Violation d'une licence libre : Entr'ouvert fondé à poursuivre Orange pour contrefaçon
Plus de 10 ans après avoir assigné la société Orange en contrefaçon du droit d’auteur, la société Entr'ouvert (société éditrice de logiciels libres) obtient une décision favorable de la Cour de cassation qui a confirmé, comme avant elle la Cour de justice de l'Union européenne, que la violation d'une licence de logiciel, y compris libre, est bien un délit de contrefaçon.
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La société Entr’ouvert avait assigné, en 2011, la société Orange en contrefaçon du droit d’auteur pour non respect de la licence libre GNU GPL version 2 sous laquelle était diffusée la bibliothèque libre Lasso. Dans un arrêt du 21 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a jugé le litige uniquement sur le fondement de la responsabilité contractuelle et a débouté la société Entr'ouvert. Arrêt confirmé par la Cour d'appel de Paris en mars 2021. Les deux cours ont toutefois retenu la qualification de parasitisme – une qualification juridique qui relève du droit de la concurrence – car Orange a tiré profit du savoir-faire de la société éditrice de logiciels libres « pour remporter un marché conséquent avec l'État sans aucune reconnaissance ni financière, ni morale du travail et des investissements de la société Entr'Ouvert ». En décembre 2019 pourtant, avant donc l'arrêt de la Cour d'appel, la CJUE (Cour de Justice de l'Union européenne) avait adopté une interprétation a priori claire des textes européens: la violation d'une licence de logiciel est bien un délit de contrefaçon et ne relève donc pas du régime de la responsabilité contractuelle.
Plus précisément, la Cour d'appel avait considéré que sur la base du principe de non-cumul des responsabilités, Entr'ouvert n'était pas fondée à attaquer Orange sur le terrain de la responsabilité délictuelle pour contrefaçon, puisque la violation résulte d'un manquement contractuel et doit être jugée sous le prisme de la responsabilité contractuelle. Une interprétation que la Cour de cassation a rejetée dans sa décision du 5 octobre 2022. La Haute cour casse et annule ainsi l'arrêt de la Cour d'appel en ce qu'il déclarait irrecevable l'action en contrefaçon. Par ailleurs, elle confirme la qualification de parasitisme, contre laquelle Orange avait formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation confirme ainsi qu'Entr'ouvert est fondée en droit à poursuivre Orange pour contrefaçon et, plus largement, elle confirme une interprétation stricte de la décision de la CJUE : la violation d'une licence de logiciel, y compris libre, est bien un délit de contrefaçon. La procédure est renvoyée devant une Cour d'appel, qui ne pourra pas contredire cette interprétation et ne pourra que juger si les faits sont bien qualifiables de contrefaçon – chose probable puisque la violation de licence, d'un point de vue contractuel, a jusqu'ici été retenue par les différents juges au fond.