L'HADOPI filtrera aussi le Logiciel Libre. L'April condamne.

Paris, le 5 mars 2009. Communiqué de presse.

L'April a pris connaissance du rapport communiqué par le Conseil Général des Télécommunications (CGTI) au ministère de la Culture.1 Elle constate que ce rapport clarifie l'interprétation du projet de loi HADOPI en énonçant clairement qu'une des finalités est d'imposer des logiciels propriétaires de filtrage sur le poste client.

L'April note que ce rapport a été présenté par Jean Berbinau, actuel secrétaire général de l'inutile ARMT2 qui se rêve en secrétaire général de la liberticide HADOPI. Pour accéder à cette promotion, ce dernier n'hésite pas à proposer ce que demandent depuis des années les producteurs de disques et de films : l'obligation pour les internautes désireux de garantir leur sécurité juridique d'installer des logiciels propriétaires filtrant leurs communications. Ce qui avait pu être évité dans la loi DADVSI revient donc au travers du projet HADOPI.3.

Le rapport Berbinau énonce en effet qu'il convient, pour « expliciter l'article L336-3 » du projet de loi, de « mener à bref délai une expérimentation portant sur le filtrage sur le poste client synchronisé avec un serveur central ».

Plus clairement, il s'agit de faire installer un mouchard filtrant sur les ordinateurs de tous les internautes qui craignent de se voir accuser par l'HADOPI, soit parce qu'ils sont incapables de sécuriser leurs bornes wi-fi, soit tout simplement parce qu'ils sont conscients que l'adresse IP n'est pas une donnée qu'ils peuvent sécuriser.4

Ainsi, le CGTI ne propose pas que les pouvoirs publics aident les internautes à améliorer réellement la sécurité de leur accès internet, par exemple en leur suggérant d'utiliser des mots de passe forts et des protocoles sécurisés comme WPA ou WPA2 - ou plus simplement qu'ils ne sanctionnent pas des citoyens sur la seule base de relevés informatiques. Au lieu de cela, sous l'impulsion de Jean Berbinau, le CGTI relaie les demandes surréalistes des lobbies du divertissement, faisant par là même le jeu des éditeurs de systèmes propriétaires que sont Microsoft et Apple et plus généralement de l'« informatique déloyale » du « Trusted Computing Group »5. Voudrait-on rendre les logiciels propriétaires obligatoires qu'on ne s'y prendrait pas mieux.

Il serait en effet absurde de prétendre filtrer les communications d'un utilisateur de système libre. Logiciel Libre et dispositifs de contrôle d'usage, de surveillance et de filtrage fermés sont ontologiquement incompatibles. Comme cela a été maintes fois expliqué lors des débats sur la loi DADVSI, sur un système libre, l'utilisateur a le contrôle de sa machine et peut neutraliser tout mécanisme visant à le contrôler ou à le surveiller.

En résumé, tout comme il n'est pas possible d'empêcher un utilisateur de logiciels libres de faire des copies privées, il n'est pas possible de lui coller ouvertement un mouchard filtrant. Dès lors, avec l'HADOPI, les utilisateurs de systèmes libres se retrouveront dans une insécurité juridique discriminatoire intolérable.6

L'April appelle donc tous les citoyens attachés au Logiciel Libre à immédiatement contacter leurs députés7 pour qu'ils s'opposent au déjà disproportionné projet HADOPI, et dont une finalité inavouable est maintenant clairement établie : les soi-disant moyens de sécurisation n'ont rien à voir avec la sécurité informatique ; il s'agit d'une dénomination hypocrite désignant des logiciels propriétaires obligatoires destinés à filtrer arbitrairement les communications des utilisateurs.

À propos de l'April

Pionnière du logiciel libre en France, l'April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du logiciel libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l'espace francophone. Elle veille aussi, dans l'ère numérique, à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une appropriation exclusive de l'information et du savoir par des intérêts privés.

L'association est constituée de près de 4 400 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres dont 205 sociétés ou réseaux de sociétés, 120 associations, 4 collectivités locales, trois départements universitaires et une université.

L'April est l'acteur majeur de la promotion et de la défense du logiciel libre en France.

Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l'adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par courriel à l'adresse contactez nous.

Contacts presse :

  • Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 1 78 76 92 80 / +33 6 60 68 89 31
  • Alix Cazenave, chargée de mission affaires publiques, acazenave@april.org +33 1 78 76 92 80 / +33 1 78 76 92 80
  • 1. Le rapport a été publié hier par le site du quotidien Les Échos. Il est téléchargeable à l'adresse suivante : http://www.lesechos.fr/medias/2009/0304/300333937.pdf
  • 2. Voir l'article de Numerama : L'ARMT constate son inutilité avant de devenir l'HADOPI
  • 3. Cela a d'ailleurs été confirmé par le conseiller juridique du ministère de la Culture, Olivier Henrard, lors du chat 01net face à Jérémie Zimmermann de la Quadrature du Net : « Aujourd'hui vous avez des logiciels de contrôle parental qui permettent de faire obstacle à un certain nombre de choses, à un certain nombre de pratiques, un certain nombre de protocoles, etc. Il est bien évident que les logiciels qui seront destinés à sécuriser l'accès au poste contre le piratage seront inspirés de ce type de logiciels. (...) Lorsque vous désactivez votre firewall, l'éditeur de votre firewall est au courant. » Puis : « On peut penser que les dispositifs qui seront développés mettront en liaison le poste et l'éditeur de votre firewall, et lorsque vous désactiverez le firewall votre fournisseur sera au courant, et l'HADOPI sera au courant que vous avez volontairement désactivé votre firewall. » - Pour plus d'informations, voir la vidéo de ce chat.
  • 4. L'article d'Écrans « Le pirate était une imprimante » et celui du Télégramme Municipales. Soupçonné d'avoir piraté un blog, un homme relaxé en donnent des exemples éloquents.
  • 5. Sous couvert de sécurité informatique, l'« informatique de confiance » consiste à mettre en place de puissantes technologies de contrôle et de surveillance des usages qui peuvent menacer nos libertés individuelles. L'objectif est la prise de contrôle à distance de l'ordinateur de l'utilisateur. Voir notamment Les DRM "Next Generation" menacent la sécurité des individus, des organisations et la souveraineté de l'État
  • 6. Le refus du rapporteur Riester sur l'interopérabilité de ces prétendus moyens de sécurisation, déjà dénoncé par l'April, prend ici tout sons sens
  • 7. Nous ne proposons pas de courriers type car leur utilisation s'avère généralement contre-productive. Un message personnel est nettement plus fort et efficace qu'un message générique. Car est la représentation de ce qu'un citoyen pense vraiment du projet de loi. Vous pouvez consulter un argumentaire que nous avons rédigé à ce sujet pour sensibiliser les députés autant que le public. Voir également le guide "comment contacter son député" de la Quadrature du Net.