Question au ministre de l'Éducation nationale : quel soutien aux communautés des logiciels libres ?
La députée Paula Forteza a déposé le 6 mars 2018 une question écrite sur l'utilisation du logiciel libre dans le réseau scolaire. La question, dont la particularité est d'être issue d'une proposition citoyenne via la plateforme « Parlement ouvert », interroge le ministre de l'Éducation nationale quant « à l'utilisation du logiciel libre dans le contexte de la numérisation du réseau éducatif en cours ».
Deux députés du groupe La République En Marche (Paula Forteza et Matthieu Orphelin) ont lancé une plateforme dont l'objectif est de permettre à quiconque de proposer une question au Gouvernement. Les deux parlementaires s'engageant à sélectionner deux questions par mois parmi les plus discutées et à « les transmettre directement aux Ministres », vraisemblablement sous forme de question écrite. Cette question concernant l'utilisation du logiciel libre dans le réseau scolaire a été soumise par Madame Marie-Odile Morandi, bénévole de l'April, ancienne professeure de Technologie-collège. L'association salue son initiative et son engagement pour les libertés informatiques.
Dans la question écrite la députée demande au ministre de « détailler la position du ministère quant à l'utilisation du logiciel libre dans le contexte de la numérisation du réseau éducatif en cours » et l'interroge sur la mise en place d'une politique de contribution aux logiciels libres. Elle cherche également à savoir s'il serait envisageable que le ministère soutienne financièrement le développement des outils libres, notamment sous forme de dons. On pourrait aussi envisager l'aménagement d'un temps de contribution pour les fonctionnaires qui le souhaitent sur leur temps de travail. Une question qui n'est pas sans rappeler la politique de contribution aux logiciels libres mise en place par la DINSIC (Direction Interministérielle du Numérique et du Système d'Information et de Communication de l'État).
Tout comme son collègue Olivier Véran qui avait déposé une question écrite sur la reconduction ou non de l'Open Bar Microsoft dans les établissements publics de santé, et la mise en place d'un calendrier de migration vers le logiciel libre, la députée fait référence dans sa question à la loi « pour une République numérique » et au rapport annuel de 2018 de la Cour des comptes validant la politique de la DINSIC précitée et le recours aux logiciels libres au sein de l'État.
Cette question écrite doit également être mise en lien avec le très décrié partenariat entre Microsoft et l'Éducation nationale, que l'April avait à l'époque dénoncé comme indigne, qui donnait champ libre à la firme étasunienne pour fournir ses logiciels privateurs aux élèves, futurs adultes consommateurs addicts. Sans oublier la mise à disposition des données personnelles des élèves et du personnel de l'Éducation nationale aux GAFAM validée par le Directeur du Numérique du ministère dans une lettre du 12 mai 2017.
En résumé, la question pourrait se traduire par le choix entre deux visions ; la pratique d'une pédagogie avec des outils pensés en boîtes noires par une entreprise ayant ses intérêts économiques propres, donc voir l'informatique comme la consommation de produits finis, fermés. Ou pratiquer une pédagogie avec des logiciels libres et des formats ouverts, structurellement basés sur des valeurs de partage, de coopération et d'appropriation personnelle et collective, et ainsi comprendre l'informatique comme une science et un fait social. Le choix ne devrait-il pas s'imposer de lui-même si l'objectif de l'École publique, de la maternelle à l'enseignement supérieur, est l'émancipation des élèves ?
Le ministre de l'Éducation nationale se voit donc offrir ici une opportunité pour prendre ses distances avec la vision étroite du précédent quinquennat sur ces questions, et marquer une volonté politique ferme en faveur des logiciels libres, respectueux des libertés de chacun et chacune, des standards ouverts et de l'interopérabilité, qui permettent aux élèves de progresser en informatique sans enfermement technologique.
Question écrite N° 6142 de Mme Paula Forteza au Ministre de l'Éducation nationale
Mme Paula Forteza interroge M. le ministre de l'Éducation nationale sur l'utilisation du logiciel libre dans le réseau scolaire. Cette question est posée au nom de Madame Marie-Odile Morandi.
Dans la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l'article 16 demande aux administrations qu'elles « encouragent l'utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l'achat ou de l'utilisation, de tout ou partie, de ces systèmes d'information ». Dans son rapport public annuel 2018, la Cour des comptes a reconnu l'intérêt du logiciel libre, décrit comme un « puissant facteur d'efficience et d'influence » mais aussi une façon de répondre à un « enjeu de sécurité et de souveraineté ».
Dans la réforme du baccalauréat, le ministre annonce l'introduction d'une nouvelle matière « humanités numériques et scientifiques » qui permettra aux étudiants d'engager une réflexion autour des enjeux de société liés aux nouvelles technologies. En outre, la mise en place du plan numérique pour l'éducation, en partenariat avec les collectivités locales, permettra aux enseignants et aux élèves de profiter de toutes les opportunités offertes par le numérique dans une philosophie de transmission et de partage.
Elle lui demande de bien vouloir détailler la position du ministère quant à l'utilisation du logiciel libre dans le contexte de la numérisation du réseau éducatif en cours. Mme la députée souhaite savoir si des dispositions permettant au ministère et à ses partenaires de contribuer au développement du logiciel libre et de leurs communautés sont prévues. La citoyenne Marie-Odile Morandi propose notamment que le ministère puisse soutenir financièrement (ou sous forme de « dons ») le développement du logiciel libre dans le secteur de l'éducation. Elle souhaite savoir si M. le ministre y serait favorable.