ACTA : l'April écrit aux Commissions ITRE et LIBE du Parlement européen

Le 07 décembre 2011, l'April a envoyé deux courriers aux eurodéputés des commissions ITRE (Industrie, recherche et énergie) et LIBE (libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures) pour les alerter sur les dangers de l'accord commercial anti-contrefaçon ACTA et pour leur demander de rejeter cet accord.

Voici le texte de ces courriers :

Mesdames, Messieurs les députés de la Commission LIBE

Vous allez être amenés à vous exprimer sur l'accord commercial « anti-contrefaçon » ACTA dans les prochaines semaines. Cet accord international présente de nombreux dangers pour la communauté d'auteurs, d'utilisateurs et d'entreprises du Logiciel Libre. L'April exprime depuis des années1 ses inquiétudes vis-à-vis de cet accord.

Si de nombreuses dispositions directement toxiques pour le Logiciel Libre ont été reformulées pour leur donner une apparence plus inoffensive, l'accord proposé au vote empêche toute amélioration de la situation des dispositifs de contrôle d'usage des œuvres numériques (DRM)2 dans le droit international.

Le texte mentionne en effet dans un paragraphe non contraignant3 que le contournement de ces « menottes numériques » doit être interdit par la loi, ce qui entraînerait des restrictions inacceptables en terme de liberté, et revient à empêcher les citoyens de faire ce qu'ils souhaitent avec des produits qu'ils ont pourtant achetés. Cette immixtion dans la vie privée et cette possibilité de contrôle sont autant d'atteintes injustifiables à la vie privée et aux droits individuels. Elle restreint également le droit de chacun de choisir ses outils, en favorisant l'enfermement technologique contre lequel les institutions européennes se sont pourtant prononcées à de nombreuses reprises4. Se placer sous la dépendance de quelques acteurs ne peut qu'accroître le risque de censure.

De même, la responsabilité pénale des intermédiaires techniques envisagée dans le texte représente un grave danger pour les libertés. Les nouvelles sanctions pénales que l'ACTA créerait entraîneraient, en effet, une surveillance et une censure des communications en ligne, ce qui revient à une limitation inacceptable de la liberté d'expression. Alors que le Parlement européen s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur des libertés fondamentales sur Internet, l'ACTA remettrait ces principes démocratiques essentiels en cause.

Enfin, l'idée même de mettre en place des sanctions pénales par le biais d'un accord commercial, négocié sans aucun contrôle démocratique, pose un grave problème de respect des institutions et des droits fondamentaux.

C'est pourquoi l'April vous appelle à rejeter cet accord.

Courrier aux députés de la Commission ITRE :

Mesdames, Messieurs les députés de la Commission ITRE,

Vous allez être amenés à vous exprimer sur l'accord commercial « anti-contrefaçon » ACTA dans les prochaines semaines. Cet accord international présente de nombreux dangers pour la communauté d'utilisateurs et d'entreprises du Logiciel Libre. L'April exprime depuis des années5 ses inquiétudes vis-à-vis de cet accord.

Si de nombreuses dispositions directement toxiques pour le logiciel libre ont été reformulées pour leur donner une apparence plus inoffensive, l'accord proposé au vote maintient la sanctuarisation juridique des dispositifs de contrôle anti-copie des œuvres numériques (DRM)6 dans le droit international.

Le texte mentionne en effet dans la section 5 (non contraignante) que le contournement de ces « menottes numériques » doit être interdit par la loi, alors même que ce contournement peut s'avérer nécessaire pour assurer l'interopérabilité et donc la capacité des logiciels à échanger des informations et à utiliser mutuellement les informations échangées. L'interopérabilité est essentielle pour l'innovation et pour les acteurs du Logiciel Libre : elle permet l'interconnexion avec les solutions existantes, notamment propriétaires, et le développement de nouvelles solutions compatibles.

L'insécurité juridique que l'ACTA fait peser sur le Logiciel Libre, et plus globalement sur le monde de l'informatique, aura également des conséquences très néfastes en matière d'innovation dans ce domaine, l'écosystème du Logiciel Libre étant particulièrement sensible à ces risques juridiques. Une adoption de cet accord par les institutions européennes ne pourra qu'handicaper l'émergence des prochaines révolutions technologiques en Europe et défavorisera les entreprises et l'économie européennes sur le marché international. Le logiciel libre constitue un potentiel de croissance important, comme l'a démontré l'étude que nous avons menée avec l'institut Harris Interactive et Tarsus, il participe de manière essentielle à l'innovation dans l'information : en France, 90% des entreprises innovant dans ce domaine l'ont fait en utilisant des logiciels libres7 Limiter l'innovation en interdisant la possibilité de développer de nouvelles solutions et/ou de nouveaux produits ou services, c'est en substance ce que propose l'ACTA.

Enfin, le projet d'accord actuel prévoit la mise en place de sanctions pénales pour tous ceux qui « aident ou permettent » (aiding and abetting) les actes de contrefaçon, termes particulièrements flous et qui toucheront de plein fouet les fournisseurs de technologies, dont les auteurs et éditeurs de logiciels libres. Les menaces de sanctions et l'insécurité juridique qui en résulterait seraient un frein à l'innovation, réduisant de façon drastique l'incitation à proposer de nouveaux produits.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de rejeter cet accord.