Le Conseil Economique et Social européen pour une réforme du droit d'auteur et des brevets, s'inquiète du brevet unitaire

Le 6 mars 2012 a été publié au Journal officiel de l'Union européenne l'avis du Conseil économique et social européen (CESE)1 sur la « communication de la Commission - Vers un marché unique de la propriété intellectuelle »2. Les représentants de la société civile des États membres de l'Union européenne y appellent à une révision en profondeur du droit de la « propriété intellectuelle », en commençant par critiquer l'expression elle-même3. Les propositions traitent également de sujets d'actualité comme ACTA ou le brevet unitaire, et visent un rééquilibrage des droits dans les futures directives européennes.

Elle propose ainsi de revoir le cadre dans lequel la législation sur le droit d'auteur est évaluée.

« Le principe général de proportionnalité entre les délits et les sanctions devrait être effectivement appliqué ; certaines législations nationales très intrusives et répressives envers les copies illicites de produits audiovisuels, faites à faible échelle par des particuliers via internet sans but d'en faire commerce devraient être revues dans cet esprit. Il ne faudrait pas donner l'impression que la législation répond aux pressions de lobbies plutôt qu'à un principe fondamental de droit pénal. »

Par conséquent, ses propositions impliquent de revoir ce qu'est appelé « droits de propriété intellectuelle », en soulignant qu'« ils sont assimilés à un droit de propriété, mais sont en fait des droits incorporels protégeant les titulaires contre la copie et la concurrence ». Cette vision extrémiste du droit d'auteur est d'ailleurs ce qui est à l’œuvre avec ACTA, comme le CESE le rappelle :

« En principe, l'ACTA ne devrait pas modifier l'acquis communautaire ; cependant son orientation exclusive vers le renforcement de la protection des droits des titulaires, par des mesures douanières, policières et de coopération administrative continue de privilégier une version spécifique de la propriété des droits : les autres droits humains, sans doute les plus fondamentaux, comme les droits à l'information, à la santé, à une alimentation suffisante, à la sélection des semences par les agriculteurs, à la culture, ne sont pas pris suffisamment en considération, et cela aura des conséquences sur les futures législations européennes qui seront prises en vue de l'harmonisation des législations des États Membres. »

La position détaille également de nombreux points importants sur les brevets, brevets logiciels et brevet unitaire. Il critique en effet les dangers des brevets logiciels, qui représentent, dans les pays où ils sont légaux comme aux États-Unis, « des coûts disproportionnés de défense juridique ». Alors que les brevets sont en effet des monopoles temporaires, reconnus dans un but d'intérêt général et afin que les découvertes des inventeurs soient partagées avec l'ensemble de la société. Or, comme le souligne le CESE, « cette dimension d'intérêt général n'est plus présente dans le domaine des logiciels, qui ne sont pas contraints à publication de leur source là où des brevets sont délivrés pour leur protection ». Les brevets logiciels sont cependant interdits en Europe par la Convention de Munich.

Certains acteurs tentent cependant de légaliser les brevets logiciels en Europe, notamment avec le projet de brevet unitaire européen. Les inquiétudes exprimées de longue date par l'April4 sont partagées et résumées par le CESE :

« Le Comité a toujours fortement soutenu la démarche de la Commission en vue de l'instauration d'un tel brevet unitaire, tout en émettant des réserves sur certaines pratiques de l'OEB, qui ne respectent pas totalement les clauses de la Convention de Munich en ce qui concerne l'exclusion expresse des logiciels, et alors que tous les brevets portant sur des logiciels ou des méthodes d'affaires ont été annulés par les juridictions nationales saisies en cas de plaintes ; de telles pratiques portent atteinte à la sécurité juridique qui doit s'attacher à l'obtention d'un brevet [...]. De telles déviations ne doivent pas affecter le futur brevet. »

L'April félicite le CESE pour cet avis clair et argumenté. Le Conseil a visiblement pris du recul sur les différentes questions actuellement débattues dans les institutions européennes et propose des évolutions et des pistes de réflexion dignes d'intérêt. Elle espère que cet appel à un rééquilibrage sera entendu par la Commission, notamment sur le brevet unitaire, sur lequel une telle position sensée a trop peu été entendue.