Le Conseil d'État rappelle le droit des collectivités locales de choisir du logiciel libre

Le 30 septembre 2011 le Conseil d’État a rendu une décision sur les marchés de fournitures de services en logiciels libres1. Cet arrêt souligne la différence entre marchés de services et marchés de fournitures et confirme par la jurisprudence la possibilité pour les acteurs publics d'opter pour un logiciel libre.

Dans le cas d'espèce, la région Picardie avait décidé de mettre en place le logiciel libre Lilie pour les Espaces numériques de travail des lycées de la Région. Elle avait lancé ensuite un appel d'offres pour la mise en œuvre, l'exploitation, la maintenance et l’hébergement d'une plate-forme de service de cet environnement numérique de travail. Cette décision avait été attaquée par deux entreprises, au motif que le choix d'un logiciel libre précis avant la mise en place de l'appel d'offres pour les services faussait la concurrence.

Le Conseil d’État a donné raison à la Région Picardie, en rappelant que pour du logiciel libre, il n'y a pas de marché de fourniture de logiciel, car la Région a pu « gratuitement et librement » se le procurer : il n'y a pas juridiquement d'achat (puisque le logiciel est gratuit), donc pas de marché. En d'autres termes, et c'est le premier apport de cette jurisprudence, les collectivités locales peuvent choisir librement des logiciels libres et les utiliser sans passer par un marché de fourniture de logiciel.

Le Conseil d’État en profite ensuite pour souligner que les libertés du logiciel libre permettent la concurrence entre les prestataires de services, et que donc le marché de fourniture de services pour le déploiement et l'adaptation du logiciel répond à toutes les exigences d'égalité entre les candidats. En effet, et selon les termes mêmes du Conseil d’État,

« Eu égard à son caractère de logiciel libre [ce logiciel] était librement et gratuitement accessible et modifiable par l'ensemble des entreprises spécialisées [...] qui étaient ainsi toutes à même de l'adapter aux besoins de la collectivité et de présenter une offre indiquant les modalités de cette adaptation. »

Les juges du Palais Royal précisent ensuite que par conséquent, même une entreprise co-propriétaire du logiciel n'a pas d'avantage concurrentiel indu pour répondre à l'appel d'offres, qui est donc parfaitement légal.

Cette décision conforte donc l'analyse de l'April sur les marchés publics informatiques2 : le choix d'un logiciel libre peut être fait librement par les collectivités, car les libertés du logiciel ne limitent pas la concurrence par la suite. L'April rappelle que ces libertés se traduisent également en d'autres avantages pour les collectivités locales, car elles permettent d'éviter l'enfermement technologique et aident à garantir la pérennité des données.

Une analyse plus détaillée des conséquences de cette décision sera publiée prochainement.