Rapport Fourgous : une reconnaissance partielle des apports fondamentaux du libre à l'éducation

Paris, le 4 mars 2010. Communiqué de presse.

L'April se félicite que certaines de ses positions soient reprises dans le rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous1 sur la modernisation de l’école par le numérique mais regrette qu'après avoir montré que le logiciel libre est une approche privilégiée pour réussir l'école numérique, il ne propose aucune mesure concrète pour tirer parti de cette opportunité.

Le rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines, sur la modernisation de l’école par le numérique a été remis le 15 février 2010 au Ministre de l'Éducation nationale Luc Chatel.

L'April en tant qu'observateur attentif de l'évolution de l'usage et de l'enseignement de l'informatique dans le système éducatif2 a contribué à cette mission3 dans le cadre de la consultation préalable. Elle se félicite de la prise en compte, même partielle, de sa contribution mais regrette que le logiciel libre ne soit cité que marginalement et ne fasse l'objet d'aucune mesure concrète alors qu'il est un élément central des solutions possibles.

Le rapport précise que le libre permet, entre autres de lutter contre la fracture numérique mais aussi qu'il favorise l'apprentissage des fonctionnalités plus que des outils. Il est également précisé que « en apprenant à utiliser des fonctionnalités plus que des outils, le libre habitue les élèves à la pluralité, à la diversité »4.

Nous retrouvons là les positions défendues par l'April. Selon Benoît Sibaud, vice-président : « Notre association est, en matière éducative, attachée à la formation d'utilisateurs autonomes, éclairés et responsables. Nous considérons que les logiciels libres constituent, de par la transparence technologique qui les définit et les valeurs de partage qui les fondent, l'un des leviers les plus précieux à la disposition de la communauté enseignante pour l'enseignement à et par l'informatique ».

Plus loin l'accent sur les « pratiques coopératives et collaboratives » des enseignants est mis. À nouveau le rapport préconise de « favoriser le développement de ressources libres » 5. De nombreuses structures encadrant la mutualisation de ressources pédagogiques libres entre enseignants existent déjà. Citons Sésamath, EducOOo6, Scideralle7 ou encore Ofset8. Le rapport fait explicitement référence à l'April par la voix de Benoît Sibaud : « Les enseignants devraient ainsi être incités à partager leurs travaux en protégeant ceux-ci par l’emploi de licences de libre diffusion du type Creative CommonsBySA, GNU Free Documentation License ou Licence Art Libre ».

L'April regrette cependant que ces points n'aient pas été davantage pris en compte dans la liste des priorités définies par la mission et que le libre ne soit cité que marginalement. Il est préconisé de généraliser les manuels numériques sans se préoccuper de la façon dont les enseignants pourraient se les approprier. Pour faire sienne une ressource pédagogique, un enseignant doit pouvoir justement l'adapter à son public, à sa situation pédagogique et à ses pratiques. Les manuels numériques actuels ne le permettent pas, ils sont vendus dans des formats rarement modifiables voire l'interdisent sur le plan légal. Il est regrettable que le rapport n'incite pas à encourager de façon institutionnelle des regroupements d'enseignants tels Sésamath9 qui ont justement déjà produit des manuels numériques libres de mathématiques reconnus pour leur qualité pédagogique10. À la place un fonds de développement à seule destination d'éditeurs privés semble préconisé.

Sur le plan de l'exception pédagogique, l'April regrette de ne voir aucune mesure claire destinée à mettre un terme à l'insécurité juridique qui fait partie du métier d'enseignant. Il est certes préconisé de créer (en urgence) cette exception dans le système juridique du droit d'auteur alors qu'il suffirait dans un premier temps de favoriser la mutualisation entre professionnels de l'éducation et le développement de ressources libres.

Concernant le B2i, le rapport va dans le sens des conclusions de l'April11 et de nombreux autres acteurs comme l'EPI et le groupe ITIC-ASTI12 car : « le B2i ne prend pas en compte ni la capacité à pouvoir se former tout au long de la vie, ni les connaissances techniques de base nécessaires pour comprendre les outils numériques ». L'April ne peut que se réjouir de voir mentionné que « La mise en place d'une matière informatique est une nécessité dans une société où tout fonctionne via le numérique »13.

Enfin concernant les tableaux numériques interactifs (TNI), « la France comptera 50 000 TNI en 2010 »14 le rapport n'évoque pas les problèmes d'interopérabilité. Chaque fabriquant de tableau développe son propre format qui ne peut être utilisé qu'avec leurs propres logiciels. Ces formats sont propriétaires et fermés et empêchent donc toute mutualisation avec des professeurs utilisant d'autres marques. En cas de mutation dans un autre établissement, tout le travail réalisé par le professeur peut être tout simplement inutilisable si le fabricant n'est plus le même. Il conviendrait donc de définir un cahier des charges national afin d'élaborer un format commun et interopérable pour les ressources utilisant les TNI. Rappelons que sous l'impulsion du BECTA15 britannique un format de fichier ouvert destiné aux applications de type TNI a été publié16. Ce format est endossé par le projet European Schoolnet dont est d'ailleurs membre le Ministère de l'Éducation Nationale. Plusieurs fabricants de TNI ayant accepté de prendre en charge ce format, il nous semble ainsi naturel que son intégration soit requise dans les appels d'offre à venir.

En vertu des points mentionnés ci-dessus, l'April appelle le gouvernement à enfin mettre en place une véritable politique publique d'utilisation des logiciels, ressources libres et formats ouverts dans l'éducation. C'est là une opportunité à saisir dans l'intérêt des élèves et de l'école numérique. Enfin, l'April rappelle la nécessité forte de mettre en place un enseignement de l'informatique en tant que tel dès le Collège.

À propos de l'April

Pionnière du logiciel libre en France, l'April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du logiciel libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l'espace francophone. Elle veille aussi, dans l'ère numérique, à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une appropriation exclusive de l'information et du savoir par des intérêts privés.

L'association est constituée de plus de 5 300 membres utilisateurs et producteurs de logiciel libre.

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