Journée mondiale de la « propriété intellectuelle » 2012

Le 26 Avril 2012, l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) organise une « journée mondiale de la propriété intellectuelle », consacrée cette année aux innovateurs visionnaires.

En 2011, l'April avait rappelé à quel point ce terme est fallacieux, car il donne l'illusion que l'on peut penser aux biens immatériels (un logiciel, une musique) de la même manière que pour la propriété des biens matériels (une chaise, un DVD). Pour l'édition 2012, c'est à nouveau l'occasion de rappeler les dangers d'une telle confusion, qui est utilisée pour légitimer la restriction des droits du public et des libertés fondamentales, au nom de la défense de l'innovation, alors même que le lien entre cette « propriété intellectuelle » et l'innovation n'est pas démontré.

Pour reprendre un des exemples cités par l'OMPI, les frères Wright, s'ils ont créé le premier avion fonctionnel, sont aussi tristement célèbres pour avoir ensuite intenté des procès à tous ceux qui tentaient d'améliorer leur invention, au point que le gouvernement américain a fini par faire pression pour créer une organisation de partage des brevets car le nombre de procès intentés par les frères Wright empêchait le développement de l'aviation1. À l'inverse, les découvreurs de la pénicilline ont souligné que cette invention devait bénéficier à l'ensemble de l'humanité et ne devait donc pas être brevetée car cela risquerait de réduire son usage. Le développement des antibiotiques en a été grandement facilité.

Pourtant, l'OMPI semble vouloir ériger en dogme le mélange de droits qui n'ont rien à voir, en leur appliquant un même régime juridique qui les sacraliserait. C'est le même raisonnement que l'on retrouve dans les arguments utilisés pour tenter de légitimer l'accord anti-contrefaçon ACTA ou le projet de brevet unitaire, qui tente de faire entrer les brevets logiciels en Europe. Pourtant, sur ces mêmes exemples, la sacralisation des droits est également nocive pour l'innovation. Ainsi, de nombreuses études ont montré que les brevets logiciels étaient nocifs aux États-Unis, où ils ont été légalisés2. À l'inverse, de nombreux créateurs n'ont pas besoin d'un tel monopole accordé par la société pour que leurs inventions soient reconnues et utilisées, au point de devenir incontournable aujourd'hui : le logiciel libre, porté par de nombreux acteurs dont Richard Stallman, en est un exemple, mais aussi Wikipedia, créé par Jimmy Wales et Larry Sanger pour ne citer que quelques exemples.

Si le droits des brevets, le droit d'auteur, ou encore le droit des marques, peuvent être bénéfiques pour l'innovation, prétendre comme le fait l'OMPI que ces concepts doivent être confondus dans une protection uniforme représente en réalité un danger pour les "créateurs visionnaires" que l'OMPI prétend pourtant défendre.

Alors que le 26 avril 2012 est également le jour de l'organisation par la Commission européenne d'une conférence sur le « renforcement des droits des propriétés intellectuelles », l'April rappelle donc qu'un tel amalgame sert de prétexte à des interprétations dangereuses pour les droits du publics, les libertés fondamentales, et nocifs pour la création et l'innovation.