Négociations Microsoft/Commission européenne pour l'achat de licences : faites ce que je dis, pas ce que je fais
La Commission européenne a confirmé début avril 2011 être en négociation avec Microsoft pour l'achat de licences pour les systèmes d'exploitation de 36 000 postes, le tout sans appel d'offres. L'April regrette une occasion manquée d'améliorer la diversification des fournisseurs informatiques et de limiter l'enfermement dans une technologie donnée, principes pourtant prônés par la Commission.
L'expiration du contrat qui liait la Commission à Microsoft aurait pu être l'occasion d'ouvrir le marché de la bureautique des institutions européennes, grâce à un marché public ouvert à tous. Mais la Commission européenne a choisi de ne pas faire d'appel d'offres ni de procédure publique, en optant pour un marché négocié1, qui l'autorise à négocier avec Microsoft pour l'achat des licences sans passer par un marché ni une mise en concurrence, donc sans que le Parlement européen et les citoyens aient leur mot à dire.
Si cette décision n'est pas illégale, elle va à l'encontre de la transparence et de l'ouverture de la commande publique, qui sont pourtant des préconisations de la Commission pour les achats liés aux logiciels. La vice-présidente de la Commission, Neelie Kroes, avait d'ailleurs dénoncé en juin 2010 la manière dont « de nombreuses autorités se sont retrouvées enfermées inintentionnellement dans des choix technologiques propriétaires pendant des décennies. Passé un certain point, ce choix de départ est tellement intégré que toute alternative risque d'être systématiquement ignorée, quels que soient les bénéfices potentiels. C'est un gâchis d'argent public que nous ne pouvons plus nous permettre. »2 La Commission semble donc s'enfermer dans les pratiques qu'elle-même dénonçait il y a encore quelques mois.
Alors que de nombreux États, comme la Grande-Bretagne, s'attachent actuellement à ouvrir à tous leurs procédures d'appels d'offres pour les logiciels par l'adoption de règles d'ouverture et l'usage des standards ouverts, l'April ne peut que regretter que la Commission ne suive ses propres recommandations.
- 1. Cette procédure est une exception aux règles des marchés publics, qui permet d'étendre un contrat déjà existant ou de le renouveler sans appels d'offres. Alors que le principe des marchés publics veut que les contrats publics soient ouverts à tous par une formulation des demandes de l'administration uniquement en termes de besoins fonctionnels et techniques, les institutions choisiraient ensuite la solution proposée qui lui convient le mieux au meilleur cout. Une telle procédure dérogatoire, en revanche, permet à la Commission de contracter à nouveau sans publicité ni contrôle du Parlement.
- 2. Discours de la Commissaire européenne Neelie Kroes sur les standards ouverts et l'interopérabilité dans le cadre de l'Open Forum Europe 2010 de Bruxelles. Traduction par nos soins.