Ratification des traités OMPI par le parlement français

Ratification des traités OMPI par le parlement français

L'ordre du jour de l'Assemblée nationale amènait les députés à examiner la ratification de deux traités OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) jeudi 10 avril 2008 lors de la deuxième séance.

Ces traités OMPI sont à l'origine de la directive EUCD de 2001 et de la loi DADVSI (loi sur le droit d'auteur à l'ère du numérique) de 2006, qui introduisent une insécurité juridique majeure pour les auteurs et éditeurs de logiciels libres, et condamne les utilisateurs de logiciels libres à violer la loi pour lire des fichiers multimedia.

Les conséquences sont désastreuses pour la place des logiciels libres sur le marché du logiciel : les distributions libres ne peuvent pas, en France, inclure de logiciel multimedia (pourtant devenu essentiel dans un équipement informatique) sans risquer des poursuites.

La ratification de ces traités intervient de surcroît alors que les débats sur le droit d'auteur à l'ère du numérique sont loin d'être clos : le rapport d'application de la loi DADVSI, qui aurait dû être publié le 1er février 2008, n'est toujours pas entamé, et le ministère de la culture prépare déjà une autre loi suite à la mission de Denis Olivennes. Quant au débat sur l'interopérabilité, qui est la condition du libre usage et de la libre concurrence, il a été clos unilatéralement par le gouvernement lors de l'examen de la loi DADVSI, et n'a pas été rouvert depuis.

L'April dans un communiqué du 9 avril 2008 avait appelé les députés à ne pas ratifier les traités Internet de l'OMPI. Ils avaient ainsi l'opportunité de marquer d'un geste fort la volonté de la représentation nationale de ne pas se laisser confisquer le débat sur les droits d'auteur dans la société de l'information, afin de sortir d'une logique passéiste pour enfin entrer dans une nouvelle politique de civilisation.

Le vote prévu le 10 avril 2008 se voulait être une formalité pour le gouvernement qui souhaitait voir ces projets de loi voté en procédure d'examen simplifiée, sans débat. Heureusement des députés ont insisté pour qu'un débat minimal ait lieu.

Lors des débats plusieurs députés ont rappelé, comme l'indiquait l'April dans son communiqué du 9 avril 2008, que la protection juridique des DRM est un outil utilisé pour exclure les auteurs de logiciels libres du marché grand public en leur interdisant de développer des lecteurs multimedia, et une arme anti-concurrentielle au service des monoples.

Ainsi Martine Billard (GDR, Les Verts, signataire du Pacte du Logiciel Libre) a déclaré :

« Le principe même de protection juridique des DRM a créé une insécurité juridique contre le logiciel libre et même une distorsion de concurrence : des sociétés françaises du logiciel libre risquent des poursuites si elles proposent un simple lecteur DVD avec leur système d'exploitation en logiciel non propriétaire. Quant aux députés français, leurs postes de travail sont équipés en logiciels libres mais la loi DADVSI les oblige à utiliser un logiciel propriétaire pour la lecture d'un DVD ! »

Nicolas Dupont-Aignan (NI, Debout la République, signataire du Pacte du Logiciel Libre) a ajouté :

« ... la protection juridique des DRM a conduit à l'exclusion des acteurs commerciaux du logiciel libre du marché du grand public, en leur interdisant d'intégrer dans leurs offres des lecteurs multimédias capables de lire un DVD. De manière plus générale, elle a facilité les abus de position dominante, la vente liée et les ententes illicites entre monopoles, au détriment de nos PME et des consommateurs.

[...]

Selon certains, ne pouvoir lire un DVD avec un logiciel libre ne serait pas un grave problème. Sauf que cela empêche des sociétés françaises, comme Mandriva, de concurrencer Microsoft sur le marché du grand public ou de l'éducation ! A-t-on jamais vu un éditeur imposer une marque de lunettes pour lire les livres qu'il fait imprimer ? Or, c'est la même chose ! En luttant contre l'interopérabilité, vous cloisonnez le marché et confortez le duopole américain Apple-Microsoft, à l'encontre des intérêts de notre pays. D'ailleurs, si la gendarmerie nationale a migré vers les logiciels libres, ce n'est pas seulement pour une question de coût, mais aussi pour les raisons de sécurité nationale mises en évidence lors de nos précédents débats. »

Cette ratification des traités intervient en outre le jour même où le Parlement européen a adopté une résolution qui engage les États membres « à éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif, telles que l'interruption de l'accès à internet ». Comme l'a indiqué très justement Didier Mathus (SRC, Parti Socialiste) :

« Le plus piquant est que le jour même où le Gouvernement nous invite à ratifier ces traités manifestement obsolètes, le Parlement européen adopte une résolution qui condamne la politique française en soulignant que criminaliser les consommateurs qui ne cherchent pas le profit « n'est pas la bonne solution » et en blâmant l'atteinte au principe de proportionnalité de la peine que constitue l'interruption de l'accès à l'Internet pour les contrevenants. Autant dire que les orientations du rapport Olivennes, dont nous aurons à débattre, sont directement visées. C'est une véritable claque qui vient d'être ainsi infligée au Gouvernement français, et cette résolution signe l'échec d'une stratégie uniquement répressive et aveugle aux évolutions sociales. »

Les députés présents ayant voté la ratification de ces deux traités le texte est passé au sénat.

La ratification des deux traités a été voté par le sénat lors de la séance du 12 juin 2008. Voir le dossier législatif sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes et le dossier législatif sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur.

Références