Refondation de l'école : à quand une vraie politique publique en faveur du logiciel libre et pour les citoyens de demain ?

Paris, le 19 juin 2013. Communiqué de presse.

Le Sénat va probablement voter le 25 juin 2013 l'adoption conforme du projet de loi de refondation de l’école de la République enterrant la priorité au logiciel libre pour le futur service public du numérique éducatif, disposition pourtant introduite par le Sénat en première lecture. Et également sans mettre en œuvre un véritable enseignement de la science informatique, alors qu'il est devenu essentiel que l'informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de tous les élèves.

Le Sénat, en première lecture, avait voté une disposition dans le projet de loi de refondation de l’école de la République qui donnait la priorité au logiciel libre et aux formats ouverts dans le futur service public du numérique éducatif (alinéa 7 de l'article 10) :

« Ce service public utilise en priorité des logiciels libres et des formats ouverts de documents. »

Malheureusement, cédant sans aucun doute aux pressions de l'Afdel (Association Française des Éditeurs de Logiciels et Solutions Internet, en réalité un lobby créé en 2005 par Microsoft et un petit groupe d'éditeurs français de logiciels privateurs), du Syntec Numérique et de l'Afinef (Association française des industriels du numérique dans l'éducation et de la formation) 1 le gouvernement déposait un amendement, voté en seconde lecture par l'Assemblée nationale, pour vider de sa substance cette disposition.

Après le vote de l'amendement du gouvernement, l'alinéa 7 devenait :

« Dans le cadre de ce service public, la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe. »

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a annoncé le 18 juin qu'elle adoptait sans modifications le projet de loi issu des travaux en seconde lecture à l'Assemblée nationale et qu'elle recommandait le vote conforme du texte pour la séance plénière prévue le 25 juin 2013.

Cette annonce enterre donc la priorité au logiciel libre et aux formats ouverts dans le futur service public du numérique éducatif pour la remplacer par une disposition vide de sens et d'intérêt.

« Une fois encore l'intérêt particulier de certaines entreprises passe devant l'intérêt général. Une fois encore, le gouvernement rate une occasion de mettre fin à la dépendance du système éducatif à quelques entreprises monopolistiques. Les élèves sont une fois de plus vus comme des consommateurs de produits numériques » dénonce Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques à l'April.

Par ailleurs, ce projet de loi est une occasion manquée pour l'introduction d'un enseignement généralisé de la science informatique. Rappelons que l'Académie des Sciences, dans son rapport publié en mai 2013 « L'enseignement de l'informatique en France - Il est urgent de ne plus attendre », se prononce en faveur d'un enseignement de l'informatique pour tous les élèves au collège et au lycée, après une sensibilisation à l'école primaire. Lire aussi à ce sujet l'interview de Jean-Pierre Archambault président de l'association Enseignement public et informatique (EPI) et de Rémi Boulle, vice-président de l'April en charge de l'éducation.

« Le rejet d'un amendement sur l'enseignement de l'informatique nous maintient enfermés dans une approche type B2i qui forme avant tout des consommateurs passifs et non pas des créateurs potentiels citoyens de demain » déclare Rémi Boulle.

Malgré le communiqué de la commission il parait évident que l'agenda parlementaire surchargé n'est pas étranger à ce vote conforme qui permet de mettre un terme au processus législatif sur ce projet de loi. Nous regrettons l'absence de débat au Sénat sur la suppression de la priorité au logiciel libre.

Pour motiver le dépôt de son amendement, le gouvernement prétend qu'il y aurait des difficultés juridiques à donner la priorité au logiciel libre. Nous ne voyons pas quels problèmes particuliers une telle disposition poserait au niveau européen. Un pays comme l'Italie a par exemple mis en place une disposition assez proche. Le président de l'April a sollicité par courrier en date du 5 juin 2013 auprès de ministre de l'Éducation nationale la communication de l'analyse juridique démontrant ces difficultés juridiques, sans l'avoir obtenue pour le moment.

En attendant, et comme déjà proposé en septembre 2012, l'April encourage le gouvernement à transposer et appliquer les grands principes de la circulaire Ayrault sur le bon usage du logiciel libre dans les administrations au sein de l'Éducation nationale.

Par exemple, pour permettre aux collectivités locales d'agir plus facilement dans le sens d'une plus large diffusion du logiciel libre, il conviendrait que le Ministère de l'Éducation nationale fasse évoluer les préconisations académiques. Celles-ci sont la plupart du temps suivies à la lettre par les acheteurs publics locaux (régions, départements, communes), il est donc crucial de veiller à ce qu'elles favorisent clairement les solutions libres.

« L'incitation préférentielle au logiciel libre notamment pour l'éducation était l'un des engagements du candidat François Hollande2. Nous appelons le gouvernement à mettre ses actes en conformité avec les paroles du Président de la République et à mettre en place une vraie politique publique en faveur du logiciel libre  » déclare Frédéric Couchet, délégué général de l'April.

L'association se tient bien sûr à disposition du ministère.

À propos de l'April

Pionnière du logiciel libre en France, l'April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l'espace francophone. Elle veille aussi, dans l'ère numérique, à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une appropriation exclusive de l'information et du savoir par des intérêts privés.

L'association est constituée de plus de 4 000 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.

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