Open Bar Microsoft/Défense : de nouveaux documents confirment les jeux de pouvoir et la décision politique

Paris, le 14 octobre 2013. Communiqué de presse.

Suite à notre demande de documents administratifs, nous avons reçu trois documents de la part du ministère de la défense sur le contrat « Open bar » passé avec Microsoft en 2008. Ces documents montrent que le choix d'un contrat Open Bar fait bien suite à une décision politique qui a visiblement été prise en amont des études sur la faisabilité et les risques.

Ce contrat-cadre, passé sans appel d'offres ni mise en concurrence, permettait, pendant toute la durée du marché (4 ans), un droit d’usage d’un certain nombre de produits Microsoft et de services associés. Passé malgré de nombreux avis défavorables et dans le plus grand secret, il a déjà fait l'objet de plusieurs fuites dans la presse.

Suite à ces informations, nous avions réalisé deux demandes d'accès aux documents administratifs successives. La première avait résulté en une réponse partiellement utilisable. Nous publions aujourd'hui les documents résultant de la seconde.

Commençons par un rappel chronologique.

Par lettre n°375/DEF/DGSIC/SDAI/DR-SF du 20 juin 2007 la direction générale des services d'information et de communication (DGSIC, placée directement sous l’autorité du ministre de la Défense) transmet à de nombreux destinataires (dont le chef d'état major des armées, le directeur de cabinet du Ministre de la défense) un « guide pour la mise en place de partenariats avec les éditeurs de logiciels » qui souligne l'intérêt pour le ministère de la défense d'établir avec Microsoft une « relation privilégiée ».

Par lettre n°457/DEF/DGSIC/DAT/DR du 13 juillet 2007, le DGSIC mandate un comité de pilotage notamment composé de représentants de la DGSIC, de la DIRISI (direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'informations de la défense française), de l'EMA (État-major des armées) pour étudier la proposition Open Bar de Microsoft. Le comité de pilotage est présidé par le directeur adjoint de la DGSIC.

Un groupe de neuf experts (DGSIC, EMA, SGA, DIRISI) est constitué pour faire une analyse de risque au profit du comité de pilotage. Ce groupe d'experts conclut dans son rapport (lettre n°184/DEF/DGSIC/SDAI du 18 janvier 2008 et son annexe) que « compte tenu des risques élevés et du surcoût par rapport à la situation actuelle, le groupe de travail déconseille la contractualisation sous forme de contrat global [le contrat Open Bar proposé par Microsoft] sauf à le limiter au périmètre de la bureautique ».

Ces éléments sont déjà connus et les conclusions du groupe d'experts rendaient difficilement compréhensible la signature au final du contrat Open Bar proposé par Microsoft. Les documents que nous avons reçus, suite à notre saisine CADA éclairent le processus de décision.

L'un de ces documents est la note n°305/DEF/EMA/EPI/PSIOC/NP du 15 février 2008 écrite par l'EMA à la DGSIC. Dans cette note l'EMA critique l'analyse de valeur sur les dangers de la contractualisation en Open Bar proposée par Microsoft, étude pourtant réalisée par le groupe de travail piloté par la DGSIC. L'EMA explique sans aucun argument probant que de telles conclusions sont « partiales » et « difficilement vérifiables et exploitables ». L'EMA précise ensuite que « pour se conformer aux orientations ministérielles », il recommande de « poursuivre la démarche de contractualisation avec la société de Microsoft », en ignorant donc les risques soulevés par l'étude de la DGSIC.

Le second document reçu est la fiche n° 513/DEF/DGSIC/DA-AT du 30 mai 2008 écrite par le directeur adjoint de la DGSIC, par ailleurs président du comité de pilotage du groupe de travail. Cette fiche n° 513 fait référence aux travaux du groupe de travail (lettre n°184/DEF/DGSIC/SDAI du 18 janvier 2008) mais elle en dénature les conclusions, notamment relativement aux différentes options de contractualisation possibles. Le groupe d'experts déconseillait en effet fortement l'option Open Bar et préconisait une contractualisation limitée au périmètre de la bureautique. Les nouvelles conclusions aboutissent à son innocuité relative !

« Les documents reçus (notamment les n° 513 et n° 305) sont intéressants car ils montrent que le choix d'un contrat Open Bar fait bien suite à une décision politique qui a visiblement été prise en amont des études sur la faisabilité et les risques. Et ces mêmes études ont été ignorées lorsqu'elles ne correspondaient pas aux décisions déjà prises » a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l'April.

Sur la base de ces deux dernières notes, l'une rejetant sans justification les conclusions du groupe d'experts, l'autre les dénaturant, le directeur général des services d'information et de communication écrit un courrier au chef d'état-major des armées (lettre n°514/DEF/DGSIC/DA/AT du 30 mai 2008) demandant de valider les autorisations d'engagement pour le contrat Open Bar, et transmettant un résumé (édité) de l'analyse des risques signé par la DGSIC (la fiche n°513/DEF/DGSIC/DA-AT sus-citée).

On peut enfin noter que les conclusions du groupe d'experts de la DGSIC sont disponibles grâce à la publication sur le site de l'émission « Le Vinvinteur ». En effet, nous avions fait une demande CADA pour obtenir l'ensemble de l'étude, mais les documents avaient été noircis, nous empêchant d'en prendre connaissance.

Pour plus d'information sur le dossier Open Bar :

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