ACTA tapi dans l'ombre de la DADVSI ?

Paris, le 8 mars 2010. Communiqué de presse.

L'April invite le gouvernement français à suspendre sa participation aux négociations sur l'ACTA tant qu'aucune évaluation des traités précédents n'aura été effectuée. En l'état, le traité ACTA pourrait en effet porter lourdement atteinte au logiciel libre, par l'aggravation des dispositions pro-DRM déjà existantes.

L'Accord commercial anti-contrefaçon (en anglais Anti-Counterfeiting Trade Agreement ou ACTA)1 est un traité international qui vise à redéfinir notamment la politique relative au droit d'auteur et au brevet : des médicaments génériques2 à la responsabilité juridique des acteurs de l'Internet3, le périmètre des dispositions négociées est large. Plutôt que de prendre en compte les changements apportés par la société de l'information, ce traité viserait à renforcer des modèles technologiques qui ont démontré leur inefficacité. Le volet ayant récemment fuité sur les Dispositifs de Contrôle d'Usage des œuvres numériques (Digital Right Management ou DRM en anglais)4 en est un exemple particulièrement parlant.

Ce traité arrive près de 15 ans après les « traités OMPI »5 qui tentaient déjà d'imposer les DRM au niveau international. En 2001, les négociations internationales ont donné naissance à la directive européenne EUCD6, transposée en droit français par la loi dite « DADVSI »7 en 2006. Le législateur avait alors demandé expressément qu'un rapport sur l'application de cette loi lui soit remis dans les 18 mois suivant sa promulgation8. Trois ans et demi plus tard, ce rapport n'a toujours pas été entamé. L'April rappelle qu'Éric Walter, qui vient d'être nommé secrétaire général de la HADOPI9, avait indiqué en 2007 (en tant que responsable de la campagne internet de Nicolas Sarkozy) que le bilan de la loi DADVSI serait « fait de la façon la plus ouverte possible et que des conséquences en seraient tirées »10. Or comme seules conséquences tirées de l'inutile et nocive DADVSI, Nicolas Sarkozy nous a livré la risible HADOPI et ses hallucinants mouchards filtrants11...

Malgré un manque de communication évident entre les institutions françaises12 et européennes13, il est maintenant démontré que la France participe à ces négociations14. L'April s'étonne que la France s'engage ainsi dans un processus de négociation sans avoir, au préalable, évalué l'impact du traité précédent. « Si le gouvernement français a de la considération pour le travail des parlementaires, il doit suspendre sa participation aux négociations. En prenant le temps d'examiner l'impact des dispositions pro-DRM qui ont été promulguées par la loi DADVSI, il s'apercevra alors qu'une protection juridique de ces technologies n'est pas une solution » déclare Tangui Morlier, président de l'April.

L'April a, à de multiples reprises, démontré que les DRM sont inconciliables avec le Logiciel Libre15. Ces menottes numériques, dont l'efficacité repose sur le secret, sont fondamentalement incompatibles avec les libertés essentielles offertes par les licences des logiciels libres. En proposant d'aggraver les dispositions actuelles sur les DRM, l'ACTA représente une menace sérieuse pour le Logiciel Libre. L'April va donc contacter les députés français16 et les eurodéputés17 pour les informer de ces dangers.

« Nous nous sommes opposés dès 2008 au traité ACTA en apprenant son existence. C'est pour cette raison que nous appelons tous les utilisateurs de Logiciel Libre à demander à leurs parlementaires nationaux comme européens de prendre position contre ces négociations » déclare Frédéric Couchet, délégué général de l'April.

À l'échelle européenne, quatre eurodéputés18 ont soumis une déclaration écrite s'opposant à l'ACTA. L'April soutient l'appel de La Quadrature du Net à signer cette déclaration écrite.