L'April en appelle au président de la République pour la suspension de la renégociation du contrat Microsoft/Défense

Communiqué de presse, 22 mai 2017.

Dans une enquête parue vendredi 19 mai, le magazine d'information Marianne a révélé que le contrat Open Bar Microsoft/Défense n'avait pas encore été renouvelé pour la période 2017-2021. La même enquête confirme que le contrat Open Bar est jugé illégal par le rapporteur de la commission des marchés publics en charge de l'étude du premier contrat. L'April demande solennellement au président de la République et au gouvernement la suspension de cette renégociation ainsi qu'une enquête pour faire la lumière sur le rôle joué par les différents acteurs dans ce dossier scandaleux.

"Investigate Europe", un consortium de neuf journalistes européens, partenaires d’une dizaine de médias, a réalisé pendant trois mois une même enquête dans leurs pays respectifs sur les relations entre Microsoft et les institutions publiques. Dans ce cadre, la journaliste Leila Minano a publié un article sur la situation française, le vendredi 19 mai 2017 dans le magazine Marianne, intitulé « Microsoft : menace sur la sécurité de l’État ».

La conclusion de l'enquête, citation d'un expert informatique des armées resté anonyme, est sans appel : « dans nos Ministères, Microsoft est comme à la maison ».

L'article revient notamment sur le contrat « Open Bar » Microsoft/Défense1, le partenariat indigne entre le ministère de l'Éducation nationale et l'éditeur de logiciel privateur, et met en lumière l’immixtion très forte des GAFAM2 au sein des institutions françaises.

Dans le cadre de son travail d'investigation, la journaliste a eu l'occasion de recueillir les propos exclusifs du rapporteur pour la commission des marchés publics de l'État (CMPE) pour le premier accord Open Bar signé en 2009 :

« C’était déjà illégal à l’époque, je ne vois pas pourquoi cela le serait moins aujourd’hui ! On m’a demandé de valider la décision politique émanant d’un cabinet, j’ai refusé, mais on ne m’a pas écouté. » Et l’expert d’ajouter : « Il n’y avait aucune raison de favoriser Microsoft. Il n’a pas le monopole du traitement de texte... On était dans un délit de favoritisme, ce contrat aurait dû passer par une procédure de marché public, ça relève du pénal. Ce contrat aurait dû finir devant un tribunal, mais personne n’a osé. »

Des propos d'autant plus cruels pour l'État français qu'en janvier 2017 le ministère de la Défense, dont Jean-Yves Le Drian était en charge, interrogé par la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam sur les « fortes réserves et interrogations [qui] avaient été émises par le rapporteur », affirmait sans nuance que « la commission des marchés publics de l'État (CMPE) n'a remis en cause ni l'objet ni la procédure suivie pour passer l'accord cadre ».

Une lecture très réductrice du rapport que le ministère de la Défense avait déjà en 2013, le ministre étant à l'époque Hervé Morin, comme le rapportait Next Inpact qui communiquait au public le fameux rapport de la CMPE. Rapport auquel les propos sus-cités du rapporteur offrent une lecture nouvelle, notamment sur ses « fortes réserves ».

L'indignation du rapporteur de la CMPE pour le contrat initial entre en résonance avec les propos du président du groupe d'experts militaires mandaté en 2008 par le ministère pour étudier l'offre Microsoft. Celui-ci avait déclaré dans l'émission Cash Investigation d'octobre 2016 :

« Le seul scénario qui était déconseillé a été celui qui in fine a été retenu. Oui, on peut considérer que les recommandations n'ont pas été suivies. »

L'article de Marianne indique que « le ministère de la Défense renouvellera son contrat avec la firme de Redmond le 25 mai ».

Le contrat Open Bar Microsoft/Défense a été signé en 2009, puis renouvelé en 2013, malgré l'avis du rapporteur de la CPME qui parle ouvertement de délit de favoritisme, en passant outre l'avis des experts militaires qui évoquaient notamment les risques « d'addiction » et de « perte de souveraineté », sans le moindre élément tangible pour justifier une telle décision, et le tout accompagné d'un refus systématique de faire œuvre de la moindre once de transparence (relire notre chronologie).

L'acte inaugural du quinquennat du président Emmanuel Macron veut être celui de la moralisation de la vie publique. Le dossier Open Bar Microsoft/Défense, les conditions de sa signature et de son renouvellement, semble être taillé sur mesure pour symboliser la mise en œuvre de cette volonté de transparence pour rétablir la confiance entre citoyens et politique.

L'April en appelle solennellement au président de la République, qui fixe la stratégie de la Défense nationale, et au gouvernement pour suspendre la renégociation de ce contrat et pour initier une enquête visant à faire toute la lumière sur le rôle joué par les différents acteurs dans ce dossier scandaleux.

« Ce contrat Open Bar avec Microsoft n'est qu’une partie émergée de l’iceberg des relations entre Microsoft et l'État français. Espérons que le quinquennat à venir verra la mise en place d'une cure de désintoxication et d'une vraie politique publique en faveur du logiciel libre. » a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l'April.

  • 1. On appelle contrat « Open Bar » Microsoft/Défense le contrat conclu en 2009 entre le ministère de la Défense français et la société Microsoft, sans appel d'offres ni procédure publique. Contrat qui permet, pendant toute la durée du marché (4 ans), un droit d’usage d’un certain nombre de produits Microsoft et de services associés. Ce contrat avait été signé contre l'avis des experts militaires, contre l'avis du rapporteur de la commission des marchés publics, et ce, dans le plus grand secret. Reconduit en 2013 pour 4 ans - cet accord livre le ministère pieds et poings liés aux intérêts de l'entreprise monopolistique américaine.
  • 2. Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft