Question écrite du député Latombe : l'éducation nationale donne l'impression d'une administration vendue à Microsoft

À quelques jours de la rentrée, dans une question écrite publiée au Journal officiel le 30 août 2022, le député Philippe Latombe alerte le ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse, Pap N'diaye, sur la gratuité d'Office 365 pour les élèves et le personnel enseignant. Question salutaire face aux pratiques commerciales prédatrices de la multinationale américaine.

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Philippe Latombe est député du groupe Modem, donc membre de la majorité. C'est un parlementaire reconnu pour son expertise et son engagement sur les enjeux de souveraineté numérique. Il a notamment écrit un excellent rapport sur le sujet publié en 20211 ; qu'il soit auteur d'une telle question est donc loin d'être anodin. Il pointe spécifiquement ici les risques d'atteinte à la concurrence, l'existence d'un « problème grave de souveraineté » et pour les « très nombreux enseignants qui y sont hostiles l'impression d'une administration vendue à Microsoft », rappelant ainsi le contexte d'une relation de dépendance entre l'Éducation nationale et l'éditeur américain 2. Des préoccupations d'autant plus importantes que l'on sait que le marché des technologies dites de l'éducation semble aiguiser l'appétit insatiable d'un certain nombre de multinationales de l'informatique privatrice, souvent intéressées par les données personnelles des élèves.

L'offre de Microsoft est à priori unilatérale et non le fruit d'un appel d'offres du ministère. Mais, comme le montre le député en appelant le ministre à prendre position, l'enjeu se situe au niveau de la réaction du ministère, car ne rien faire est en soi un acte politique. Acte qui consiste ici à laisser grandes ouvertes les portes des écoles aux produits Microsoft au détriment de solutions libres — qui doivent être soutenues — et au risque de voir les élèves développer un imaginaire qui n'a pour seul horizon que ce genre d'outils privateurs fournis, « offerts », par des entreprises monopolistiques (Microsoft ou autre GAFAM 3).

Une volonté politique soucieuse de l'émancipation des élèves et des enjeux de souveraineté doit mettre en avant des solutions en logiciel libre, respectueuses des libertés de toutes et tous, des standards ouverts et de l'interopérabilité pour permettre aux élèves de progresser en informatique sans enfermement technologique. Pour cela, le ministre pourrait s'appuyer sur le directeur du numérique pour l'éducation (DNE), Audran Le Baron qui, en ouverture de la Journée du Libre Éducatif en avril 2022 affirmait son attachement au logiciel libre et son souhait d' « un numérique qui s’appuie sur un certain nombre de grandes valeurs, sur une culture commune que sont le partage, la mutualisation, la collaboration » 4. Souhaitons que ces propos se concrétisent par une stratégie ambitieuse pour la rentrée en cours. Le logiciel libre doit être la norme en matière d'éducation, comme outil et comme compréhension de l'informatique en tant que fait social global.

M. Philippe Latombe alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la gratuité d'Office 365 pour les élèves et les enseignants. En effet, comme l'annonce le site de Microsoft, « les élèves et les enseignants des établissements admissibles peuvent s'abonner gratuitement à Microsoft Office 365, qui intègre Word, Excel, PowerPoint, OneNote et maintenant Microsoft Teams, ainsi que de nombreux autres outils pour la classe ». De prime abord, la proposition peut sembler attrayante puisqu'elle promet un seul lieu pour l'organisation, l'accès à tout moment, en tout lieu et à partir de n'importe quel appareil. Cependant, cette offre gratuite s'apparente à une forme ultime de dumping et à de la concurrence déloyale. Il semble par ailleurs qu'aucun appel d'offres n'ait eu lieu. Il lui demande s'il peut lui indiquer ce qu'il compte faire face à de telles pratiques commerciales qui, si elles peuvent paraître séduisantes au consommateur, pénalisent fortement les autres acteurs économiques, posent un problème grave de souveraineté, en raison de la localisation des données personnelles sur un cloud américain et de l'extraterritorialité du droit américain et donnent aux très nombreux enseignants qui y sont hostiles l'impression d'une administration vendue à Microsoft.