Catalogue de solutions de la DINUM : se proclame logiciel libre qui veut

Lundi 17 mai 2021, communiqué de presse.

Le site Acteurs Publics a révélé mercredi 12 mai 2021 l'existence d'un catalogue proposé par la DINUM (Direction interministérielle du numérique), listant des logiciels recommandés aux administrations. Ce catalogue pose plusieurs problèmes, notamment parce qu'il présente comme libres des logiciels qui ne le sont pas. De plus, l'existence de ce catalogue questionne fortement sur la volonté de la DINUM de mettre en œuvre correctement la circulaire du Premier ministre sur la « politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources ».

Dans un article le site Acteurs Publics a révélé l'existence d'un Catalogue GouvTech : « des solutions numériques pour les services publics ».

Ce catalogue est mis en place par la mission LABEL de la DINUM1 : « LABEL : labelliser des solutions et des outils numériques de qualité pour faciliter leur emploi par les porteurs de projets publics ».

Pourtant, sur chaque fiche du catalogue il est écrit :

« Le contenu de cette fiche a été élaboré par l’offreur et n’engage pas l’avis de la DINUM sur la fiabilité des informations qui y sont portées ou sur la qualité de la solution. »

Les Conditions générales d'utilisation du catalogue vont encore plus loin :

« Le contenu des Fiches Solution est élaboré par l’Offreur et n’engage pas l’avis de la DINUM sur la fiabilité des informations qui y sont portées ou sur la qualité des Solutions. Il appartient aux Administrations d’effectuer toutes recherches et vérifications de toutes natures qu’elles jugeront utiles et de faire appel le cas échéant à des professionnels et/ ou d’experts afin de recueillir tous conseils et préconisations adéquates. »

Ainsi, un catalogue qui annonce « labelliser des solutions » publie des fiches, explique-t-on, remplies par des acteurs privés eux-mêmes, pour lesquelles l'avis de la DINUM n'est pas engagé, et, en plus, ce sera aux administrations elles-mêmes de faire recherches et vérifications. À quoi ce catalogue sert-il dans ce cas ? Y a-t-il un processus de validation des fiches ? Sur quels critères ? Rien ne l'indique !

D'autant que pour les solutions référencées comme libres on pouvait s'attendre à ce que la DINUM ait fait les vérifications de base, c’est-à-dire se soit assurée que les solutions proposées sont réellement libres. Mais ce n'est pas le cas, toutes ne le sont pas !

Ce catalogue recense des solutions. Si on coche « Solution opensource » dans « Distribution » on obtient 15 solutions proposées actuellement.

L'utilisation de la terminologie opensource (sans espace entre open et source ! sic) pose question : la DINUM aurait-elle peur de l'expression, pourtant parfaitement française, de « logiciel libre » ? On peut aussi se demander si la DINUM a lu la circulaire du Premier ministre Jean Castex qui parle spécifiquement de la création d'une mission dédiée à l'animation et la promotion interministérielles en matière de logiciel libre ; ainsi, il aurait été cohérent d'utiliser le terme « logiciel libre ».

La DINUM sait-elle ce dont il s'agit exactement, quand elle parle d'opensource. Pour rappel, le terme « Open Source » fait normalement référence à l'Open Source Initiative (OSI). Cependant, aujourd'hui il est aussi souvent utilisé dans un sens erroné pour qualifier des produits ne répondant pas aux critères de l'OSI, qui ne sont donc pas des logiciels libres ou open source (selon les critères de l'OSI).

Ceci dit, quand on regarde la liste des solutions proposées par le catalogue, le terme open source est finalement compréhensible vu que certaines solutions n'ont rien de libre. En tout cas, on ne trouve aucune info qui confirmerait le côté libre de la solution.

Par exemple, REMOcRA est sous licence CC BY-NC-SA qui n'est pas une licence de logiciel libre.

D'ailleurs, 17 solutions étaient présentées comme libres lors de la publication de l'article d'Acteur Publics. Ce lundi, il n'y en a plus que 15. La solution Mon Service Mairie a été passée dans la catégorie « Solution propriétaire basée sur des briques opensource » et la solution Calenco dans la catégorie « Solution propriétaire ».

Nous n'avons pas vérifié toutes les fiches, après tout c'est censé être le travail de la mission LABEL de la DINUM !

On notera d'ailleurs que sur les fiches il n'y a aucune information concernant la licence des solutions indiquées comme libres, ni de lien vers leurs sources.

On peut s'étonner que le référent logiciels libres de la DINUM ait pu laisser passer de telles bourdes sur le référencement de solutions pas libres. A-t-il été consulté sur ce projet ?
On peut aussi s'interroger sur le fonctionnement de la DINUM : la mission LABEL fonctionne-t-elle en silo, étanche à l'expertise des autres missions de la direction ? On pense ainsi à la mission Etalab à l'origine d'outils de grande qualité comme la politique de contribution aux logiciels libres ou le Socle Interministériel des Logiciels Libres. Le SILL, contrairement au catalogue de la mission LABEL, liste des solutions libres éprouvées et des informations fiables, validées par des agents publics, et s'avère, en cela, infiniment plus utile aux administrations pour répondre à leurs besoins logiciels.

Il n'est pas sérieux de s'aventurer dans la publication d'un tel catalogue au moment même où le Premier ministre signe une circulaire annonçant une mission logiciel libre. Mais peut-être que monsieur Nadi Bou Hanna, directeur de la DINUM, n'a pas été destinataire de la circulaire ou qu'il ne l'a pas lue.