L'Open Bar Microsoft/Défense évoqué dans le cadre de travaux parlementaires sur l'accès aux documents administratifs

Le 29 janvier 2014 Jérôme Hourdeaux, journaliste à Médiapart, a été auditionné par la mission commune d'information (Assemblée nationale et Sénat) sur l'accès aux documents administratifs.

Il y a notamment évoqué le dossier Open Bar Microsoft/Défense, qu'il a déjà traité dans les colonnes de Médiapart. Il a ainsi résumé le dossier de l'Open Bar pendant son audition, et souligné la difficulté à obtenir des documents administratifs ainsi que les problèmes liés au caviardage des documents.

L'April a fait de nombreuses demandes de documents administratifs sur le dossier - dont la dernière est d'ailleurs toujours en attente - et a déjà dénoncé le caviardage intensif de l'administration, même si les récentes demandes ont permis de confirmer les jeux de pouvoir autour du contrat ainsi que son renouvellement. Cependant, de nombreuses informations restent inconnues, et l'April se réjouit donc que cette problématique soit clairement évoquée.

Le texte de l'audition sur l'Open Bar :

M. Jérôme Hourdeaux, journaliste à Médiapart. - Mon expérience concerne internet et les marchés publics. Je n'ai saisi qu'une fois la Cada, hier, afin d'obtenir communication du contrat dit « open bar » liant le ministère de la défense à Microsoft, conclu en 2009 pour l'équipement d'une partie du parc informatique du ministère. Ce contrat a donné lieu à polémique sur la souveraineté nationale, l'indépendance numérique. Dès 2009, la presse a révélé les négociations entre Microsoft et le ministère de la défense ; l'April (Association pour la promotion et la défense du logiciel libre) a saisi la Cada pour demander une copie du contrat. Elle l'obtint rapidement... toutes les parties intéressantes du document étant noircies. Il a fallu quatre ans de combat des associations et des journalistes pour obtenir le document, qui a fuité par des sources extérieures à la Cada. Rien ne relevait du secret défense dans ce contrat. Mais comment fut-il signé ? Il y eut des notes internes, très défavorables, un rapport d'experts, très critique, la commission consultative des marchés publics (CCMP) a donné un avis favorable mais très critique. Ces documents n'ont finalement été publiés qu'en octobre 2013, soit quatre ans après la signature du contrat, au moment de son renouvellement. Je m'y suis intéressé en septembre 2013, à l'occasion de ce renouvellement. J'ai demandé communication du contrat à la Dicod (Délégation à l'information et à la communication de la défense), qui a refusé de me répondre, avant de m'informer la veille de la publication de mon article qu'elle ne me le communiquerait pas et que la CCMP était saisie du renouvellement du contrat. Cela au bout d'un mois. Pour saisir la Cada, il faut identifier les documents et les services émetteurs, chose complexe en l'occurrence, car depuis, la CCMP a été supprimée. J'ai appris après moult courriels, appels téléphoniques et relances que le document est en possession du service interne de documentation et d'informatique et que je dois m'adresser au ministère de la défense, lequel en a publié une version noircie. Bref, on est reparti pour quatre ans ! Le rythme magazine de Médiapart permet de consacrer de longs mois à de telles enquêtes, ce qui est exclu lorsque l'on travaille, comme je le fis au Nouvel Observateur, pour des sites où prime l'actualité quotidienne.

[...]

M. Jean-Jacques Hyest, président. - Certains marchés de la défense relèvent du secret défense...

M. Jérôme Hourdeaux. - En l'espèce, ce n'est pas le cas. Le secret commercial a été invoqué, alors que rien, à ma connaissance, ne le justifie. C'est l'aspect polémique du dossier qui a gêné le ministère de la défense, une note se référant à la polémique médiatique.

Mme Mathilde Mathieu. - Sur le secret défense, nous avons constaté un jeu de dupes : un juge qui veut déclassifier des documents en fait la demande au ministre, lequel transmet à la commission consultative du secret de la défense nationale, dont il suit l'avis ou pas. In fine, c'est lui qui décide, ce que nous estimons, à Médiapart, contraire à la séparation des pouvoirs. Il faudrait faire bouger les lignes sur ce sujet.

M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous ne l'avions pas envisagé a priori. C'est un sujet en soi. Le ministre suit généralement l'avis de la commission.

Mme Mathilde Mathieu.- Mais c'est l'administration qui décide ce qu'elle transmet ou pas à la commission.