Fuite du texte de l'accord commercial CETA, confirmation du danger pour nos libertés

Le 14 août 2014, le site de l'émission allemande Tagesschau a publié l'accord commercial entre l'Union européenne et le Canada[de] nommé CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, en français Accord économique et commercial global)1. Ce texte, qui est discuté depuis de nombreuses années, a été finalisé ces derniers mois sans que son contenu ne soit connu. Alors qu'il doit être signé par les 28 États Membres de l'Union européenne et par le Canada prochainement, cette fuite permet de connaître plus précisément le contenu de l'accord.

Ainsi, on y retrouve des paragraphes semblables à ce qui était présent dans ACTA, l'accord commercial anti-contrefaçon qui avait été rejeté par le Parlement européen en 20122. En effet, le texte inclut (page 341) une sacralisation des DRM, ces menottes numériques qui restreignent les utilisateurs dans leurs usages des œuvres qu'ils ont pourtant légalement acquises.

"5.3(1) Each Party shall provide adequate legal protection and effective legal remedies against the circumvention of effective technological measures that are used by authors, performers or producers of phonograms in connection with the exercise of their rights in, and that restrict acts in respect of, their works, performances, and phonograms, which are not authorized by the authors, the performers or the producers of phonograms concerned or permitted by law."

« Chaque Partie prévoit une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont utilisées par les auteurs, interprète ou producteurs de phonogrammes dans le cadre de l'exercice de leurs droits concernant, et qui restreignent les usages à l'égard de, leurs œuvres, prestations, phonogrammes et qui ne sont pas autorisés par les auteurs, les artistes ou les producteurs de phonogrammes concernés ou tel qu'autorisé par la loi » (traduction par nos soins)

De même, le droit à l'interopérabilité est expressément nié (page 342). Bien qu'il soit mentionné dans le cadre d'une interopérabilité des DRM, l'April regrette que ce soit sa seule mention :

"5.3(3) In implementing paragraphs 5.3(1) and (2), no Party shall be obligated to require that the design of, or the design and selection of parts and components for, a consumer electronics, telecommunications, or computing product provide for a response to any particular technological measure, so long as the product does not otherwise contravene its measures implementing these paragraphs. The intention of this provision is that this Agreement does not require a Party to mandate interoperability in its law, i.e., there is no obligation for the ICT (Information Communication Technology) industry to design devices, products, components, or services to correspond to certain technological protection measures"

« 5.3 (3)Dans l'application des paragraphes 5.3 (1) et (2), aucune partie ne sera tenue d'exiger que la conception, ou la conception et la sélection des pièces et composants, pour des appareils électroniques grand public, pour les télécommunications, ou pour un produit informatique, permette de répondre à une mesure technique particulière, tant que le produit ne contrevient pas par ailleurs aux mesures d'application de ces paragraphes. L'intention de cette disposition est que cet accord n'exige pas d'une Partie qu'elle exige l'interopérabilité dans la loi, c'est-à-dire qu'il n'existe aucune obligation pour les industries TIC (Techologies de l'information et de la communication) de concevoir des dispositifs, produits, composants ou services correspondant à ces certaines mesures techniques de protection ». (traduction par nos soins).

Enfin, aucune mention n'est faite de l'exception de décompilation.

Plus largement, le texte met en place un nouveau système de règlement des différends, l'ISDS (Investor - States Dispute Settlement, en français Règlement des différends entre investisseurs et Etats), qui contourne les cours nationales et européenne et supprime tous les garde-fous permettant d'assurer le respect des droits fondamentaux. Au nom de l'augmentation des échanges commerciaux entre l'Union européenne et le Canada, la signature de l'accord permettrait aux grandes entreprises de faire appel à une justice privée pour faire respecter leurs intérêts, sans passer par une cour judiciaire indépendante. Les abus de ce type de système sont pourtant multiples, comme l'April l'a déjà signalé dans sa réponse à la consultation de la Commission européenne sur la mise en place d'un même mécanisme pour l'accord commercial TTIP (aussi connu sous le nom de TAFTA).

L'April appelle donc au retrait de l'Union européenne de ces négociations, ainsi qu'à la transparence complète sur le dossier. Ces fuites confirment les dangers des accords internationaux actuellement négociés, et soulignent que de tels accords internationaux ne doivent pas se faire sans débats parlementaires et publics. L'April renouvelle son appel à l'abandon par la Commission européenne et par l'ensemble des institutions impliquées de ces négociations anti-démocratiques.