La Nouvelle-Zélande se dote d'une législation contre les brevets logiciels

Fin août 2013, la Nouvelle-Zélande a adopté une nouvelle législation sur les brevets, résultat d'une longue discussion législative, débutée en 2008. Alors que les brevets logiciels ont occupé une place importante dans les débats, le résultat est globalement positif : le texte met ainsi en place des garde-fous contre les brevets logiciels, même si la vigilance reste de mise pour s'assurer qu'ils ne reviendront pas par la petite porte.

Le texte de loi final indique en effet que les logiciels « en tant que tels » ne sont pas brevetables. D'un premier abord, cette formulation peut susciter l'inquiétude car semblable à celle présente dans la convention européenne des brevets, qui a été utilisée par l'Office européen des brevets pour étendre la brevetabilité au logiciel. Cependant, le législateur néo-zélandais a ajouté des précisions afin de limiter ce type d'interprétation :

« Programmes d'ordinateur

(1) un programme d'ordinateur n'est pas une invention ni un mode de fabrication pour l'application de la présente loi.

(2) La Sous-section (1) empêche que soit considéré comme une invention ou un mode de fabrication pour l'application de la présente loi uniquement dans la mesure où la demande dans un brevet ou dans une application soit relative à un programme d'ordinateur en tant que tel.

(3) Une demande de brevet ou une application est relative à un programme d'ordinateur en tant que tel si la contribution effective faite par l'invention alléguée repose uniquement en ce qu'elle est un programme d'ordinateur. »

Si ce n'est pas une interdiction complète des brevets logiciels, cela permet donc d'orienter le texte, notamment dans le (3). En effet, cela implique que lorsque l'invention repose uniquement dans le logiciel, celle-ci n'est pas brevetable. De plus, le texte de loi donne des exemples sur ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas :

« Exemples

Un processus qui peut être une invention

Une demande dans une application offre une meilleure méthode pour laver des vêtements en utilisant une machine à laver existante. Cette méthode est mise en oeuvre via un programme d'ordinateur sur une puce informatique qui est insérée dans la machine à laver. Le programme d'ordinateur contrôle le fonctionnement de la machine à laver. La machine à laver n'est pas matériellement altérée de quelque manière que ce soit pour mettre en place l'invention.

Le Commissaire considère que la contribution concrète est un moyen nouveau et amélioré de faire fonctionne une machine à laver qui rend les vêtements plus propres et qui utilise moins d'électricité.

Alors que la seule chose qui est différente à propos de la machine à laver est le programme d'ordinateur, la contribution effective repose dans la manière dont la machine à laver fonctionne (et non dans le programme informatique per se). Le programme d'ordinateur est seulement la manière dont cette nouvelle méthode, avec la contribution qui en résulte, est mise en place.

La contribution ne repose pas seulement dans le fait que c'est un programme informatique. Par conséquent, la demande implique une invention qui peut être brevetée (à savoir la machine à laver quand est utilisée la nouvelle méthode pour laver les vêtements).

Un processus qui n'est pas une invention.

Un inventeur a développé un processus pour compléter automatiquement les documents légaux nécessaires pour enregistrer une personne morale.

Le processus qui fait l'objet de la demande implique un ordinateur qui pose des questions à un utilisateur. Les réponses sont enregistrées dans une base de données et l'information est traitée en utilisant un programme informatique pour produire les documents légaux requis, qui sont alors envoyés à l'utilisateur.

Le matériel utilisé est courant. Le seul aspect novateur est le programme informatique.

Le commissaire considère que la contribution concrète dans la demande repose seulement en ce qu'elle est un programme informatique. La simple mise en place d'une méthode dans un ordinateur ne permet pas à la méthode d'être brevetée. Par conséquent, le processus n'est pas une invention pour l'application de la présente loi.

La limite entre ce qui est brevetable et de ce qui ne l'est pas est définie in fine par les organismes des brevets, les juges et la jurisprudence. La prudence reste donc de mise, tant que les décisions suite à ce texte ne sont pas connues. Malgré tout, cela reste un pas dans la bonne direction.

À noter également que la Nouvelle-Zélande fait partie de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, en anglais, Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights : TRIPS), dont fait partie également la France. Cette disposition a été réfléchie pour être en accord avec ce texte international. C'est donc une piste à explorer pour s'assurer que les brevets logiciels soient également - et clairement - interdits en Europe.