La Commission européenne publie sa stratégie de "propriété intellectuelle"

La Commission a publié le 24 mai 2011 plusieurs documents présentant sa stratégie sur les sujets de « propriété intellectuelle »1. Ces documents concernent le logiciel libre et l'April à plusieurs titres : sont évoqués des enjeux aussi différents et importants que les brevets, l'ACTA (accord commercial anti-contrefaçon), mais aussi des possibles modifications du droit d'auteur, la question des œuvres orphelines2, ou encore la contrefaçon.

Ces documents (trois mémos3, un communiqué de presse et une version préparatoire d'une communication) correspondent à des grands axes de réflexion de la part de la Commission. Ils n'ont donc pas de valeur purement contraignante.

Sur certains sujets, la Commission se contente de réaffirmer sa position antérieure : sur le brevet unitaire par exemple, elle réaffirme que la coopération renforcée suit son cours et qu'elle continue de réfléchir sur la juridiction unitaire4.

Pour autant, ce document est source d'inquiétude dans la mesure où il s'oriente vers la mise en place d'un système plus répressif. De nombreuses mesures y sont notamment proposées pour renforcer le contrôle aux frontières afin de faire respecter le droit des marques ou les brevets. Concernant le numérique et le logiciel libre, y sont suggérées de nouvelles sanctions pénales en cas de violation de "propriété intellectuelle", et plus particulièrement de violation du droit d'auteur. Le texte part d'un « la contrefaçon et le piratage menacent de plus en plus l'économie », sans plus de précision ni de justification, pour conclure par une évolution probable du droit d'auteur, avec une remise en question de l'ensemble des exceptions à ce droit. Par cette réforme, qui concernerait la directive EUCD (European Union Copyright Directive) de 20015, seraient notamment remises en cause la copie de sauvegarde et l'exception de décompilation6, pourtant essentiels pour le logiciel libre.

De façon plus générale, ce texte rappelle l'ACTA, tant dans son expression que dans les pistes de réflexions. Cet accord commercial anti-contrefaçon, actuellement négocié par la Commission européenne pour toute l'Union, a été dénoncé à de multiples reprises par l'April pour les dangers qu'il pose tant pour les libertés fondamentales que pour la sécurité juridique des utilisateurs, développeurs et éditeurs de logiciels libres. Alors que la Commission sous-entend dans ce texte que l'adoption de cet accord n'est plus qu'une question de semaines, cette stratégie confirme une orientation répressive et dangereuse tant pour l'innovation que pour l'ensemble des citoyens.

L'April reste attentive aux propositions de la Commission qui feront suite à ces orientations.

  • 1. Pour connaître les problèmes posés par ce terme.
  • 2. Les œuvres dont les ayants droits sont inconnus ou impossibles à retrouver.
  • 3. MEMO/11/332 Intellectual Property Strategy – Frequently Asked Questions (« Stratégie de propriété intellectuelle : questions fréquemment posées »), MEMO/11/333 Orphan works – Frequently asked questions (« Œuvres orphelines - questions fréquemment posées » et MEMO/11/327 Customs enforcement of intellectual property rights – Frequently Asked Questions (« Application aux frontières des droits de propriété intellectuelle - questions fréquemment posées »).
  • 4. Pour plus d'information, voir l'article de l'April Brevets en Europe : le bourbier de Barnier.
  • 5. La directive EUCD est à l'origine en France de la loi DADVSI (Voir la position de l'April sur DADVSI) (loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information).
  • 6. En l'absence de publication effective des spécifications techniques, l'exception de décompilation permet de rechercher les informations nécessaires à l'interopérabilité sans demander l'autorisation à l'éditeur.