Livre numérique : pas de TVA différente selon la présence ou non de DRM

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Le projet de loi de finances aurait pu marquer d'une pierre blanche la reconnaissance des réductions des droits des consommateurs imposés par les DRM (des menottes numériques, appelées trompeusement « mesures de protection technique »1). Malheureusement, le gouvernement aidé par des députés socialistes en a décidé autrement.

Dans le cadre du projet de loi de finances, les députés d'Europe Écologie-Les Verts avaient déposé un amendement imposant une TVA pleine pour tous les livres numériques verrouillés par des DRM.

Actuellement, tous les livres, quel que soit leur support, sont soumis à un taux de TVA réduit. Les députés proposaient de faire la distinction entre les livres dont l'acheteur a la pleine propriété, c'est-à-dire les livres sans DRM et dans un format ouvert, où l'utilisateur a les mêmes droits que pour les livres papiers (possibilité de les prêter, de les lire autant de fois qu'il le souhaite, de les lire partout, ...), et les livres pour lesquels les consommateurs n'ont que des droits limités. Seuls les premiers seraient considérés comme des livres à part entière et pourraient donc bénéficier de la TVA à taux réduit.

Le texte de l'amendement :

I. – Le 3° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par les mots suivants : « sauf si le ou les fichiers comportent des mesures techniques de protection, au sens de l'article L331-5 du code de la propriété intellectuelle ou s'il ne sont pas dans un format de données ouvert, au sens de l'article 4 de la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. »

II. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2015.

Jeudi 14 novembre 2013, l'amendement a été adopté en séance publique à l'Assemblée nationale (le compte-rendu des débats est disponible) contre l'avis du rapporteur du projet de loi et contre l'avis du gouvernement. Leur argument étant que cet amendement risquerait de fragiliser la négociation que mène la France auprès de la Commission européenne pour généraliser le taux réduit de TVA à tous les livres numériques. La députée Isabelle Attard a par la suite publié une réponse à cet argument.

Le gouvernement a annoncé vouloir soumettre l'amendement à un nouveau vote. Pour cela le gouvernement a proposé un amendement pour supprimer la disposition introduite lors du premier vote. Vendredi 15 novembre les députés socialistes ont répondu présents en votant la suppression de l'amendement qui mettait en place une TVA différenciée pour les livres numériques en fonction de la présence ou de DRM.

Le gouvernement use une nouvelle fois de l'argument d'un supposé risque juridique pour masquer une absence de volonté politique de lutter contre les systèmes qui enferment les utilisateurs et les rendent captifs. C'était déjà le cas lors des débats sur la priorité au logiciel libre dans l'éducation et l'enseignement supérieur. Le gouvernement avait évoqué des difficultés juridiques pour mettre en place une disposition légale donnant la priorité au logiciel libre dans les administrations. Le gouvernement n'avait jamais prouvé ses affirmations de l'époque et nous avions publié une analyse qui démontrait qu'il n'y avait aucun problème juridique.

Cet épisode législatif n'est pas à l'honneur du gouvernement et des députés socialistes qui ont voté la suppression de la disposition en moins de 24 heures. Néanmoins, il montre une fois de plus que le gouvernement, comme le précédent, fait le choix de ne rien faire contre les systèmes verrouillés.

Le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances aura lieu le mardi 19 novembre. Et ensuite le projet de loi sera examiné par le Sénat. Nous espérons que l'amendement sera redéposé lors de l'examen au Sénat.

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    Les DRM sont des dispositifs qui ont pour but de contrôler l'accès aux œuvres numériques et l'usage qui en est fait. Pour en savoir plus, consultez notre page dédiée aux DRM