Traités Internet de l'OMPI: en retard d'une civilisation

Paris, le 09 avril 2008. Communiqué de presse.

L'April appelle les députés à ne pas ratifier les traités Internet de l'OMPI. Ils ont ainsi l'opportunité de marquer d'un geste fort la volonté de la représentation nationale de ne pas se laisser confisquer le débat sur les droits d'auteur dans la société de l'information, afin de sortir d'une logique passéiste pour enfin entrer dans une nouvelle politique de civilisation.

Jeudi 10 avril 2008, l'Assemblée nationale doit se prononcer sur la ratification de deux traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), dits traités Internet, adaptant le droit d'auteur et les droits voisins à la révolution numérique. Ce vote apparaît comme une formalité, et le rapport parlementaire associé [1] le présente comme tel, puisque les dispositions des traités Internet de l'OMPI consacrant la protection juridique des mesures techniques de protection ont déjà été incorporées dans le droit français par la loi DADVSI du 1er août 2006.

Cependant, il faut accorder à cette ratification l'importance qu'elle mérite. Sur le plan formel, il s'agit de l'acceptation ou du refus par la représentation nationale de valider des dispositions législatives sur lesquelles elle n'a jamais réellement pu exercer son pouvoir. En effet, durant l'examen de la loi DADVSI, il a constamment été rappelé que la marge de manœuvre des députés était réduite par le fait qu'il s'agissait de se conformer à la directive européenne 2001/29 [2]. Et lorsque le Parlement européen s'était prononcé sur cette directive, il était également contraint par l'obligation de respecter les traités de l'OMPI dont il est aujourd'hui question [3].

Christophe Espern, conseil bénévole pour l'April sur les questions de droit d'auteur, commente : « À l'origine, ces traités sont une reprise d'un projet américain de 1994, abandonné suite à une importante mobilisation de juristes, d'associations et d'entreprises. L'administration Clinton a alors utilisé l'OMPI - qui n'a rien de démocratique - pour contourner son opinion publique et imposer la vision des producteurs hollywoodiens au monde. Les délégations françaises et européennes ont bêtement soutenu quand des pays africains et asiatiques pointaient déjà les conséquences économiques et sociales. Les parlements de dizaines de pays ont été mis devant le fait accompli par une poignée de technocrates et de lobbies. L'Assemblée sert de blanchisseuse politique [4]. »

Qui plus est, depuis l'élaboration des traités Internet de l'OMPI en 1996, à une époque où Internet était encore balbutiant, les mesures techniques de protection - les fameux DRM que ces traités ont pour objectif de protéger juridiquement - ont fait la preuve de leur inefficacité. La protection juridique associée n'en reste pas moins un outil utilisé pour exclure les auteurs de logiciels libres du marché grand public en leur interdisant de développer des lecteurs multimédia.

« Les DRM sont nés d'une conception absurde envisageant le droit d'auteur sous l'angle de la clôture, ce qui nécessiterait de contrôler qu'une hypothétique parcelle de terre intellectuelle ne soit pas violée par des hordes sauvages sévissant sur Internet. On a vu à quel point en pratique cette vision, qui n'a rien à voir avec la conception française du droit d'auteur, était erronée et dangereuse [5]. Il n'y a plus guère que ceux [6] qui se laissent abuser par le terme trompeur de 'propriété intellectuelle' pour soutenir ces traités », estime Benoît Sibaud, président de l'April.

La France doit marquer d'un geste fort sa volonté d'entrer dans une politique de civilisation favorisant résolument l'expression culturelle, l'accès à la connaissance et la participation démocratique à la créativité en refusant la ratification des traités Internet de l'OMPI qui laisserait la France engluée dans une conception éculée.

Références

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