Quelle place pour le numérique avec le retour d'Éric Besson ?

Paris le 15 novembre 2010, communiqué de presse.

À l'occasion du remaniement du 15 novembre 2010 Éric Besson retrouve le portefeuille de l'économie numérique. L'April regrette une fois de plus la réduction des enjeux du numérique à ses seuls aspects économiques. Elle demande au ministre de faire un point sur les actions proposées par le plan France Numérique 2012 et de se positionner sur le projet d'accord ACTA.

En faisant disparaître le secrétariat d'État à l'économie numérique, le gouvernement réduit une nouvelle fois ces problématiques à leurs seuls aspects économiques. Pourtant, la « révolution numérique » ne concerne pas seulement les entreprises, mais bien la société dans son ensemble : l'État doit également considérer les bénéfices des technologies numériques pour les citoyens, notamment en termes de disponibilité, d'échange et de partage des savoirs pour et par les citoyens eux-mêmes.

L'April espère néanmoins que l'existence d'une administration dédiée permettra enfin de faire réellement avancer certains dossiers, comme par exemple le plan France Numérique 20121. Ce plan présenté en 2008 par Éric Besson2 reconnaissait le potentiel du Logiciel Libre et présentait des propositions concrètes pour faire avancer le dossier de la vente liée3. Mais depuis, aucune évolution ou démarche significative n'a été entreprise sur ce dossier.

D'un autre côté, le plan France Numérique 2012 montrait aussi l'obstination du gouvernement sur les DRM et, solidarité gouvernementale oblige, Éric Besson avait soutenu du bout des lèvres la loi Création et Internet (dite loi HADOPI) de Christine Albanel, alors ministre de la Culture. L'April s'inquiète donc de la position d'Éric Besson concernant le projet d'accord ACTA4, d'autant plus qu'à l'automne 2007 Éric Besson avait déclaré vouloir « renforcer énergiquement la protection de notre propriété intellectuelle, qui demeure aujourd'hui trop timorée ». Il préconisait pour cela de « [s']inspirer de l'attitude beaucoup plus offensive des USA »5.

Or la politique menée par les États-Unis dans ce domaine a déjà conduit à l'adoption par de nombreux pays de lois étouffantes pour les libertés et le développement économique et social. Et le projet d'accord ACTA va encore plus loin que les législations existantes pour ce qui est de réduire les libertés et droits fondamentaux.

Le ministre, alors député socialiste, avait lui-même implicitement admis cet état de fait en cosignant en 2003 une proposition de loi visant à interdire les DRM empêchant la copie privée6, tandis que la majorité UMP souhaitait voir adoptées des mesures allant dans le sens contraire, mesures en provenance directe de la Maison Blanche7. Ce qui fut fait.

« La riposte graduée, les brevets logiciels et les atteintes à la neutralité de l'Internet ne sont pas des perspectives d'avenir, d'innovation, ni de progrès économique ou social. L'histoire démontre que le modèle américain sert principalement les industries américaines, et en aucun cas l'économie française ou européenne. C'est d'ailleurs bien pourquoi elles font pression au niveau international, européen et national pour le voir propagé. Céder à ces pressions serait une trahison de nos intérêts nationaux comme communautaires » a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l'April.

L'April sera donc particulièrement vigilante, mais jugera le ministre à l'aune de son action. L'April va solliciter un rendez-vous avec Éric Besson pour évoquer ces sujets.

À propos de l’April

Pionnière du logiciel libre en France, l’April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l’espace francophone. Elle veille aussi, dans l’ère numérique, à sensibiliser l’opinion sur les dangers d’une appropriation exclusive de l’information et du savoir par des intérêts privés.

L’association est constituée de plus de 5 500 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.

Contacts presse :

Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82

  • 1.

    Concernant le plan France Numérique 2012 voir notre dossier.

  • 2.

    À l'époque Éric Besson était secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique.

  • 3.

    « Action n°64 : Promouvoir un affichage séparé des prix des logiciels et systèmes d’exploitation pré-installés.
    Suite à la demande du secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation en juillet 2008, les distributeurs mettent en place de façon volontaire un affichage du montant remboursé en cas de renonciation du consommateur à l’utilisation du système d’exploitation préinstallé. Cette démarche pourrait être généralisée en 2009.

    Action n°65 : Permettre la vente découplée de l’ordinateur et de son logiciel d’exploitation.
    Réunir un groupe travail rassemblant les acteurs de la distribution, les associations de consommateurs, les fabricants et fournisseurs de logiciels pour mettre en place un test dès le premier trimestre 2009. »

  • 4.

    Concernant ACTA voir notre communiqué de presse Nouvelle version de l'ACTA : une seule certitude, la limitation de nos libertés.

  • 5.

    Extrait d'un discours d'Éric Besson le 22 novembre lors d'un colloque sur la place de l'Europe dans la mondialisation... http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/Actes_Europedanslamondialisation_Francais.pdf.

  • 6.

    Éric Besson a été cosignataire d'une proposition de loi visant à interdire le recours à des mesures de protection des CD ou DVD ayant pour effet de priver les utilisateurs du droit à la copie privée . Il avait également voté contre la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI).

  • 7.

    Chronologie du projet de loi DADVSI et origine de l'urgence.