Propriété intellectuelle

Position de l'April sur la notion de « propriété intellectuelle »

Position résumée

En premier lieu, le terme de « propriété intellectuelle » est fallacieux, car il laisse penser que l'on peut penser aux ressources immatérielles (un logiciel, une musique) de la même manière que pour la propriété des biens matériels (une chaise, un DVD). Cependant, on ne peut pas appliquer les mêmes schémas de pensée à des biens physiques et à des ressources immatérielles.

Par ailleurs, la notion de « propriété intellectuelle » est le plus souvent utilisée de façon très vague et sans porter de sens précis. Ceci consiste à mettre dans le même panier de nombreuses notions juridiques — comme le droit d'auteur, le droit des marques, des modèles, des brevets, etc. — qui ne sont pas définies dans les mêmes contextes. En mélangeant toutes ces notions, on tend à faire croire que ces droits ont des fondements et des objectifs identiques, alors qu'il n'en est rien.

L'April invite donc chacun à éviter d'utiliser cette expression en lui préférant des termes plus précis, tels que le droit d'auteur, le droit des brevets, le droit des marques.

Position détaillée

Cette expression, qui constitue un oxymore, est fallacieuse, car elle laisse entendre que l'on peut considérer les ressources immatérielles (un logiciel, une musique) de la même manière que des biens matériels (une chaise, un DVD). Il est évident qu'on ne peut pas appliquer les mêmes schémas de pensée à des biens physiques et à des ressources immatérielles. Par exemple, si une chaise ne peut bénéficier qu'à une seule personne à la fois, un logiciel ou un texte peuvent bénéficier à tous, sans surcoût. De la même façon, si une horloge peut avoir un propriétaire particulier, l'information qu'elle donne peut profiter à tous. Le fait que les oeuvres de l'esprit soient fixées sur des supports physiques ne doit pas conduire à confondre le régime applicable à la création intellectuelle et le régime applicable à son support tangible, et ce d'autant moins que le support physique tend à disparaître totalement et que les créations de l'esprit circulent de manière dématérialisée. Or, les législations en vigueur, comme par exemple, en France, le code dit de la « propriété intellectuelle », présentent comme allant de soi et entérinent ce qui mérite, à juste raison, un examen plus approfondi parce que contradictoire dans son principe.

L'April rappelle les dangers d'une telle confusion, qui est employée pour légitimer la restriction des droits du public, voire du domaine public et des libertés fondamentales au prétexte de la "défense de l'innovation" ou des auteurs, alors même que le lien entre cette « propriété intellectuelle » et l'innovation et la création n'est pas démontré.

La notion de « propriété intellectuelle », bien qu'entérinée depuis longtemps par la doctrine juridique et bien que constituant la substance même du code français qui porte ce nom, n'en est pas moins parfaitement artificielle car elle traite de la même façon de nombreuses notions juridiques comme le droit d'auteur, le droit moral sur l'œuvre, le droit des marques, des modèles, des brevets, le droit sui generis du producteur de bases de données qui n'a rien à voir avec une activité inventive, etc, instaurant différents monopoles légaux.

Ces notions juridiques ne sont pas définies dans les mêmes contextes et n'obéissent pas aux mêmes impératifs. Il s'agit en réalité, historiquement, de monopoles d'exploitation, personnels et provisoires, reconnus par la société au bénéfice d'un créateur, personne physique. En mélangeant toutes ces notions, on tend à faire croire que ces droits ont des fondements et des objectifs identiques, alors qu'il n'en est rien. Par exemple, si les logiciels libres sont basés sur le droit d'auteur, cela n'empêche pas les brevets logiciels de leur être nuisibles. Les différents monopoles d'exploitation légaux, rangés sous le terme générique de « propriété intellectuelle » ont donc des objets, des natures et des objectifs très différents et cet amalgame a pour effet, sinon pour but, de faire oublier ces distinctions essentielles ainsi que l'origine historique et l'objet spécifique de chacun de ces monopoles légaux.

L'April recommande donc à chacun d'éviter d'employer cette expression, lui préférant des termes plus précis, tels que le droit d'auteur, le droit des brevets, le droit des marques.

Voir également la position de la Fondation pour le Logiciel Libre.