciels qu'ils ne veulent pas.

Le 3 septembre Dell proposait 180 euros de remboursement à l'amiable, sans que le consommateur ait dû recourir à un procès.

Cependant, malgré toutes ces initiatives, déclarations, avancées, la situation n'a pas beaucoup évolué. Le 18 décembre l'AFUL, l'April, l'UFC-QueChoisir et la CLCV, ont co-signé un communiqué de presse pour demander que le Père Noël soit généreux pour ce Noël. Malheureusement, il semble que le Père Noël ait été très occupé cet hiver.

La solution proposée, pourtant simple, est l'optionnalité, qui pourrait techniquement parlant prendre la forme de la solution de Nexedi. Cette solution au moins prouve la faisabilité technique (et l'intérêt pour l'économie française) de l'optionnalité. Rappelons que la DGCCRF, Luc Chatel et Éric Besson se sont prononcés unanimement en faveur de l'optionnalité. Espérons que 2009 en voit la réalisation.

Web ouvert, interopérabilité et navigateurs

2008 aura été une année très positive pour le Web ouvert. Après les années de plomb du monopole de Microsoft, le logiciel Libre a continué de progresser, en poussant le principal acteur du monde propriétaire à se remettre au travail après une sortie d'Internet Explorer 7 fin 2007 qui fut décevante en terme de fonctionnalités et de support des standards. C'est aussi un support croissant d'HTML 5, de CSS 3 et SVG par les navigateurs modernes, qu'ils soient libres (Firefox et dérivés), propriétaires (Opera) ou hybrides (Safari et dans une moindre mesure Google Chrome).

Internet Explorer 8 (Beta 1 publique en mars 2008, Beta 2 en août) progresse coté standards et devrait respecter CSS 2.1. Par contre, rien n'est prévu en ce qui concerne CSS 3, SVG ni HTML 5, Microsoft semblant se reposer sur sa technologie propriétaire Silverlight pour permettre ce qu'offrent les standards ouverts émergeants. IE8 est quand même presque une bonne nouvelle, du moins s'il aide à la disparition d'Internet Explorer 6 et 7, qui du fait de leur faible respect des standards, brident le progrès du Web.

Le mois de juin a vu la sortie de Firefox 3.0, avec à la clé l'établissement d'un record du monde. Firefox touche désormais 200 millions d'utilisateurs actifs et dans certains pays a dépassé 50% de parts de marché. C'est en septembre qu'un coup de tonnerre a agité le petit monde des navigateurs, avec l'annonce par Google d'un nouveau navigateur en version bêta, Google Chrome. Disponible uniquement pour Windows pour l'instant, il est sorti en version finale en décembre. Chrome est en grande partie Libre et réutilise le moteur WebKit d'Apple. Des versions pour GNU/Linux et Mac sont prévues pour 2009.

Du coté des standards, on notera les progrès d'HTML 5, qui va offrir des fonctionnalités dans les navigateurs qui étaient jusque là réservées à des systèmes propriétaires (éléments Audio et Video natifs, Canvas). Ces nouvelles fonctionnalités vont de paire avec une accélération très significative de JavaScript (technologie de JIT-Tracing). La combinaisons de ces deux facteurs rendent le Web ouvert (basé sur des standards ouverts1) bien plus concurrentiel face à des technologies propriétaires comme Silverlight de Microsoft et Flash d'Adobe. On remarquera que les trois moteurs de JIT-Tracing sont libres (V8 de Google, SquirrelFish pour Safari et Tracemonkey de Mozilla). Opera et Internet Explorer, tous deux propriétaires, ne disposent pas d'équivalents. Qui osera dire en 2009 que le logiciel libre n'est pas innovant ?

Communautés

L'année 2008 a vu augmenter le nombre d'évènements importants pour la communauté. L'agenda du Libre, lancé en 2005, avait dépassé les 1 000 évènements annoncés en 2007 ; il a dépassé le cap des 2 000 en 2008.

Signe de ce dynamisme, l'évènement Libre en Fête a connu en 2008 un nouveau succès avec près de 150 évènements annoncés sur l'Agenda du Libre contre 94 en 2007. Cet évènement vise à faire connaître le logiciel Libre au grand public au travers d'une série de manifestations sur tout le territoire francophone couverts par la presse nationale.

En janvier 2008 s'est tenu Solutions Linux 2008, neuvième édition de l'évènement. Le salon a rassemblé dans le quartier de la Défense à Paris 200 exposants répartis sur 3 000m² d'exposition avec un village associatif de 500m². Ce village permettait de montrer le visage communautaire du logiciel Libre dans un salon à destination d'un public de professionnels. La prochaine édition se déroulera du 31 mars au 2 avril 2009.

La huitième édition du FOSDEM s'est tenu à l'Université Libre de Bruxelles en février 2008. Ce rassemblement européen réunit les développeurs de logiciels Libres pour la durée d'un week-end de conférences. Cette édition a vu Patrick Michaud parler de Perl 6, David White de la bataille de Wesnoth, Andrei Zmievski de PHP 6, J. Tiberghien de Crystal space 3D, Charles Nutter présenter Jruby et S. Magnenat Globulation 2.

Début juillet 2008, les 9emes Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, à Mont-de-Marsan dans les Landes, ont rassemblé plus de 4 000 personnes. Organisées par Landinux. Les RMLL sont la grand messe des communautés du logiciel Libre au travers du village associatif et des conférences autour de thèmes comme Accessibilité et handicap, Éducation et Éducation populaire, Santé, Sécurité et réseau ou Système. Les rencontres ont été marquées par la présence de Richard Stallman, fondateur du projet GNU, qu'on aura également pu voir à Saint-Étienne et Belfort au mois de novembre pour deux conférences. La 10ème édition des RMLL se tiendra à Nantes en juillet 2009.

Le 19 juillet 2008 s'est tenu à Arlon, en Belgique, un barbecue Interlug-be qui a réuni les représentants des différents Groupes d'Utilisateurs de Logiciels Libres de la Belgique francophone. Les GULL flamands qui avaient été invités ne se sont malheureusement pas déplacés.

Paris Capitale du Libre, organisé par la FNILL, s'est tenu à la Maison Internationale au mois de septembre 2008. L'évènement a mélangé conférences, stands et la remise des Lutèces d'or, prix remis aux acteurs remarquables du logiciel Libre. Un Lutèce d'or spécial a été remis, en présence du secrétaire d'état en charge de l'économie numérique Éric Besson, à l'April pour l'ensemble de son œuvre.

L'EuroBSDCon s'est tenue à Strasbourg le 18 et 19 octobre 2008. Elle a rassemblé le temps d'un week-end tous les aficionados des systèmes BSD.

Les 29 et 30 novembre 2008 s'est tenu l'Ubuntu Party à l'occasion de la sortie d'Intrepid Ibex. Cet évènement a ramené plus de 4 000 visiteurs, curieux, connaisseurs et passionnés à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris. Elle a été suivie les 6 et 7 décembre 2008 par la Fedora Party pour la sortie de Cambridge.

Le lundi 1er et mardi 2 décembre 2008, le premier Open World Forum s'est tenu à Paris. Ce nouvel évènement a regroupé des invités de 22 pays différents, a mis à l'honneur les avancées du logiciel Libre au Brésil et exploré l’avenir du Logiciel Libre, grâce aux débats et recommandations formulées pour la première feuille de route « 2020 FLOSS Roadmap ».

On pourra noter de nombreux évènements locaux d'importance. L'association Breizhtux a organisé les premières Rencontres Bretonnes du logiciel Libre le 19 et 20 avril 2008 à Saint-Brieuc, salle Robien. L'évènement a attiré plus de 200 visiteurs. Il se tiendra en 2009 à Brest du 24 au 26 avril 2009 avec l'aide de l'association Finix. En juin 2008 se sont tenues les journées du logiciel Libre à Bruxelles, organisées par BxLUG. Les 11emes journées du logiciel Libre lyonnaises se sont tenues quand à elles le 16 et 17 octobre 2008, sous la houlette de l'ALDIL. Les 3emes rencontres méditerranéennes du logiciel Libre, organisées par l'association Linux Azur, se sont déroulées à Sophia-Antipolis au moins de novembre 2008. L'IUT de Reims a organisé Les journées du logiciel libre le 21 et 22 novembre 2008 en son sein.
Un village Libre a été organisé par Chtinux à l'occasion de la braderie de Lille le premier week-end de septembre, suivi de peu par le village logiciel Libre de la fête de l'Humanité à la Courneuve.
À Lyon, Artishow, festival des cultures libres, s'est déroulé du 22 au 28 septembre 2008. Une programmation variée dans divers lieux culturels de la ville ouvrant le débat sur les licences Libres pour l'art.

À l'occasion des élections municipales et cantonales françaises qui se sont tenues au mois de mars 2008, l'April a lancée une campagne Pacte du logiciel Libre 2008. Des libristes de tout le territoire sont allés à la rencontre des candidats pour leur présenter le logiciel Libre et ses enjeux. Au total ce sont 22 listes élues qui ont signées le pacte. En 2009 le pacte du logiciel libre prendra une échelle européenne avec les élections législatives européennes.

On notera cette année l'apparition de BSD France, de Béthune Libre et du MUG, MySQL France.

Logiciel libre et politique publique

D'une manière générale les pouvoirs publics se sont peu intéressés au logiciel libre en tant que tel. Le dossier des ventes liées, dont le gouvernement semble enfin se saisir (voir à ce sujet la partie Ventes liées), et la nomination d'Éric Besson au numérique et ses actions dans ce domaine, sont les meilleures prises en compte du logiciel libre dans l'action du gouvernement.

En mars 2008, Éric Besson, secrétaire d'État à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques, a reçu une nouvelle attribution : le développement de l'économie numérique. L'April s'est alors félicitée que le gouvernement semble enfin considérer que le numérique est un enjeu important, mais a dénoncé la vue restreinte, uniquement économique, qu'il en avait.

Cette nouvelle compétence a donné lieu à des « Assises du Numérique » et aux documents qui en ont résulté.

Les Assises du Numérique ne se sont guère intéressées au logiciel en général, ni au logiciel libre en particulier. L'April a pris part à la plénière de lancement le 29 mai par l'intervention de son président, Benoît Sibaud, à la table ronde sur l'administration électronique (il était d'ailleurs, avec le représentant du WWF, la seule personnalité de la société civile invitée à s'exprimer lors de ces Assises). Le texte de son intervention est disponible en ligne. L'April a également participé aux « assises du logiciel » organisées par l'AFDEL par la suite dans le cadre de ces Assises du numérique :

  • dans le thème «  Innovation industrielle et R&D», Christophe Le Bars, vice-président de l'April, a participé à la table ronde intitulée « Propriété intellectuelle : socle de l'économie numérique ? »
  • dans le thème « Éducation & Formation et Vers un Small Business Act ? », Alix Cazenave, chargée des affaires publiques, a participé à la table ronde sur l'E-administration.

Suite à ces Assises, Éric Besson a publié 27 pistes de travail pour son futur plan de développement de l'économie numérique. Ces 27 pistes reprenaient deux mesures du rapport Attali en faveur du logiciel libre : les 20% de logiciels libres dans les marchés publics, et la mesure fiscale consistant à considérer l'aide au logiciel libre comme du mécénat. L'April, par l'intermédiaire de ses représentants, a eu l'occasion de soutenir ces propositions de visu avec son auteur, lorsqu'Éric Besson leur a accordé une entrevue.

Malheureusement, ces propositions n'ont pas été maintenues dans le plan France Numérique 2012 présenté en novembre dernier par Éric Besson. Dans une version de travail que s'était procurée l'April peu avant sa présentation officielle, ce plan ne parlait d'ailleurs même pas de logiciel libre. Toutefois sa version finale, bien que très pauvre sur le logiciel en général, comprenait un constat sur l'opportunité que présente le logiciel libre pour la France et pour l'Europe, ainsi que deux propositions contre la vente liée : l'affichage détaillé des prix et la mise en place d'un découplage des offres, comme le souhaitent Luc Chatel et la DGCCRF (voir la partie Ventes liées de cette rétrospective). En revanche, ce plan fait la part belle aux DRM, dont il acte l'inutilité et la nocivité pour le développement de l'offre légale, mais persiste à les considérer comme pertinents pour l'industrie cinématographique et la gestion de la chronologie des médias.

Outre ces événements dont les conséquences se limitent principalement à la vente liée, le logiciel libre est surtout concerné par les problèmes liés à la normalisation d'OOXML et la non-publication du RGI (voir la partie dédiée à l'interopérabilité), et par les nouvelles discriminations que pourraient engendrer le projet de loi Hadopi, dans la droite ligne de DADVSI.

Le projet de loi Hadopi / Création et Internet prévoit de sanctionner le défaut de sécurisation de la connexion à Internet, via le constat de téléchargements non autorisés. Il ne prévoit aucune révision de la loi DADVSI (ni sur la protection juridique des DRM, ni sur les articles Vivendi qui pénalisent le peer-to-peer), mais prétend créer une liste des dispositifs agréés pour sécuriser sa connexion : c'est là une nouvelle menace de discrimination pour les auteurs et utilisateurs de logiciels libres, et l'annonce d'une nouvelle contrainte importante pour la concurrence sur ce segment de marché. Pour cette raison, et afin d'obtenir une révision - au moins partielle - de la loi DADVSI, l'April rencontre les parlementaires en préparation des débats.

Ce projet de loi a connu un parcours chaotique. Après une présentation des grandes lignes du projet et la signature des accords de l'Élysée, le projet de loi a subi les avis très critiques de la CNIL et du Conseil d'État. Après avoir été prévu pour le premier semestre 2008 et après déclaration de l'urgence, son examen a finalement été reporté au mois de novembre, pour un premier passage au Sénat. Les discussions y furent courtes mais mouvementées, avec notamment des questions sur les dispositifs de sécurisation de la connexion. Le projet de loi doit être examiné par l'Assemblée nationale au premier trimestre 2009.

Enfin, à défaut d'une politique publique du logiciel libre, une feuille de route, intitulée "2020 FLOSS Roadmap", a été produite par le comité de programme du Forum Mondial du Libre. Elle comprend une partie « politiques publiques », avec des recommandations sur la législation, l'administration électronique, la politique d'innovation et la société. Alix Cazenave, chargée des affaires publiques, était directrice de ce thème. La « 2020 FLOSS Roadmap » est destinée à évoluer et à être enrichie par tous les contributeurs volontaires.

Entreprises

2008 a été une année charnière dans le Logiciel Libre. "Depuis 2008, les DSI ne se demandent plus si ils vont intégrer du Logiciel Libre mais quand ils vont le faire" est sans doute la phrase qui résume le mieux ce changement. Le logiciel libre est passé d'une phase de développement à une phase d'adoption. Plusieurs études parues cette année relèvent cette évolution du marché du logiciel.

Entre mai et juin 2008, le cabinet Gartner a sondé près de 300 entreprises en Europe, Asie et aux États-Unis. Elle a conclu que 85% des entreprises interrogées utilisent du Logiciel Libre et que les 15% restant le fera dans les 12 mois. Dans une étude similaire, l'institut Forrester et Bull révélaient que le Logiciel Libre est présent dans toutes les couches applicatives et ce, tant pour les applications d'entreprise que celles liées aux infrastructures. Concernant les filières industrielles, Forrester note que tous les types d'activités utilisent des solutions libres. Étonnamment, le secteur manufacturier a le degré d'adoption le plus élevé et le secteur public, alors qu'il communique beaucoup autour du logiciel libre, en utilise moins.

Plusieurs migrations importantes vers des solutions libres ont été annoncées en 2008. On peut noter celle du ministère de l'intérieur, qui a remplacé sa solution de messagerie propriétaire par une solution libre basées sur Thunderbird/OBM [1], celle de la société générale, qui a décidé de migrer 54 000 de ses postes de travail sous GNU/Linux [2], ou encore celle du ministère de la défense qui a annoncé la migration de ses 70 000 postes sous Ubuntu [3].

En matière d'investissement, le rachat par Sun de MySQL AB pour 1 milliard de dollars, l'investissement de Google dans des projets libres de 5,6 millions de dollars ou, en France, la poursuite des politiques de rachat par des groupes comme Linagora (NetAktiv, AliaSource), ont été des signes du marché très favorables pour le Logiciel Libre. Ils assoient encore un peu plus sa viabilité économique.

Les différents évènements liés au Logiciel Libre étaient le reflet de cette évolution.

Solutions Linux 2008 a accueilli 200 exposants et près de 10 000 visiteurs du 29 au 31 janvier.

Le thème Entreprise des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre (1er au 5 juillet 2008, Mont-de-Marsan) ont permis au 4000 visiteurs de découvrir à travers 46 conférences un large panorama des solutions libres pour l'entreprise : de ERP à l'informatique décisionnelle ou aux système d'information géographique, des infrastructures libres (téléphonie, développement, ...) au retour d'expérience sur des migrations libres.

Fin septembre, Paris Capitale du Libre a été l'occasion de rencontrer quelques grands noms du Logiciel Libre mondial tels que David Axmark, fondateur de AB MySQL, Sacha Labourey, Co-fondateur Jboss, ou le vice président de la Fondation Apache, Sander Striker. PCL a été également l'occasion de récompenser les initiatives intéressantes de l'année écoulée. En ce qui concerne l'entreprise, on peut noter la remise de Lutèces d'Or au portail de Météo France développé par Atos Worldline, au projet ERP5 Express ou à Xerox pour son projet Codendi.

Les 22 et 23 octobre, c'est à Marseille que les professionnels du Logiciel Libre se sont retrouvés pour la seconde édition du SPLLOSS, organisé par le réseau des entreprises spécialisées dans le Logiciel Libre de la région PACA : Libertis.

Enfin l'année 2008 s'est terminée par un nouveau salon : le Forum Mondial du Libre qui a eu lieu les 1er et 2 décembre à Paris. À travers ses nombreuses conférences, cet évènement a permis d'imaginer l'avenir du logiciel libre. Issue de ces réflexions, une Feuille de route 2020 du Logiciel Libre contenant 80 recommandations destinées à l'industrie a vu le jour.

2008 a été la preuve que le Logiciel Libre s'installe en entreprise. Son industrie se structure, la création de cluster d'entreprises à Nantes, Bordeaux, Marseille, Avignon ou Paris le démontre. C'est sans doute ce qui lui permettra d'encore mieux servir un marché qui représentera, en 2011, plus de 2 milliards d'euros.

DRM et informatique déloyale

Sur le plan des DRM (« gestion de droits numériques », mais aujourd'hui il s'entend surtout comme un dispositif qui contrôle les actes d'un utilisateur - DCU Dispositif de Contrôle d'Usage), la fin 2007 avait déjà donné le ton de 2008 : « Wal-Mart force la main à Sony et Warner pour qu'ils abandonnent les DRM » « Pour EMI, ce n'est plus un problème. Pour Universal, ça ne devrait bientôt plus l'être non plus, mais pour Warner et Sony BMG, c'est loin d'être acquis. Sony préparerait plus ou moins un test visant à distribuer des MP3 tout en refusant pour l'instant de lâcher les DRM, et rien du côté de Warner. » ; « Sony BMG devrait vendre des MP3 sans DRM... dans des magasins » ; « au terme d'une chute boursière, Warner Music Group arrête les DRM ». - ... Le baratin de l'industrie de la musique sur les DRM solution ultime lors de l'examen de la loi DADVSI s'écroule inexorablement. La surprise et les jérémiades sont bien évidemment feintes, ils connaissaient tout autant que nous l'impasse que représente cette voie.

L'année écoulée n'est qu'une longue litanie de données perdues ou engluées à cause de DRM :

Le tout est accompagné d'abandons annoncés :

Sans parler du fait que les DRM ne tiennent pas la route techniquement : Encore un DRM contourné... « Depuis hier, la protection anti-piratage du Blu-Ray, le format de stockage HD (pour haute définition et haute densité) soutenu notamment par Sony, ne tient plus. » L'échec est total : « Les protections anticopie installées sur les oeuvres musicales en ligne ont échoué : elles n'empêchent pas les téléchargements pirates, tout en gênant les utilisateurs légaux. La solution ne viendra pas de la technologie » (magazine La Recherche d'avril 2008 « L'échec des logiciels anticopie »).

Et sur les jeux vidéos, l'avis est aussi tranché (« Interview: Good Old Games and the "idiocy" of DRM ». Les utilisateurs du jeu Spore (activations limitées par un serveur distant à 3) se sont rebiffés : ils ont propulsé sur Amazon le jeu dans le top 10 des pire jeux jamais sortis, avec plus de 90% de "mauvaises" (1 étoile) notes, avec des critiques telles que "No to DRM", "DRM (you are renting this game, not buying it)", "Do NOT buy this game!", "DRM makes this game un-buyable" . »

Quelques uns recherchent encore comment transmuter le plomb en or (et pour l'heure dépensent leur or et pètent un plomb) : la Commission européenne invente le chimérique « DRM interopérable » (« EU: one license, DRM scheme to rule them all »). Tech Crunch tranche : « The industry has been flat out unable to agree on DRM interoperability (the Coral Consortium was the primary hope in this area and has largely stalled). » Sur Slashdot, quelqu'un demande si on peut faire un DRM avec du logiciel libre. Réponses : oxymoron, impossible, antithetical, security through obscurity, trusted computing... Moins amusant la commissaire canadienne à la vie privée explique que les DRM « contrôlent seulement la copie et l'utilisation du contenu » (sic) mais « collecter des informations personnelles et les renvoyer aux ayant-droits ou aux fournisseurs de contenus, sans l'accord ou même la notification de l'utilisateur », ça s'est trop...

Pendant ce temps, la télévision canadienne CBC opte pour une diffusion par BitTorrent sans DRM « CBC to BitTorrent Canada's Next Great Prime Minister ».« We'll be the 1st major broadcaster in North America to release a high quality, DRM-free copy of a primetime show using BitTorrent technology. »

En France, « DRM et DADVSI : le Conseil d'État sécurise le logiciel libre » suite au recours déposé par l'April (cf « Arrêt du Conseil d'État sur le « décret DADVSI » - analyse de l'April »), et le Tribunal de Grande Instance de Paris classe sans suite des auto-dénonciations de StopDRM (, « Pas de prison pour le contournement des DRM », « Désactiver un DRM : le TGI invoque la force majeure ou la légitime défense »). DADVSI est donc en 2008 toujours aussi inapplicable et inappliquée.

2008 s'est aussi révélée une année tournée vers la surveillance et les attaques contre la vie privée. Microsoft l'illustre avec un brevet sur système de surveillance de la santé et de l'état mental de l'utilisateur d'un ordinateur (« Microsoft envisage également d'adopter le système sur les téléphones mobiles et PDA afin que les gens puissent être surveillés en permanence. ») ou la capture de la télécommande dans votre salon. Alex Türk, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) n'est pas plus optimiste : « L'utilisation des données personnelles dérive de plus en plus. Pire, il y a un glissement des mentalités : les gens ne se rendent pas compte qu'il faut protéger leurs informations, donc leur intimité. ». Jean-Baptiste Kempf de l'équipe de VLC évoque quant à lui « quelques codecs qui "téléphonent à la maison" régulièrement. ». Plus révélateur encore, à la frontière aéroportuaire américaine, votre PC portable et votre téléphone mobile n'ont aucun droit à la confidentialité, a fortiori si vous êtes arabe ou musulman.

Par ailleurs, l'informatique peut se révéler déloyale, comme l'ont prouvé des chercheurs ont réussi à prendre le contrôle d'un pacemaker par wifi (risques pour la vie du patient, ainsi que pour les réglages de son pacemaker et donc une partie de son dossier médical) ou la découverte de terminaux de paiement électronique compromis lors de leur fabrication ayant permis de détourner plusieurs dizaines de millions de livres anglaises. Même si parfois cela ne suffit pas comme Nintendo l'a appris à ses dépens, en déployant une panoplie d'informatique déloyale pour empêcher tout code modifié de tourner sur une console Wii, en pure perte.

Ceci étant les pires exemples pour la démocratie viennent cette année encore du vote électronique et des ordinateurs de vote : pas de recomptage, le fabricant « Premier Election Software qui admet que ses machines à voter sont défectueuses », des experts sécurité particulièrement explicites évoquent « Hanging Chads, Hopping votes, Flipped votes, Tripled votes, Missing memory cards, Machine malfunctions, Software glitches, Undervotes, Overvotes. Reports of voting machine failures flooded the news after the last elections and left most voters wondering "Does my vote really count?" "Can these electronic voting machines be trusted?" "How secure are my state's voting systems?" », etc. L'April a clairement affiché sa position sur le vote électronique et réagi du Forum des droits sur internet.

Il ne tient qu'à nous de veiller à ce que informatique déloyale et DRM n'occupent pas encore une telle place dans la prochaine rétrospective April, en luttant contre ces atteintes aux libertés numériques et à la vie privée.

Brevets logiciels

L'année 2008 aura été, en ce qui concerne les brevets logiciels en Europe, celle du statu quo. En effet, l'Europe était sous la menace d'une légalisation des brevets logiciels via le projet d'unification des juridictions liées aux litiges sur les brevets, susceptible de valider les dizaines de milliers de brevets logiciels accordés par l'Office européen des brevets. La France en assurant la présidence de l'Union européenne avait confirmé sa détermination à voir ce projet aboutir, et certains commentateurs y voyaient là une dernière chance pour qu'un système des brevets unifié puisse être mis en place dans les dix ans à venir. Cependant, les négociations n'ont toujours pas abouti et la recherche d'un consensus entre les États membres de l'Union européenne se poursuit durant la présidence tchèque. Il faudra bien entendu rester vigilant sur l'état d'avancement de ce projet.

Car, par ailleurs, les lignes ont tout de même bougé en 2008 sur le front des brevets européens. Ainsi, l'UKIPO britannique, l'un des offices européens les plus réfractaires aux brevets logiciels, s'était fait remarqué en 2007 en invalidant un brevet de Symbian au motif que ce qu'il revendiquait comme étant inventif ne couvrait en tout et pour tout qu'un algorithme. Cette décision a été renversée en appel en 2008 par le juge anglais Pattern sous prétexte qu'elle s'éloignerait trop de la doctrine de l'Office européen des brevets (OEB). Et l'UKIPO a sans tarder mis à jour ses directives sur la brevetabilité des logiciels pour se rapprocher des pratiques de l'OEB.

Toutefois, l'affaire Symbian a soulevé l'incohérence des décisions des chambres de recours interne de l'OEB sur le champ du brevetable. La présidente de l'OEB, Alison Brimelow a soumis à la Grande chambre de recours de l'OEB (EBoA, "Enlarged Board of Appeal"), la plus haute juridiction interne de l'office, un questionnaire conduisant à statuer sur la limite de ce qui est brevetable dans le domaine du logiciel. Il est difficile de prédire ce qui ressortira de ce renvoi devant l'EBoA, mais il faut noter que cette démarche avait été demandée par le juge britannique Jacob, l'un des principaux artisans de la "doctrine anglaise" avant l'appel de l'affaire Symbian. Demande qui avait été refusée par le prédécesseur d'Alison Brimelow, Alain Pompidou.

Et pendant que les instances décisionnaires du vieux continent risquaient de s'engager dans une voie légitimant les pratiques de l'OEB, la critique est venue de l'interne. À la rentrée de septembre, le personnel de l'OEB a en effet manifesté à Bruxelles, non pas pour demander des augmentations de salaire, mais pour dénoncer un emballement néfaste à la qualité de l'innovation, encouragé pour des raisons purement financières et politiques.

Mais l'événement le plus marquant de 2008 pour les brevets logiciels s'est sans aucun doute déroulé outre-Atlantique où une cour d'appel du circuit fédéral (CAFC, "Court of Appeal of Federal Circuit") a confirmé l'invalidité d'un brevet sur une méthode d'affaires. Cette juridiction d'appel spécialisée dans les litiges relatifs aux brevets avait été créée dans les années 80. Et, comme le démontre le dernier livre de James Bessen et Michael J. Meuer sorti au printemps, la CAFC est grandement responsable des dérives observées dans le système des brevets des États-Unis, notamment son extension aux logiciels et méthodes intellectuelles informatisées. Cependant, dans l'affaire Bilski, la CAFC a rejeté une méthode de couverture des risques dans le négoce de l'énergie au motif qu'elle ne découlait pas de la transformation physique d'un article, ni n'était liée à une machine spécifique. Aussi, ce jugement rendu par la CAFC fin octobre dans l'affaire Bilski marque une rupture substantielle − et encourageante pour les opposants aux brevets logiciels − bien que les juges se soient refusés à statuer directement sur la brevetabilité des logiciels.

Et tant que l'on n'aura pas définitivement exclu les logiciels du champ de la brevetabilité, les rétrospectives annuelles relateront inlassablement des exemples de brevets absurdes ou des procès aux enjeux démesurés. 2008 ne fait pas exception à cette règle :

  • En janvier aux États-Unis, l'équipementier en télécoms Broadcom a remporté une victoire en justice contre son concurrent Qualcomm, reconnu coupable par un tribunal fédéral de violation de brevets, portant notamment sur la norme de téléphonie mobile de troisième génération WCDMA. L'éditeur de produits de sécurité Trend Micro a entamé une procédure contre Barracuda Networks avec au cœur du conflit, ClamAV, un antivirus libre et open source, très populaire, que Barracuda utilise pour son usage interne, ce qui a soulevé une réaction et un appel au boycott de la part d'associations du logiciel Libre.
  • En février, le feuilleton opposant la Commission européenne à Microsoft sur les pratiques anti-concurrentielles de ce dernier a vu, dans un nouvel épisode, la Commission européenne infliger au géant américain des logiciels une amende record de 899 millions euros pour non-respect des sanctions imposées en 2004, car un accord ayant été trouvé en octobre 2007, la Commission a estimé que pendant trois ans, entre 2004 et 2007, Microsoft a continué ses pratiques illicites. L'amende totale infligée a désormais atteint 1,68 milliard d'euros, ce qui correspond à la sanction initiale et au fait qu'elle n'ait pas été respectée.
  • En avril, c'est Apple qui a fait parler des brevets logiciels que la firme dépose à un rythme soutenu : sur un concept de jeu épisodique, sur la réorganisation de la page d'accueil de l'iPhone ou sur le clavier virtuel de l'iPhone apparaissant au gré des besoins.
  • En juillet, quatre géants de l'informatique, Oracle, SAP, IBM et Adobe ont été victimes d'une plainte d'Implicit Networks, un "patent troll" − ou profiteur de brevets : sociétés dont le modèle économique se base uniquement sur le commerce de licences de brevets sans production d'aucun bien, ni service − pour violation de brevets permettant d'améliorer la performance des fonctions de sécurité des logiciels côté serveur. En février dernier la société avait déjà déposé une plainte pour violation de brevets qui visait cette fois AMD, Intel, Nvidia, RealNetworks et Sun.
  • En août, un autre "patent troll", GraphOn a porté plainte contre Google au sujet de brevets qui servent à accéder à des bases de données. Alors que Microsoft s'est vu accorder aux États-Unis un brevet sur le fait que lorsqu'en visualisant un document à n'importe quel endroit d'une page, l'appui sur la touche <Page Avant> ou <Page Arrière> permet de sauter exactement au même endroit de la page suivante ou précédente.
  • En septembre, on a appris la publication d'une demande de brevet états-unien de Google sur un service téléphonique permettant à l'usager de téléphoner via de multiples réseaux (Wi-Fi, WiMax, Bluetooth, GSM, CDMA…) mais aussi sur plusieurs réseaux d'opérateurs et de passer son appel selon ses desiderata, comme par exemple en fonction du prix proposé par l'opérateur, ou le niveau de qualité de l'appel.
  • En octobre, les brevets états-uniens sur le système de fichiers ZFS avec lesquels NetApp avait attaqué Sun ont été invalidés. Microsoft a obtenu aux États-Unis un brevet sur une technologie permettant de censurer, en temps réel, des mots ou expressions dans une conversation, comme un chat vocal.
  • En novembre, RIM, l'éditeur du BlackBerry qui avait dû payer plus d'un demi milliard de dollars en 2006 pour se débarrasser d'une plainte douteuse, a été à nouveau victime d'une plainte pour violation de brevet, de la part cette fois-ci de Mformation sur des systèmes et méthodes de gestion à distance des terminaux.
  • En décembre, après l'affaire Bilski donc, la CAFC a restreint les revendications d'un brevet sur une méthode de paiement en ligne avec lequel Netcraft avait attaqué eBay et Paypal. La CAFC a jugé que Qualcomm aurait dû divulguer aux comités de standardisation auxquels il participait les brevets qu'il détenait sur un mécanisme de compression vidéo, le H.264, et n'était donc pas en droit de se baser sur ces brevets pour attaquer le fabriquant de puces Broadcom. Cependant l'invalidation n'a porté que sur l'utilisation de ces brevets dans le standard H.264 alors que leur portée s'entend à d'autres utilisations. Cygnus Systems [5] a assigné en justice trois poids lourds de l'informatique, Microsoft, Apple et Google, pour violation d'un brevet couvrant l'utilisation d'une miniature, ou d'une vignette de prévisualisation, permettant d'apercevoir quelques uns des fichiers vers lesquels elle conduit. Et l'année s'est terminée sur la publication d'un brevet déposé par Microsoft, tentant de monopoliser une solution permettant de vendre un PC avec des options à la carte. le projet de Microsoft baptisé 'Metered Pay-As-You-Go' visait à proposer un ordinateur à coût réduit pour lequel l'utilisateur aurait pu acquérir les solutions de son choix, moyennant un tarif forfaitaire. Quelques jours plus tard, l'office états-unien des brevets le rejetait en le jugeant trop flou et faisant appel à des technologies déjà brevetées.
  • Enfin cette galerie des horreurs de l'année 2008 est on ne peut mieux illustrée par les rebondissements sur les litiges opposant Alcatel-Lucent à Microsoft. Plusieurs contentieux ont en effet opposé ces multinationales. On se souvient que début 2007, un jury populaire avait condamné, à l'issue d'un procès de deux semaines, le géant de Redmond à verser 1 milliard et demi de dollars de dédommagements − une somme record dans ce domaine − au groupe franco-américain qui reprochait à Microsoft d'utiliser indûment dans son lecteur audio Windows Media Player une technologie sous licence pour décoder les fichiers de musique numérique au format MP3. Mais l'été suivant, un nouveau procès, à San Diego, aboutissait à l'annulation pure et simple de cette condamnation. Mais en juillet 2008, Alcatel-Lucent a fait appel de cette décision. En septembre, la CAFC a confirmé annulation par la CAFC de la condamnation de Microsoft à payer 1 milliard et demi de dollars à Lucent. Finalement, ce contentieux sur les brevets couvrant le format MP3 s'est terminé en décembre 2008 par la conclusion d'un accord à l'amiable entre l'équipementier en télécoms et l'éditeur de logiciels. En revanche, l'accord ne résout pas le contentieux sur une technologie de saisie des données à l'aide d'un stylet sur un écran tactile, pour laquelle un jury [avait condamné] en avril Microsoft à verser 367,4 millions de dollars de dommages dans ce dossier. Malgré l'appel de Microsoft, un juge fédéral américain a confirmé cette condamnation en juin. Il faut également noter que Microsoft a également assigné Alcatel-Lucent en justice pour avoir violé des brevets lui appartenant dans le domaine des réseaux de télécommunications d'entreprise, mais a été débouté de sa plainte en mai 2008. Bref, les grandes entreprises qui ont les moyens de jouer le jeu des brevets logiciels n'hésitent pas à user de ces armes de dissuasion... qu'elles sont au final obligé de ranger devant le risque de s'entretuer.

Pour enrayer cette surenchère de procès et de brevets illégitimes, les opposants aux brevets logiciels ont décrété le 24 septembre, « journée mondiale contre les brevets logiciels ». Plusieurs manifestations se sont déroulées ce jour dans le monde entier. Et cet appel s'est renforcé par une pétition demandant la fin des brevets logiciels en Europe. Des actions que l'April a soutenues et relayées en France. Espérons que, notamment grâce à l'implication des membres toujours plus nombreux de l'April, la prochaine rétrospective sur les brevets logiciels puisse annoncer le succès de ces opérations...

OOXML, normalisation, la suite du feuilleton

Le débat autour de la normalisation des formats de documents révisables (formats bureautiques) s'est poursuivi tout au long de 2008. Le point d'orgue a été le vote conduisant à la normalisation de Office Open XML (OOXML, ou ECMA-376) du 29 mars 2008, OOXML est devenu officiellement la norme ISO/IEC 29500 le 17 août 2008. Cette normalisation obtenue à l'arraché a fait apparaître un certain nombre d'éléments.

Elle a mis en évidence la détermination de Microsoft de se battre sur tous les fronts pour assurer la défense de sa position dominante sur les logiciels bureautiques. Rappelons que OOXML vise à concurrencer le format bureautique OpenDocument format (norme ISO/IEC 26300), qui a comme caractéristique d'être un format ouvert utilisé par de nombreux logiciels libres, dont OpenOffice.org.

Cette normalisation a mis en péril la crédibilité de l'ISO quant à son action dans le domaine des normes informatiques. Au delà des critiques techniques mettant en cause la qualité de OOXML, les irrégularités de la procédure ont conduit six pays à faire appel contre la procédure (Brésil, Afrique du Sud, Venezuela, Équateur, Cuba et Paraguay) ; de son côté, la Commission Européenne a lancé une enquête sur les conditions du vote et les possibles tentatives d'influences dans les pays de l'Union Européenne. L'appel des six pays a été rejeté et ceux-ci ont indiqué tout le "bien" qu'ils pensent de l'ISO dans une déclaration non diplomatiquement correcte . Notons que pour la France, l'Afnor s'est finalement abstenue au dernier moment après avoir envisagé une position de « non avec commentaire ». L'April, membre de la commission de formats de documents révisables de l'Afnor, considère que le vote s'est fait sous influences.

Depuis la normalisation de OOXML, Microsoft a annoncé d'une part que le support effectif de OOXMl serait repoussé dans une future version de sa suite bureautique, tandis que le support de OpenDocument serait disponible lors d'une mise à jour de la version courante de Word.

Parmi les risques identifiés lors de la normalisation de OOXML, on notera ces aspects relatifs au concept de « standard ouvert » :

  • Le risque juridique quant aux brevets logiciels susceptibles de s'appliquer aux implémentations de OOXML, les engagements de l'auteur principal (Microsoft) de ne pas utiliser ses brevets à l'encontre de personnes implémentant la norme semblant insuffisants
  • La licence d’utilisation de Open XML est incompatible avec les programmes sous la licence GPL, aussi bien de l'avis de la Free Software Foundation (par la voix de Richard Stallman, son président) que des experts de Microsoft
  • Dans le cadre de la campagne de promotion de OOXML, des efforts ont été entrepris pour réduire la portée de la définition européenne de standard ouvert telle que définie par le Cadre Européen d'Interopérabilité/European Interoperability Framework for pan-European eGovernment Services (EIF 1.0. Ces efforts ont été vains, l'avancement du Cadre Européen d'Interopérabilité a maintenu, lors de la présentation le 25 juin 2008, une position ferme quant aux critères d'ouverture des standards préconisés dans les outils d'administration électronique (EIF 2.0).

L'année 2009 va donc s'ouvrir avec deux normes de formats bureautiques récentes mais non compatibles, à la fois d'un point de vue technique et d'un point de vue légal (pas d'implémentation possible en GPL de OOXML). La question de l'interopérabilité de ces deux formats ISO va commencer à se poser des 2009, notamment dans le cadre de l'administration électronique en Europe.

Éducation

Le libre éducatif poursuit sa route, tranquillement mais sûrement. Il se développe, se diversifie. Mais le libre éducatif doit faire face à une politique de plus en plus agressive de Microsoft en réaction à cette percée ; et le Ministère de l'éducation nationale, qui n'a pas encore conscience de la criticité de la situation, n'applique pas une politique permettant une réelle neutralité.

Début janvier 2008 Xavier Darcos (Ministre de l'Éducation nationale) installe la mission « E-educ » sur les technologies de l'information et de la communication pour l'Enseignement dont il confie la direction à Jean Mounet (Syntec Informatique). La composition de la commission sera vivement critiquée et sa représentativité mise en cause: absence, parmi les membres de la mission, d'enseignant, de représentant des collectivités territoriales, d'acteur du logiciel libre (alors même que Microsoft est présent au sein de la commission). L'April et l'AFUL ont été auditionnées en mars 2008. L'April a publié une analyse du rapport de la mission E-educ.

En Grande-Bretagne on se pose de bonnes questions. Ainsi la BECTA (British Educational Communication and Technology Agency) a publié un rapport en janvier 2008, qui étudie l'opportunité du passage des systèmes d'information des écoles britanniques au système d'exploitation Microsoft Windows Vista et à la suite bureautique MS Office 2007. Le rapport se penche également sur la problématique de l'interopérabilité et plus particulièrement de la mise en œuvre du standard ouvert de bureautique ODF. Il prend aussi en compte, dans le cadre de la compatibilité domicile-école, l'utilisation croissante de logiciels libres utilisant des standards ouverts plutôt que des formats fermés imposant un logiciel spécifique. Voir des extraits pertinents sur le Framablog et la version PDF du rapport traduit en français.

Événement d'importance, la région Ile-de-France a lancé un appel d'offres pour un ENT libre (Environnement numérique de travail). La solution AbulEdu (Scideralle) a fêté son dixième anniversaire et une nouvelle version du cédérom autonome AbulÉduLive avec les logiciels du Terrier et un environnement adapté est disponible. L'ENT Prométhée est une valeur sûre de l'enseignement agricole et le projet LLSOL, laboratoire de langues, fait ses premiers pas. Des sociétés proposent leurs solutions, par exemple pour le primaire, Iconito (CapTic) ou Class@Tice (Profusus). La chaîne éditoriale Scénari suscite un fort intérêt. Le projet OpenOffice.org éducation se développe. Le département de Seine Maritime continue ses dotations de clés USB avec logiciels libres portés pour les collégiens, en partenariat avec le CDDP du Havre et le CRDP de Paris. Un ouvrage qui était très attendu, consacré à OpenOffice.org dans les lycées professionnels, est paru en septembre. Le CRDP d'Aix-Marseille met en oeuvre Corrée, catalogue ouvert de ressources éditoriales en ligne pour les lycées de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le CRDP de Lyon déploie Oscar, son logiciel d'assistance réseau). Et puis et puis...

Framasoft se confirme d'année en année comme un site de référence. Avec le pôle de compétences logiciels libres du SCEREN, le libre éducatif est présent dans les grandes manifestations dédiées ou généralistes : Solutions Linux, Educatice, RMLL, Paris capitale du libre, Forum mondial du libre, journées de l'Trophées du libre, Rencontres de l'Orme, InterTice...

Dans l'éducation, le libre c'est le logiciel et aussi la ressource pédagogique. Plus que jamais, l'association Sésamath est le « vaisseau-amiral » des productions coopératives enseignantes libres. À la rentrée 2008, elle a publié un manuel scolaire libre pour la classe de troisième (après ceux de cinquième et de quatrième les années précédentes). Son espace Sésaprof donne lieu à un travail collaboratif à grande échelle. Sésamath a pris des initiatives autour de la problématique de la production collaborative de ressources avec d'autres associations d'enseignants (Weblettres, Les Clionautes).

À la fin du mois d'août, l'April était présente en Tunisie, à l'Université d'Hammamet consacrée à la solidarité numérique. Un atelier, qui portait sur les ressources pédagogiques des disciplines scientifiques et techniques des lycées, a fait différentes propositions dont l'une essentielle aux yeux de ses participants : les logiciels et les ressources pédagogiques utilisés et produits doivent être libres. Les standards et les formats de données doivent être ouverts. Trois raisons ont motivé cette proposition : les coûts, le caractère opérationnel de la production collaborative de contenus pédagogiques, et le fait que les modalités de réalisation et les réponses du libre en terme de propriété intellectuelle sont en phase avec la philosophie générale d’un projet de solidarité numérique, partage, coopération, échange.

Le projet Relia de solidarité avec l'Afrique francophone repose sur l'approche du libre avec l'objectif de production autonome de ressources libres par les enseignants.

En octobre 2008 l'AFUL annonçait le lancement d'une enquête concernant le logiciel libre dans l'éducation dans le cadre du dixième anniversaire de son accord cadre avec le Ministère de l'Éducation nationale.

Le libre dans l'éducation est toujours un espace de réflexions pédagogiques et sociétales. Il est l'occasion de débats parfois vifs mais toujours riches sur des sujets d'importance : formation, appropriation par tous de la connaissance, propriété intellectuelle, modèles économiques de l'édition et de l'immatériel, bien commun, bien public...

Enfin, la communauté du libre éducatif, dont on sait combien elle est attachée à la formation d'utilisateurs « intelligents » et de créateurs d'informatique, se félicite de la mise en place à la rentrée 2009 d'un "module d'enseignement « informatique et société numérique » en classe de seconde.

Matériel

En 2008 les cartes graphiques dominent toujours l'actualité du libre avec AMD qui annonce la libération des spécifications de la partie 3D des R600 et R700, ce qui devrait ouvrir la voie à des pilotes libres supportant la 3D pour des cartes graphiques haut de gamme. Les cartes graphiques VIA ont été aussi complètement ouvertes cette année. Comme Intel continue son travail sur les pilotes libres il ne reste donc plus qu'un acteur majeur de ce marché à rester sur des pilotes fermés.

Les netbooks ont confirmé leur présence sur le marché avec de nombreux modèles en vente avec GNU/Linux préinstallé, ce qui est toujours bon pour obtenir des constructeurs un peu plus de coopération pour les pilotes concernés. L'OLPC, le portable destiné à l'éducation des plus jeunes, de son coté hésite entre GNU/Linux et Microsoft Windows.

Les puces Wi-Fi ne sont pas en reste avec Atheros qui ouvre enfin son matériel, tout comme Nokia pour la puce de ses tablettes internet. Les efforts de rétro-ingénierie sur les puces Broadcom ont porté leurs fruits.

Du coté des processeurs, Intel embauche des développeurs de distribution libre et aussi Alan Cox qui quitte Red Hat après de longues années.

L'année 2008 marque sans doute un tournant dans les relations entre les fabriquants de matériel et la communauté du logiciel libre : le non respect par les constructeurs de la Licence publique générale GNU entraîne désormais après les rappels d'usage un passage devant le juge. La FSF attaque Cisco sur son Linksys WRT54GL, Artifex Software attaque Diebold sur son utilisation de ghostscript dans les machines à voter, Busybox attaque Iliad pour sa Freebox. Quelques acteurs échappent au procès après avoir fait amende honorable comme Extreme Network qui en moins de trois mois règle à l'amiable un différent avec Busybox.

Dans le monde des téléphones et PDA le Neo Freerunner et le Google Android ont été mis sur le marché, tous deux ouverts et basés sur du logiciel libre. Nokia semble s'orienter vers GNU/Linux pour les téléphones haut de gamme et voit porter deux variantes supplémentaires de GNU/Linux, Android et Ubuntu sur ses tablettes internet démontrant le potentiel des plateformes matérielles ouvertes. Une des dernières plateformes fermée Symbian va être ouverte après son rachat par Nokia, le nombre de plateforme non ouverte se réduit donc.

Dans le monde des gadgets les sources des logiciels libres utilisés par le GPS Garmin sont maintenant en ligne, et l'horloge Chumby basée sur GNU/Linux est maintenant disponible à la vente.

Les centres de calculs sont toujours dominés par les logiciels libres comme le montre le Top 500 des supercalculateurs et même la NASA se dote d'un contrat logiciel ouvert.

Une mention spéciale à la société Eaton qui vient d'acquérir MGE, une marque célèbre d'onduleurs, et qui du même coup étend son support des développeurs de logiciel libre en interne et externe.

Enfin devant toutes ses bonnes nouvelles touchant principalement le monde de l'embarqué, on ne peut que se réjouir de voir la communauté du noyau Linux se doter d'un responsable spécialement dédié à l'embarqué.

Licences

2008 ayant été l'année de la démocratisation du logiciel libre et d'une meilleure appréhension des licences libres en entreprises, nous pouvons témoigner de nombreux chamboulements tant structurels que politiques. Ceux-ci concernent :

L'importance de rendre les comportements conformes aux licences. C'est ce qui motiva l'introduction d'une demande de certification open source de la GNU Affero GPL par les industriels désireux d'exploiter leur logiciel sous ses termes (la certification date du 11 mars 2008 — voir notamment « Open Source de la GNU Affero GPL : le temps de faire le point »). De la même façon, on a vu Wikimédia militer auprès de la FSF pour une modification de la GNU FDL : ce qui a conduit à la publication, le 3 novembre 2008, d'une version 1.3 de la GNU Free Documentation License, version transitoire destinée à permettre licitement de relicencier sous CC-By-SA tout son contenu.

Le règlement des litiges pour non-respect des licences devant les tribunaux : telle la décision Francisco in Jacobsen v. Katzner du 13 août 2008 qui confirme que le non-respect de la licence n’entraîne pas seulement une responsabilité contractuelle (se limitant à l’allocation de dommage et intérêt), mais aussi une résiliation automatique de la licence (et, ainsi, l’interdiction subséquente des actes contrefaisants). Mais 2008, c’est aussi un lot de nouvelles actions : contre Cisco aux États-Unis (la plainte de la Free Software Foundation contre CISCO date du 11 décembre 2008, mettant fin à un dialogue entamé dès 2003), ou contre Free en France (assignation en date du 24 novembre 2008).

Une réflexion entourant l'usage des licences libres qui n'a jamais été aussi forte. Telle la tenue, le 24 septembre 2008, du premier European OpenSource Lawyers Event (voir les présentations) : séminaire juridique entièrement dédié à l’open source/au logiciel libre, organisé par et pour les praticiens du droit évoluant dans le domaine du logiciel libre (réunissant des juristes, avocat, ingénieur ou chercheur de toute part de l’Europe et des États-Unis).

Des gouvernances propres aux licences libres se mettent en place dans les sociétés utilisatrices. La mise en place de politiques ad hoc se généralise au sein des industries, souvent en ayant recours aux solutions d’audit de code et de gestion de workflow (que celles-ci soient commerciale comme Black Duck Software – qui a racheté Koders le 28 avril 2008 –, ou communautaire comme FOSSology — sorti en 1.0 le 17 décembre 2008).

Des accords privés des sociétés du secteur qui sont formulés en adéquation avec les licences libres : ainsi, Red Hat et FireStar ont conclu le 6 juin 2008 une transaction en matière de brevets logiciels qui est rédigée de façon à profiter à l'ensemble de la communauté du Logiciel Libre (voir le guide publié sur le blog de Red Hat par Rob Tiller, qui était en charge de cette transaction).

Pour aller plus loin, voir sur le blog de Veni, Vidi, Libri « les 12 principaux faits juridiques marquants pour le Logiciel Libre en 2008 »

Monde associatif

Le groupe de travail « Libre Association » de l'April s'est attaché cette année à consolider un réseau de structures (évidemment majoritairement associatives étant donné l'objet du groupe) susceptibles d'être intéressées, à un moment ou à un autre, par les logiciels libres ou de diffuser les informations dans leurs propres réseaux.

Pour cela, les membres du groupe se sont relayés pour être présents lors de plusieurs rendez-vous propres aux associations. On retiendra donc les présences et interventions suivantes : forum des Francas le 1er juillet 2008 à Tours, atelier Ardeva le 25 septembre 2008 aux Murs à pêches, Forum des associations parisiennes les 17 et 18 octobre 2008 sur la place de l'Hôtel de ville de Paris, 3ème Forum des associations et fondations le 30 octobre au Palais des congrès à Paris, journée "Démocratie en réseau" le 17 novembre 2008 à la Cité des Sciences et de l'industrie.

Dans cette logique de prise de contact et de tissage de réseaux associatifs, une rencontre a eu lieu avec les membres de la FONDA et un partenariat fort s'est instauré entre l'April et la CPCA. À noter aussi l'implication « discrète » mais extrêmement importante pour le groupe, de la Fondation pour l'Homme (FPH). Enfin, les multiples rencontres avec l'AILL (Association Internationale du Logiciel Libre) laissent entrevoir des coopérations riches dans les mois à venir, en particulier sur les domaines de l'économie sociale et solidaire.

L'action notable du groupe cette année restera, en partenariat avec la CPCA, l'enquête ayant pour objet de mieux cerner les usages et les pratiques des associations françaises vis-à-vis de l'informatique en générale et de l'informatique libre en particulier. L'idée est de mieux cerner les besoins pour prioriser ensuite les outils à développer ou à soutenir dans l'écosystème des logiciels Libres. l'enquête, restée ouverte du 17 octobre au 20 décembre a permis de récolter environ 380 réponses pour un objectif initial de 500. Ce nombre sera sans aucun doute suffisant pour avoir une première "photographie" des pratiques et publier, dans le courant du 1er trimestre 2009, une analyse de ces réponses. Un observatoire permettra, dans les mois à venir, de continuer à récolter des informations.

Le magazine « Associations mode d'emploi », qui est la référence en terme de presse associative et propose chaque mois une trentaine de pages de conseils pratiques sur tous les aspects qui concernent la gestion de l'association, proposait dans son numéro de décembre 2008 un petit encart sur le questionnaire.

À l'occasion du Libre en fête, Associatifs, la lettre d’information de la Ligue de l’Enseignement et de son réseau associatif dans les Alpes du Sud a publié un numéro spécial consacré au logiciel libre téléchargé à plus de 5 000 exemplaires. Disponible sous licence Creative Commons BY-SA, ce magazine alterne définition du logiciel libre, retours d'expériences et ressources pour vous accompagner dans la migration vers le logiciel libre.

Contributeurs édition 2008

  • 1. « tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en oeuvre » selon la loi française