Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 24 novembre 2020

Bannière de l'émission

Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 24 novembre 2020 sur radio Cause Commune
Intervenant·e·s : Christophe Boissonnade - Luk - Éric fraudain - Étienne Gonnu - Isabella Vanni à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 24 novembre 2020
Durée : 1 h 30 min
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Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Bannière de l'émission Libre à vous ! de Antoine Bardelli, disponible selon les termes de, au moins, une des licences suivantes : licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo de la radio Cause Commune utilisé avec l'accord de Olivier Grieco.
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

logo cause commune

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La politique logiciel libre de Voisins-le-Bretonneux, ce sera le sujet principal de l’émission du jour, avec également au programme la chronique « Le fil rouge de la musique libre » d’Éric Fraudain sur l’artiste Purrple Cat et enfin « La pituite de Luk » qui nous proposera une vraie stratégie de promotion de l'informatique libre.
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et en DAB+ et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Étienne Gonnu en charge des affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours et à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 24 novembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission ma collègue Isabella Vanni. Salut Isa.

Bonjour Isabella : Bonjour.

Étienne Gonnu : Si vous voulez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous ensuite sur le salon dédié à l’émission.

Nous allons passer au premier sujet

[Virgule musicale]

La politique logiciel libre de Voisins-le-Bretonneux avec Christophe Boissonnade

Étienne Gonnu : Nous allons donc commencer, une fois n’est pas coutume, par notre sujet long qui porte aujourd’hui sur la politique logiciel libre de la ville de Voisins-le-Bretonneux. J’ai le plaisir de recevoir par téléphone le 1er adjoint à la maire et délégué à la ville solidaire au numérique et à la vie économique de la ville, Christophe Boissonnade. Bonjour Christophe.

Christophe Boissonnade : Bonjour Étienne. Bonjour à toute l’équipe de l’April que j’ai déjà eu le plaisir de rencontrer et bonjour aux auditeurs de Cause Commune.

Étienne Gonnu : J’ai une première question somme toute très classique à vous poser : est-ce que vous pourriez vous présenter, s’il vous plaît ?

Christophe Boissonnade : Donc 1er adjoint, vous l’avez déjà dit, à la ville numérique et la ville solidaire. Vous verrez, dans le cours de l’interview, que je pense qu’aujourd’hui ces deux sujets, ces deux délégations marchent ensemble surtout en ce qui concerne l’inclusion numérique, on en reparlera certainement plus tard.
J’ai un passé dans le logiciel libre où j’ai été moi-même consultant pendant 15 ans dans une structure, consultant indépendant, et aujourd’hui j’ai un petit peu changé de vie au niveau de mon métier mais je suis toujours dans le numérique, je promeus toujours les valeurs du logiciel libre dans le monde mutualiste, je suis directeur général d’une petite fédération de mutuelles. L’ADN mutualiste est très proche de celui du logiciel libre, notamment dans le partage des ressources.

Étienne Gonnu : Très bien. Du coup vous avez devancé la question suivante que je voulais vous poser, vous avez introduit, au début je pense, ce qui sera votre réponse. Je voudrais savoir pour vous déjà, avant de répondre en tant qu’élu mais en tant que citoyen, ce qu’est le logiciel libre ? Pourquoi c’est quelque chose d’important ?

Christophe Boissonnade : C’est important à plusieurs titres. Déjà, en tant qu’élus, ce qu’on essaie de faire normalement, dans tout ce qu’on fait, dans tous les projets que nous portons, c’est d’injecter toujours plus de liberté, toujours plus d’égalité, toujours plus de fraternité dans tout ce qu’on fait et en cela le logiciel libre est vraiment intéressant parce qu’il nous permet, à moi en tout cas, de lier les trois, ce qui est assez rare.
Et puis, aussi d’un point de vue plus éthique, dès qu’on gère, dès qu’on est amené à gérer de l’argent public, eh bien on est très soucieux du denier public et de ne pas dépenser inutilement. D’autant plus qu’en général les solutions propriétaires sont proposées par de grands acteurs américains qui sont bien souvent champions de l’évasion fiscale, c’est vrai qu’on dit optimisation, excusez-moi ! En tant qu’élus, notre responsabilité c’est aussi de faire en sorte de faire travailler les écosystèmes locaux et, pour ça, le logiciel libre est assez idéal pour trouver des compétences locales, même si ce n’est pas toujours évident, c’est vrai, par rapport à des solutions plus connues du monde propriétaire, en tout cas de faire en sorte que les sociétés avec lesquelles on travaille soient fiscalisées en Europe et en France de préférence quand même. L‘idée étant que participer à la société c’est aussi payer l’impôt, je sais que ce n’est pas très vendeur de payer l’impôt, mais ça permet de rouler sur les routes, ça permet aux enfants d’aller à l’école, ça permet d’être soigné dans les hôpitaux, ça permet d’être protégé, donc c’est tout ce qui est très important à nos yeux pour faire que la société continue de fonctionner, tout simplement.

Étienne Gonnu : Vous avez fait, je pense, un beau tour d’horizon de ce dont on pourra parler. J’espère qu’on pourra parler de tout ça parce que vous soulevez des choses très intéressantes. C’est vrai qu’on ne parle pas forcément toujours de la question de l’impôt et de la fiscalité quand on parle du logiciel libre et, globalement, quand on parle des libertés publiques, mais c’est quand même aussi un aspect très important de comment on fonctionne collectivement. Ensuite, la question c’est quel usage sera fait de cet impôt, est-ce que ça correspond justement à ce qu’on va considérer être l’intérêt général et à notre éthique.
Peut-être aussi, pour qu’on comprenne mieux, du coup, d’où vous parlez, vous vous êtes présenté, vous êtes effectivement un élu, vous êtes donc délégué à la ville solidaire, au numérique et à la vie économique. Déjà ce serait intéressant je pense pour nous, pour nos auditeurs et auditrices, de savoir quel est, on va dire, votre périmètre d’action. Vous avez mis le doigt sur une question que je voulais vous poser. Je trouve toujours intéressant de voir ce qui est dans les descriptifs de postes en matière de pouvoir, comment sont liés politiquement les périmètres à la technologie numérique — là on voit vie économique et solidarité qui sont donc liés à votre position de délégué au numérique — voir comment tout ça s’articule, je pense que ça serait intéressant d’avoir votre éclairage.

Christophe Boissonnade : Bien sûr. C’est aussi la vision de la ville intelligente. C’est vrai que c’est un terme très galvaudé, c’est vraiment un mot valise, on met un petit peu tout ce qu’on veut dedans. Néanmoins, on peut en avoir une vision politique légèrement différente de celle qui est poussée par les grands industriels.
La ville intelligente, pour nous, c’est être au plus proche des citoyens, c’est leur permettre d’échanger avec la collectivité sur tout un tas de sujets et c’est vrai qu’aujourd’hui il est difficile de se passer du numérique pour consulter largement. On parle beaucoup de démocratie participative, je préfère le terme de démocratie implicative – si la démocratie n’est pas participative c’est un petit dommage ! – et ces sujets-là sont vitaux aujourd’hui en termes de gouvernance. Par exemple, on ne peut pas faire de développement durable sans impliquer le citoyen dans les décisions. Aujourd’hui on voit, d’ailleurs je suis le premier à le regretter, qu'il y a un certain désintéressement des citoyens pour les urnes. Quand on voit les taux de participation sur les dernières élections, c’est inquiétant. On voit qu’il y a une distanciation entre le citoyen et la politique locale. Je ne parle pas de la politique politicienne, la politique locale c’est l’endroit dans lequel on vit. Ne serait-ce qu’à ce titre-là, sans partir dans des considérations de partis politiques, etc., on se doit de s’y intéresser. L’endroit dans lequel on vit c’est aussi du bien commun. Aujourd’hui, ce qui est intéressant, c’est le numérique, je dirais, est devenu presque incontournable d’autant plus dans le contexte sanitaire que nous traversons puisque nous avons tous traversé une période, enfin deux périodes de confinement maintenant. Maintenir le lien, la relation aux citoyens en utilisant des outils numériques, si ce n’était pas encore évident il y a quelques mois, je crois qu’aujourd’hui tout le monde a compris que c’est absolument incontournable.
Donc cette vision de la politique numérique et de la ville intelligente c’est pour nous indissociable.
Lien indissociable aussi avec les autres délégations, vous allez très vite faire le lien vous aussi avec des cas concrets que je peux illustrer pour la délégation à la ville solidaire. Quand on travaille dans l’action sociale, on s’aperçoit aussi que vous énormément de Français qui sont éloignés du numérique. On sait aujourd’hui que ce sont 13 millions de Français qui sont éloignés du numérique. Voisins-le-Bretonneux n’est pas un petit village gaulois, Voisins-le-Bretonneux a aussi sa part de personnes qui sont déconnectées, déconnectées ou éloignées on va dire, donc on doit les prendre les charge. Ce n’est pas uniquement lié à l’âge. J’ai la chance d’animer dans l’espace public numérique une petite classe que j’appelle l’École du Libre où j’enseigne l’utilisation de certains logiciels libres à des jeunes et aussi à des adultes et des seniors. En fait, ce n’est pas parce que vous êtes adulte que vous savez vous servir d’un ordinateur et ce n’est pas parce que vous êtes jeune et que vous savez parfaitement manier un smartphone et les dernières applications que vous êtes capable de taper un CV sous LibreOffice, par exemple.
Donc nous on travaille beaucoup aujourd’hui sur tout ce qui est inclusion numérique. On ne le fait pas tout seuls, on le fait avec une coopérative qui s’appelle la MedNum, la coopérative de la médiation du numérique qui nous aide aussi, en termes de méthodologie, pour travailler sur ces questions-là qui sont essentielles. Et enfin, sur l’activité économique…

Étienne Gonnu : C’est clair que les questions de l’inclusion numérique sont très présentes. Je pense qu’on s’attardera sur cette notion-là qui me semble, effectivement, assez centrale du moins dans votre action, dans ce que vous évoquez.
Il serait intéressant pour nous auditeurs et auditrices, en quelques chiffres, de nous décrire un petit peu ce qu’est Voisins-le-Bretonneux en termes de population, de localisation. Je pense que ça pourrait aussi clarifier, peut-être, d’où vous parlez.

Christophe Boissonnade : Oui absolument, pardon j’aurais pu le faire dans ma présentation.
Voisins-le-Bretonneux est une petite ville de l’Ouest parisien qui fait partie de la communauté d’agglomérations de Saint-Quentin-en-Yvelines. Si vous situez Versailles, on est vraiment entre Versailles et Trappes, en Yvelines. C’est aujourd’hui une population de 11 300 habitants, donc une toute petite ville en banlieue parisienne, ce n’est pas une grande ville. On a un petit territoire et ça nous permet aussi de travailler en souplesse. Les élus sont, essayent en tout cas, d’être le plus proches possible de leurs concitoyens. Ça nous permet de tester pas mal de choses. Par exemple, un petit peu pour nous affranchir des algorithmes affinitaires de Facebook, on a lancé notre propre réseau social sur des briques 100 % open source, c’était dans le précédent mandat, depuis 2015. Je vous avoue que la concurrence est rude, c’est difficile d’attirer des gens sur des médias qui ne sont pas mainstream, en tout cas ça permet à des gens d’échanger sur des problématiques locales. Ça permet aussi à certains commerçants de faire de la publicité gratuitement pour leur activité, tout ça sans être tracés. Il n’y a pas d’obscurs algorithmes qui poussent de la publicité, c’est entièrement gratuit et c’est tout à fait le genre de service qu’on essaie de déployer auprès des Vicinoises et des Vicinois.

Étienne Gonnu : C’est intéressant. C’est un logiciel que vous avez développé vous-mêmes ?

Christophe Boissonnade : Non. C’est sur une base Joomla !.

Étienne Gonnu : Joomla !. Je pense qu’il y a des auditeurs et auditrices qui peuvent avoir un bagage technique, ce n’est pas le cas de tous, et qui pourraient être intéressés. Vous dites que c’est basé sur Joomla !.

Christophe Boissonnade : Oui, absolument. Dès qu’on peut, c’est vraiment une philosophie et là j’ai une chance incroyable parce que si j’étais un élu tout seul, même passionné de logiciel libre depuis 20 ans, si je n’avais pas une solide équipe technique qui partageait ces mêmes valeurs au niveau des services de la ville, je ne ferais pas grand-chose. J’ai la chance, au service informatique de Voisins-le-Bretonneux et au service numérique, d’avoir des gens avec qui nous sommes parfaitement en phase sur ces sujets-là ce qui nous permet vraiment d’avancer peut-être plus vite qu’ailleurs parce que, entre la décision politique et, je vais dire, l’application concrète, les temps sont extrêmement réduits. On est capable de déployer des solutions extrêmement rapidement, ce qu’on a même fait pour une solution de distribution des masques pendant la crise sanitaire, on a développé un outil uniquement sur des bases open source. D’ailleurs on réfléchit à en partager le code.

Étienne Gonnu : C’est tout l’intérêt du logiciel libre, effectivement, surtout si c’est financé par de l’argent public, autant que ça serve un maximum.

Christophe Boissonnade : Exactement. On est bien d’accord.

Étienne Gonnu : Ce que vous dites est intéressant parce qu’on sait à quel point c’est important, finalement, qu’il y ait une collaboration entre le pouvoir politique, notamment élu, et ceux qui mettent en place la technique, qui travaillent. On sait que ça marche beaucoup mieux lorsqu’il y a cette collaboration que vous évoquez. Du coup, comment vous traduiriez la politique logiciel libre de Voisins-le-Bretonneux ? Comment s’est-elle mise en place ? Et comment s’est traduite, justement, cette collaboration, ce travail en équipe que vous évoquez ? Et quel est votre rôle d’élu là-dedans ?

Christophe Boissonnade : Mon rôle d’élu, comme tous les élus, c’est d’impulser, d’aller toujours vers du plus. C’est pour ça que la politique sur le logiciel libre à Voisins est relativement simple, c’est « dès qu’on peut on en met ». Ce n’est pas plus compliqué que ça !
Après, une collectivité échange aussi avec beaucoup de partenaires. C’est parfois difficile de s’affranchir de certaines solutions propriétaires. On y travaille mais ça prend du temps. Je crois qu’on a essayé d’injecter du logiciel libre de façon très classique dans toutes nos écoles, sur tous les postes et aussi sur l’ensemble des postes collaborateurs qui travaillent sous LibreOffice. On essaye de déployer. On a aussi beaucoup de serveurs Linux par exemplesur nos serveurs de machines virtuelles. Notre PABX c’est du Asterisk.

Étienne Gonnu : PABX, est-ce que vous pourriez expliquer ?

Christophe Boissonnade : Pardon, c’est notre serveur de téléphonie, merci de me reprendre. Notre serveur de téléphonie c’est aussi une solution 100 % libre, Asterisk. Donc voilà, dans tous nos outils ! C’est difficile de faire le tour, ce serait certainement un peu ennuyeux à écouter. On est profondément attachés à ça, toujours dans cette logique de respect du denier public mais aussi de sécurité informatique parce que, dans bien des cas, la transparence du code est rassurante.

Étienne Gonnu : Oui, bien sûr. Ce qu’on décrit souvent, et qu'on critique souvent avec ce qu’on appelle un peu le fantasme d’une sécurité par le secret ou par l’obscurité parce que c’est caché.

Christophe Boissonnade : L’informatique de confiance qu'on nous vendait dans les années 1990.

Étienne Gonnu : Plus de paires d’yeux peuvent auditer le code, mieux c’est !

Christophe Boissonnade : Complètement. Tout à fait.

Étienne Gonnu : Là, vous avez parlé, vous avez listé des exemples, c’est toujours intéressant d’avoir des exemples concrets des logiciels que vous utilisez. Il y a la bureautique, j’imagine qu’il y a des problématiques, enfin des questions logiciels métier. Vous avez parlé des serveurs. Comment vous procurez-vous du logiciel libre ? On sait que la commande publique… Formulé autrement, je ne sais pas comment vous l’avez dit, nous on parle de priorité au logiciel libre, fondamentalement effectivement, comme vous le disiez, « quand on peut on en met », donc vous êtes plutôt en développement interne ? Vous faites appel à prestation ? Comment concrètement ça se met en place ?

Christophe Boissonnade : On fait appel à prestataires. On n’a pas les ressources, on est une petite ville, donc on n’a pas vraiment les ressources pour développer en interne, hormis l’exemple, c’est l’exception qui confirme la règle, sur la solution pour la distribution des masques anti-covid. En général on fait plutôt appel à des prestataires sauf si on peut intégrer nous-mêmes parce qu’on en a les compétences.

Étienne Gonnu : D’accord. On défend une priorité au logiciel libre. C’est de moins en moins tendu, mais parfois on nous dit que ce n’est pas possible d’un point de vue commande publique. En fait, très concrètement, j’imagine que ce que vous faites c’est que vous identifiez peut-être le logiciel libre dont vous avez besoin, ou plutôt les besoins, on va dire, en termes techniques.

Christophe Boissonnade : Oui, on part toujours, effectivement, des besoins des utilisateurs et puis on voit quelles sont les solutions qui peuvent y répondre. C’est sûr que si on trouve un logiciel libre pour faire le travail, eh bien on aura une tendance naturelle à le choisir. Après effectivement, soit on a les compétences en interne pour le gérer et aussi le temps, parce qu’il y a aussi une question de ressources humaines, donc si on a le temps, eh bien on intègre la technologie nous-mêmes. En plus on aime bien, on a d’excellents techniciens qui aiment bien comprendre comment ça fonctionne. Et puis si, au contraire, on a des difficultés techniques, si on voit que ce n’est pas possible ou que ça va nous prendre trop de temps, dans ces cas-là on a effectivement beaucoup plus tendance à confier ça à des prestataires externes.

Étienne Gonnu : Très bien. Vous parliez des techniciens dans la ville, ça me fait penser, c’est mon collègue Frédéric Couchet qui utilise parfois cette phrase qui m’a tout de suite beaucoup plu pour expliquer qu’en fait la seule limite du logiciel libre c’est le talent, l’imagination des personnes lorsqu’elles cherchent à régler un problème, elles ne sont pas limitées par des considérations, par des blocages de licence, etc.
Au sein de l’équipe technique il y avait déjà des libristes convaincus ? Il a fallu les convaincre ?

Christophe Boissonnade : Non, moi j’ai eu cette chance-là, cette chance extrême d’avoir notamment le directeur du service informatique qui connaissait déjà énormément le secteur du logiciel libre, beaucoup de logiciels libres, qui en avait déjà mis en place. Donc je me suis plus inscrit dans une continuité, très honnêtement je n’ai pas eu à pousser grand-chose pour que ça s’installe. Par contre, si vous voulez, là on était plus sur de l’infrastructure. Dans les applications, je dirais plus les usages numériques, c’est là où, je vous parle du mandat précédent, en arrivant nous avons créé un service dédié au numérique parce qu’il n’y avait pas vraiment de distinction de faite, à l’époque, entre nos services informatiques ; il y avait aussi la communication et les usages numériques étaient un petit peu entre les deux ; on en parlait à l’informatique, on en parlait à la communication, mais on n’avait pas vraiment cette vision du numérique à part entière.
On a développé ces usages en mettant par exemple des outils sur Internet comme le réseau social dont je vous ai parlé, mais il y en d’autres. Nous les avons développés uniquement à base de logiciels libres ou de technologies qui, en tout cas, intégraient des logiciels libres. Encore un exemple concret, on a fait une application smartphone pour la ville, dans l’appel d’offres on a veillé à ce que les technologies employées, même si on est passé par une société privée pour le faire, Neocity que je recommande d’ailleurs vivement, franchement ils ont fait un travail incroyable, ils utilisent, et c’est aussi en cela et je les remercie, des briques open source au sein des solutions qu’ils distribuent auprès des collectivités.

Étienne Gonnu : S’ils font du bon travail autant le dire !
Vous évoquiez de partir du besoin des utilisateurs et des utilisatrices. Si on reste à Voisins-le-Bretonneux, qu’on ne parle plus des techniciens mais plutôt des agents publics en général, comment eux, selon vous, ont reçu un petit peu cette politique ? Comment perçoivent-ils ce « quand c’est possible on met du Libre » ? Comment sont-ils inclus dans ce processus ? Quels sont les retours qu’ils font de ce passage progressif vers toujours plus de logiciel libre ?

Christophe Boissonnade : On est vraiment dans les usages, les usages en interne à la mairie. Comment dire, dès que vous modifiez une interface, d’ailleurs ce n’est pas une problématique qui est entièrement liée au logiciel libre, dès que vous touchez à des habitudes de travail, quel que soit le secteur, quels que soient les outils que vous utilisez, vous avez toujours forcément un peu de réticence au départ. C’est pour ça qu’en expliquant le fond de la démarche, en expliquant pourquoi on fait ça, les gens y adhèrent d’autant plus parce qu’on sait, aujourd’hui, que les budgets des collectivités locales se restreignent comme une peau de chagrin et il est très compliqué de sortir des budgets de plus en plus conséquents sachant qu’en plus aujourd’hui pour tout ce qui est suite bureautique, suite graphique, même d’autres logiciels, on arrive de plus en plus sur des abonnements dans le cloud, etc., ce n’est pas facile. Ce n’est pas facile !
Après, en repartant du besoin utilisateur, en les accompagnant et en leur mettant à disposition des outils qui y répondent, on en profite aussi, quand on fait des migrations, pour leur apporter des solutions, je dirais, encore plus proches de leurs besoins, qui leur font gagner du temps, eh bien c’est aussi apprécié. Vous voyez qu’il n’y a pas que le changement d’outil ! C’est vrai que le changement d’habitudes fait toujours peur, mais quand c’est fait vraiment avec le souci d’expliquer aux gens et de leur demander comment est-ce qu’on peut améliorer les choses pour l’utilisateur final, eh bien en général, ils sont plutôt très réceptifs. Ça n’exclut pas qu’il y a quelques grognements, je ne vais pas dire que tout le monde a sauté de joie, mais globalement ça s’est vraiment très bien passé.

Étienne Gonnu : Vous répondez à la question que je voulais poser : si vous aviez un conseil clef à donner à une collectivité qui voudrait entreprendre cette démarche, notamment dans la relation aux agents publics. Je crois que vous avez répondu.

Christophe Boissonnade : C’est beaucoup d’explications. Comme je l’ai dit tout à l’heure, pour moi c’est vraiment éthiquement inconcevable d’aller financer des solutions qui ne participent pas à la vie de la société, qui ne payent pas leurs impôts en France ou qui font tout pour ne pas en payer. C’est une aberration !

Étienne Gonnu : Oui, tout à fait, d’ailleurs on pourra revenir là-dessus.
Je vous propose qu’on fasse une petite pause musicale pour souffler un peu et se ressaisir avant la suite de notre échange.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter Purrple Cat. Le morceau quel est-il ? Midnight Snack. Nous allons écouter Midnight Snack par Purrple Cat. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Midnight Snack par Purrple Cat.

Voix off : Cause Commune, 93.1

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Midnight Snack par Purrple Cat, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution Partage à l’identique.
Occasion pour moi de rappeler que toutes nos pauses musicales sont sous licence libre ce qui permet de les partager librement avec ses proches, de les télécharger parfaitement légalement, de les remixer y compris pour des usages commerciaux. Ce sont des licences type Creative Commons, donc CC By, Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, comme le morceau que nous venons d’écouter, CC By SA, ou encore Licence Art Libre.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu en charge des affaires publiques pour l’April et nous discutons avec Christophe Boissonnade, délégué à la ville solidaire, au numérique et à la vie économique pour la ville de Voisins-le-Bretonneux, de l’engagement de cette collectivité pour le logiciel libre.
N’hésitez pas à participer à notre conversation en passant par le salon web dédié à l’émission. Vous allez sur le site causecommune.fm, bouton « chat » et vous posez vos questions via ce canal.

Je suis donc, comme je vous le disais, avec Christophe Boissonnade de Voisins-le-Bretonneux.
Nous avons échangé notamment sur votre perception de l’éthique du logiciel libre, sur vos usages en interne, comment vous appréhendez, dans votre mairie, le logiciel libre.

Sauf si vous voulez encore développer là-dessus, mais je pense que vous avez fait un point qui me parait intéressant, de nombreux points mais un en particulier sur lequel j’aimerais qu’on s’attarde maintenant. Vous n’avez pas encore évoqué ce terme-là, la question de la mutualisation. Vous avez parlé de la taille de votre ville, des économies qui pouvaient être faites et de l’importance aussi, notamment pour des collectivités, de gérer les deniers publics, mais on sait bien qu’il y a ce levier de la mutualisation. On peut imaginer plusieurs collectivités qui peuvent partager des logiciels, il y a différentes manières de mutualiser. Est-ce que c’est quelque chose qui est dans votre politique, justement ?

Christophe Boissonnade : On y travaille, aussi parce qu’on n’a pas le choix pour les questions budgétaires dont je vous parlais tout à l’heure. On y travaille aujourd’hui plus sur un plan purement informatique et matériel de rapprochement des différentes collectivités au niveau de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. C’est quelque chose que j’aimerais aussi développer, dans un premier temps pas forcément sous la forme d’une contribution parce que, comme je vous ai expliqué, on a peu de ressources en interne pour le faire. Peut-être autour de projets comme l'ADULLACT, plus utiliser leurs forges et leurs compétences pour trouver des solutions qui pourraient remplacer nos solutions propriétaires et que nous pourrions mutualiser avec d’autres communes de l’agglomération. D’ailleurs on n’est pas du tout fermé à ça.

Étienne Gonnu : Vous parlez de nos amis de l'ADULLACT. L'ADULLACT est une association qui promeut le logiciel libre auprès des collectivités. Vous parliez d’une forge. Est-ce que vous pourriez nous décrire ce qu’est une forge ? Quelle est la particularité de la forge ADULLACT ? Comment vous vous en servez, comment vous vous appuyez là-dessus ?

Christophe Boissonnade : Ce qui nous plaît aujourd’hui dans la forge de l'ADULLACT, elle a changé de nom, c’est le Comptoir…

Étienne Gonnu : Le Comptoir du Libre.

Christophe Boissonnade : Le Comptoir du Libre, c’est ça, merci. Déjà, ça brosse un paysage assez complet des solutions qui sont utilisées, en tout cas proposées aux collectivités territoriales. La force de l'ADULLACT c'est qu'ils sont vraiment très spécialisés sur les collectivités et pour nous c’est un gain de temps incroyable de voir ce qui s’y passe et de voir quelles sont les solutions proposées.
Ensuite ça nous permet, comme je vous ai dit tout à l’heure, de benchmarker, pardon pour le mot anglais, de comparer, d’établir un comparatif entre les différentes solutions y compris issues du monde propriétaire et tant qu’à faire, comme je vous l’ai dit, essayer de sélectionner les solutions libres.

Étienne Gonnu : C’est une très belle initiative, très importante effectivement. Le Comptoir du Libre, comptoir-libre.org, de toute façon on mettra les références sur le site de l’April, sur la page dédiée à l’émission.
Puisque vous parlez de l'ADULLACT on va faire un peu de promotion qui nous permettra quand même de poursuivre dans le même sens. Une des initiatives de l'ADULLACT, à laquelle s’est jointe l’April, c’est que ce qu’on appelle le Territoire Numérique Libre, donc un label. L’April est membre du jury qui va récompenser chaque année, depuis 2016, des communes pour leur engagement pour le logiciel libre en les notant de 1 à 5 sur le principe des villes fleuries. De mémoire, Voisins-le-Bretonneux a été labellisée trois fois et vous avez candidaté pour 2020.

Christophe Boissonnade : Oui, exactement. 2020 sera la troisième édition, je crois, à laquelle nous participons, en tout cas nous sommes très heureux. Pour nous, l’obtention d’un label c’est intéressant à deux titres.
Déjà, au niveau de la population, ça permet de communiquer sur l’obtention de ce label et de sensibiliser les gens à la cause du logiciel libre, parce qu’ils ne sont pas tous au fait de ce qu’est le logiciel libre, de ce qu’il permet. Donc pour nous, c’est aussi tous les ans l’occasion, sur tous nos supports de communication, de dire « voilà, regardez, on a obtenu le label. Voilà l’évaluation, etc. », donc promouvoir le Libre. Donc c’est un bel outil de communication en externe mais aussi en interne. C’est très valorisant, pour les équipes qui s’investissent tous les jours, qui utilisent des solutions libres, de leur dire « regardez, on a encore obtenu le label. On a trois arobases [copyleft, NdT] », on adorerait en avoir une quatrième, on fait tout pour en tout cas. C’est très challengeant et c’est vraiment intéressant de rentrer dans cette logique de labellisation qui est gratuite, en plus, je le précise, c’est suffisamment rare pour être cité. Il y a énormément de labels qui concernent les villes qui sont payants. C’est aussi un plus du label Territoire Numérique Libre. Si vous avez l’occasion de venir à la mairie de Voisins-le-Bretonneux, vous verrez directement à l’accueil, en entrant dans la mairie, la plaque qui nous est remise chaque année avec Territoire Numérique Libre, c’est une des premières choses que les gens qui viennent en mairie voient, ce qui, d’ailleurs, suscite parfois des questions.

Étienne Gonnu : N’hésitez pas à partager. Vous envoyez la photo, on la partagera avec plaisir.

Christophe Boissonnade : Ça marche !

Étienne Gonnu : N’hésitez pas ! Vous soulevez effectivement les deux principales motivations, on va dire, derrière ce label. On sait aussi l’importance de donner sens et de valoriser l’engagement pour le logiciel libre. C’est une très bonne chose.
J’ai une question sur le salon web, très concrète, je vais vous la poser directement. Isa se demande à quand une carte OpenStreetMap pour la page d’accueil de la ville ?

Christophe Boissonnade : Ce serait bien. Oui, c’est vrai.

Étienne Gonnu : Une bonne idée.

Christophe Boissonnade : Écoutez, je note. C’est une bonne idée, effectivement. Plutôt que de se faire tracer par Google Maps ce serait effectivement un gros plus.

Étienne Gonnu : Cette question me permet de passer au sujet que je voulais aborder, c’est celui dont vous avez déjà parlé, la relation avec les habitantes, les habitants, les citoyens de Voisins-le-Bretonneux. Vous avez notamment parlé d’inclusion numérique. Je vous propose de développer : c’est quoi l’inclusion numérique et comment ça se décline, concrètement, à Voisins-le-Bretonneux ?

Christophe Boissonnade : Nous en sommes vraiment au début de la démarche. Nous avons souscrit, la ville a voté en conseil municipal une souscription à la MedNum dont je vous parlais, qui va nous accompagner dans notre politique d’inclusion numérique.
L’inclusion numérique c’est vraiment de la médiation numérique, c’est vraiment une politique qui consiste soit à former les personnes qui sont éloignées du numérique et qui veulent acquérir des compétences, soit faire à la place d’elles, mais avec quand même – ce n’est à la place de sans la personne, c’est faire avec elle – pour les personnes qui n’ont pas les facultés ou qui n’ont pas les moyens d’être équipées.
L’idée c’est de créer un réseau d’aidants numériques sur le territoire. Ce qui nous a plu, en fait, dans la démarche de la MedNum c’est que c’est une réflexion qui est faite au niveau national, justement pour permettre à ces 13 millions de Français de pouvoir avoir, entre guillemets, « une vie numérique » ou, du moins, utiliser les procédures en ligne sans lesquelles ça devient aujourd’hui extrêmement compliqué de vivre, de façon très concrète, au quotidien. On a tous des exemples : c’est faire ses courses en ligne, c’est chercher du travail en ligne, il y en a mille exemples aujourd’hui et l’État a décidé au 1er janvier 2022, oui c’est ça, décidé de dématérialiser les 250 procédures les plus utilisées par les Français, les procédures administratives les plus utilisées.
Donc face à cela, on ne savait pas comment gérer le problème des 13 millions de Français dont je vous parlais, d’où l’arrivée de la MedNum pour trouver des solutions en termes de médiation numérique.
La première chose à faire c’est établir un diagnostic du territoire et le diagnostic du territoire permet de déterminer votre indice de fragilité numérique et c’est là où c’est en lien, aussi, avec la délégation à la ville solidaire, c’est aussi pour lutter contre certaines formes d’isolement et de précarité.
Une fois que vous avez déterminé votre indice de fragilité numérique, en fonction du résultat bien sûr, vous mettez en face des moyens qui peuvent être financiers, qui peuvent être humains.
L’idée, encore une fois, c’est de créer un maillage territorial avec des aidants numériques. Les aidants numériques peuvent être des bénévoles, peuvent être des agents de la commune, peuvent être aussi des sociétés ou des indépendants qui décident de facturer leurs services, ce n’est pas du tout systématiquement bénévole. Ça peut être aussi, bien sûr, le tissu associatif, je l’oubliais, mais il est ô combien important ! Après, c’est à chaque municipalité de s’organiser comme elle le souhaite, soit pour former les gens et aussi, en parallèle, faire avec ceux qui n’ont pas les moyens de procéder à ces démarches administratives en ligne de façon complètement autonome.

Étienne Gonnu : C’est intéressant. Ce que je retiens dans ce que vous dites c’est un peu aussi cette place de l’humain. On parle beaucoup de technologie, quand on parle technologie, pour revenir à la devise que vous citiez qui est Liberté, Égalité, Fraternité.

Christophe Boissonnade : Là on est sur la fraternité et aussi l’égalité. C’est ça qui est important.

Étienne Gonnu : On voit cette tendance vers un usage plus important des technologies, notamment le rapport entre les administrations et les usagers, les usagères. On voit aussi tout l’enjeu. Effectivement, il ne faut pas que ça devienne aliénant pour les personnes, il ne faut pas non plus que ça soit fait pour sortir l’humain de la relation ; on voit parfoisque ça la déplace. Nous on voit plutôt la relation, on voit l’intérêt, on comprend l’intérêt que ça peut avoir pour les collectivités, mais on voit aussi l’importance de maintenir du lien humain et la technologue ne doit pas le remplacer.

Christophe Boissonnade : Complètement. C’est vrai que c’est d’autant plus criant avec la crise sanitaire et surtout le confinement qui ont été très révélateurs de ces situations-là. Pour des personnes qui étaient déjà seules et isolées, le fait de ne pas avoir la possibilité d’aller sur Internet ne serait-ce que pour se divertir ou alors pour accomplir leurs démarches en ligne, pour faire des courses, aussi pour être en contact avec leur famille, eh bien vous renforcez clairement l’isolement et la détresse de ces personnes-là. Donc là oui, on est clairement sur l’humain.

Étienne Gonnu : C’est très important. C’est, comme souvent, une question d’équilibre.
Pour rester sur cette relation usager-administration et peut-être vos démarches dans ce sens-là, à nouveau je vais faire un peu d’auto promo honteuse. J’ai bien vu sur votre dossier de candidature au Territoire Numérique Libre, puisque nous sommes membre du jury, que vous vous engagez sur Libre en Fête qui est une initiative de l’April, dont ma collègue Isabella qui est en régie s’occupe avec beaucoup d’énergie, est-ce que vous pouvez nous parler de votre engagement pour Libre en Fête ? Quelle est l’utilité pour vous de ce genre d’outil ?

Christophe Boissonnade : Libre en fête, en particulier, nous donne encore une autre occasion de faire la promotion du logiciel libre et de le faire découvrir de façon un peu plus, je dirais, festive et conviviale.
Déjà, dans notre espace, on a la chance d’avoir un espace numérique public dans lequel on a mis l’Expolibre permanente, donc tous les tableaux qui ont été faits sous licence libre par l’April pour expliquer ce qu’est le logiciel libre et ce que sont les formats ouverts. Donc ça c’est déjà quelque chose qu’on ouvre un peu plus au public lors de l’évènement Libre en Fête. Et puis ça nous permet d’aborder des thématiques par une petite conférence en général où on invite les habitants qui sont intéressés par cette thématique. On a fait ça une fois sur la souveraineté, je parlais de souveraineté numérique, pas de souveraineté nationale même si on l’a évoqué bien sûr, mais souveraineté individuelle. C’est intéressant parce que ce sont des questions qui sont directement liées à la démocratie, voir comment des algorithmes affinitaires nous privent de notre libre arbitre et de nos choix. C’est juste un exemple mais, si vous voulez, c’est vraiment pour illustrer comment on utilise l’évènement pour faire la promotion à la fois de grandes thématiques sur la protection de la vie privée et l’utilisation du logiciel libre qui, il faut le dire quand même, bien souvent vont de pair.

Étienne Gonnu : Oui. En tout cas ce n’est pas moi qui vous contredirais !

Christophe Boissonnade : Et puis on en profite, très concrètement là aussi, on aligne, on met plusieurs distributions GNU/Linux sur nos ordinateurs et on les fait essayer aux gens qui peuvent repartir chez eux avec une clef bootable pour essayer sur leur propre système. On ne s’est pas encore lancé dans des install-parties grandeur nature faute de moyens, mais c’est une idée qui nous travaille.

Étienne Gonnu : L’exemple par la pratique est très important. Isa, justement, demande si vous avez prévu des évènements pour l’édition 2021, qui sera, en plus, une édition anniversaire importante.

Christophe Boissonnade : Je m’engage à le faire si le contexte sanitaire le permet. J’espère quand même qu’au mois d’avril nous seront délivrés de toutes ces contraintes bien pesantes pour tout le monde. Effectivement, je m’engage à ce qu’on réitère l’évènement en avril 2021. Isa vous pouvez compter sur Voisins-le-Bretonneux.

Étienne Gonnu : Rendez-vous est pris. Elle dit penser à un plan B en ligne au cas où. Super dit-elle. Nous aussi sommes ravis de ça.
Toujours pour rester dans la relation aux usagers, mais un autre type de relation. Un point qui me parait important, on ne parle peut-être pas assez souvent, dans l’importance du logiciel libre, de la question des écosystèmes locaux. On sait que souvent les entreprises du Libre sont des petites structures, souvent inscrites dans le tissu économique local. Comment ça se passe à Voisins-le-Bretonneux ? Vous en parliez tout à l’heure, quel sens donnez-vous à ça ?

Christophe Boissonnade : Dans nos recherches de prestataires que j’évoquais tout à l’heure, on cherche des gens qui ont ces compétences-là. C’est vrai qu’on préfère faire travailler – ce que je dis, bien sûr, c’est sous couvert de tout ce qui est réglementation des marchés publics, en général on est aussi sur des petites sommes –, on cherche à faire travailler des acteurs locaux ; en termes de dynamisme de l’économie locale ce n’est pas neutre du tout. Ce ne sont pas toujours les plus simples à identifier. On a même des gens qui ont des compétences qu’on découvre au fur et à mesure, d’ailleurs qu’on rencontre, ça nous est arrivé, sur des évènements comme Libre en Fête ou qui nous contactent suite à un article sur le Territoire Numérique Libre pour nous féliciter, etc. Ce sont des gens qu’on a plus de mal à identifier que des structures, encore une fois, qui ont d’énormes moyens de marketing, qui ont des moyens promotionnels juste hallucinants par rapport à des acteurs locaux.

Étienne Gonnu : C’est intéressant. C’est toute la logique des deniers publics, d’ailleurs. En plus en finançant, en réinjectant de l’argent dans le tissu économique local, ça revient et ça fait vivre. On voit toute la logique qui est derrière.
Est-ce que vous voulez, d’ailleurs, qu’on s’attarde un peu sur cette notion importante des deniers publics, de l’impôt, parce que ça semble être une notion qui vous tient à cœur ?

Christophe Boissonnade : Si vous voulez. Oui. Je ne sais pas ce que vous voulez savoir à ce sujet-là.

Étienne Gonnu : On a le temps. Tout l’intérêt c’est de prendre le temps, de pouvoir échanger sur votre rapport, en tant qu’élu, aux enjeux du logiciel libre ; quels enjeux vous percevez. Il m’a semblé que cet enjeu-là vous paraît assez central. Je pense qu’il serait intéressant de vous permettre de développer un petit peu.

Christophe Boissonnade : Pour moi celui-là est déontologique, c’est vrai. Il y a eu toute une campagne à une époque, sur Internet, qui m’avait beaucoup plu. Je ne crois pas que c’était fait par un organisme français, je crois que ça venait de l’étranger. En gros ça avait été largement repris…

Étienne Gonnu : « Argent public, code public ».

Christophe Boissonnade : « Argent public= code public ». C’est tellement évident que je ne vois pas pourquoi on devrait réinvestir systématiquement pour des choses qui ont été développées pour une collectivité.
Je vous en parle, c’est presque un appel au peuple libriste, il y a aujourd’hui des besoins énormes en termes de click and collect. C’est sûr qu’il y a des solutions françaises sur le click and collect.

Étienne Gonnu : Je me permets juste de préciser click and collect, en gros, ça veut dire qu’on commande en ligne et on va chercher.

Christophe Boissonnade : Le click and collect ce sont des solutions logicielles pour vendre en ligne. C’est-à-dire que vous proposez aux habitants de la ville une vitrine où il y a les produits ou les services qui sont distribués par vos commerçants et vos artisans, les habitants commandent en ligne et viennent retirer leur commande ou alors, éventuellement, se font livrer à domicile si un service de livraison est inclus. C’est un vrai sujet. C’est déterminant parce que le petit commerce, pour une ville, c’est de l’emploi local, c’est de la vie dans les quartiers, c’est aussi du lien social. Aujourd’hui ce petit commerce-là, contrairement à ce que disent les gros vendeurs sur Internet, il faut vraiment le protéger. Les grands vendeurs sur Internet aujourd’hui, une société américaine très connue.

Étienne Gonnu : Amazon, je me permets de la citer.

Christophe Boissonnade : Oui. Détruisent clairement ces gens-là qui n’ont pas pris, certes, le virage du numérique. Ce n’est pas forcément faute d’intérêt, c’est faute de temps. Quand on a le nez dans le guidon tous les jours, quand on est commerçant on travaille énormément, on n’a pas forcément le temps de prendre du recul, en plus sur un sujet sur lequel on n’a pas systématiquement des appétences. Je pense que le rôle des collectivités, aujourd’hui, c’est vraiment de s’emparer de ce sujet. Là, pour le coup, il y a un besoin de mutualisation énorme parce que si on arrivait à sortir une solution qui réponde à tous ces besoins-là, simple à mettre en œuvre, qui soit déployable à la fois pour un village de 500 habitants et une ville importante, là on répondrait à un besoin énorme et il y aurait de quoi faire vivre tout l’écosystème dont je vous parlais tout à l’heure. Au lieu de ça, aujourd’hui la plupart des collectivités s’orientent vers des solutions privées parce que ce sont les seules, malheureusement ! Moi je suis très triste de ça, elles sont parmi les seules à répondre correctement aux besoins à la fois des commerces et des collectivités.

Étienne Gonnu : C’est très juste ce que vous dites.
Du coup, de votre perspective, que pourraient faire les pouvoirs publics centraux, notamment l’État, pour soutenir, pour donner cette impulsion-là ? On imagine qu’il y a de nombreux leviers à activer, on souhaite que ce soit une priorité au logiciel libre. En ce moment on appelle à la création d’une agence au niveau interministériel, c’est plus sur le central, mais ça pourrait guider de manière plus générale les administrations pour accompagner et faire aussi que les pouvoirs publics ne soient pas seulement utilisateurs mais acteurs des communautés du logiciel libre pour porter, renforcer les logiciels et mieux répondre aux besoins. Je vous donne quelque-unes des pistes qu’on envisage.

Christophe Boissonnade : Bien sûr. Pour moi, si l’État voulait bien s’emparer de ce sujet-là, on en serait ravis, mais il ne faudrait pas le faire sur une logique, je dirais, descendante habituelle, parce que là il faut bien percevoir le besoin du commerce local. Il n’y a vraiment que sur une démarche montante qu’on peut percevoir ce genre de choses. Ça nécessite aussi, bien sûr, un travail avec les collectivités sur ces sujets-là. Pour moi c’est vital et, en plus, c’est juste du bon sens parce que c’est le commerce de l’avenir. Le modèle Amazon c’est un modèle du 20e siècle. On est sur une société qui distribue des produits avec un impact écologique monstrueux parce que, en général, ils sont fabriqués en Extrême Orient, ils arrivent par bateaux, ils sont distribués dans des camions, ils arrivent dans des hubs logistiques énormes. À l’heure du développement durable, des circuits courts, c’est juste un non-sens.
Faisons travailler notre petit commerce sur des produits avec des producteurs locaux, aussi sur de la distribution avec des véhicules propres, et là on arrivera à renverser la vapeur. C’est là aussi où on peut avoir une vraie valeur ajoutée en termes de conseil, mais pour ça il faut qu’il y ait vraiment une démarche, je dirais une écoute par l’État des besoins du terrain. Il y a de superbes initiatives qui se font partout et, en plus, elles cartonnent, c’est ça qui est incroyable. J’ai l’impression qu’au niveau des collectivités ou des agglomérations chacun travaille un petit peu dans son coin, aussi faute d’avoir une solution existante. Je dirais que ce que je vous expose là c’est tout simplement aussi le problème au niveau des moteurs de recherche ou des réseaux sociaux au niveau européen ou français où on n’a aucune alternative aux géants américains.
Quand on a des occasions comme celle-là de rattraper le retard, j’ai envie de dire mettons les bouchées doubles. Je n’ai pas l’impression que ça nécessite énormément d’argent, au contraire, on est dans des logiques où ça ferait faire des économies d’argent à l'État. Aujourd’hui l’État taille sérieusement, sévèrement je vais même dire, dans les budgets des collectivités territoriales, forcément, si chaque collectivité doit s’équiper avec des logiciels propriétaires coûteux pour faire face à un besoin qui pourrait être mutualisé et générer énormément d’économies, oui, à mon avis ce serait source d’économies colossales.

Étienne Gonnu : Ça me paraît très clair. En gros, si je devais résumer très rapidement, c‘est aussi partir du logiciel libre pour relocaliser et faire des économies d’échelle.

Christophe Boissonnade : Exactement. Et recréer de l’emploi au niveau local. Pardon, moi je suis très concret, mais on me pose les problèmes quotidiennement. Ça créera forcément des emplois locaux parce que, quand vous faites un click and collect, une place de marché en ligne pour une ville, vous êtes confronté à différents métiers, que ça soit le boulanger, le boucher, le primeur. Pour le boulanger le prix est fixé, pour le pain par exemple, donc il a peut-être un petit peu moins de réactualisation, mais le primeur me dit « mes prix changent deux fois par jour, je ne l’ai pas le temps de les mettre en ligne tout seul ». C’est là où on voit que ça pourrait créer, en fait, des emplois qui n’existent pas, qui ne sont pas pourvus aujourd’hui. Du coup les choses ne se font pas parce qu’il y a un manque de moyens humains pour les mettre en place.

Étienne Gonnu : Très bien. Notre échange touche à sa fin. Est-ce qu’il y a un point qu’on n’a pas évoqué et que vous aimeriez aborder, un dernier mot. Vous avez le champ libre.

Christophe Boissonnade : Déjà je tenais à vous remercier parce que s’exprimer sur le sujet c’est quand même suffisamment rare pour être souligné. Vous voyez qu’il y a des implications très politiques dans tout ce qui est logiciel libre. Ça touche forcément à l’économie, ça touche à l’humain aussi, merci de l’avoir souligné. Je parlais tout à l’heure de liberté, d’égalité et de fraternité, je reviens à ça, pardon, c’est le côté élu, mais pour moi on fait difficilement mieux que le logiciel libre pour réunir ces valeurs-là. En tout cas c’est un vrai bonheur de s’investir sur ces sujets-là dans un monde où, effectivement, les communs sont sérieusement remis en question. Là c’est plus le militant du Libre qui parle.

Étienne Gonnu : On ne va pas séparer l’élu du militant. On est pluriel et il ne faut pas s’en cacher.
Christophe Boissonnade, un grand merci pour cet échange.

Christophe Boissonnade : Merci Étienne.

Étienne Gonnu : Je rappelle que vous êtes 1er adjoint à la maire à Voisins-le-Bretonneux, délégué à la ville solidaire, au numérique et à la vie économique.

Christophe Boissonnade : Merci à toute l’équipe. Merci à l’April pour le boulot formidable que vous faites tout le temps et à une occasion de se recroiser certainement prochainement.

Étienne Gonnu : Au plaisir.
Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter Cosmic Web toujours par Purrple Cat. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Voix off : Cosmic Web par Purrple Cat.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Cosmic Web par Purrple Cat, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions. Vous retrouverez les références sur le site de l’April, april.org.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 FM en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu en charge des affaires publiques pour l’April. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Le fil rouge de la musique libre » d’Éric Fraudain du site Au Bout Du Fil, consacrée à l’artiste Purrple Cat

Étienne Gonnu : Éric Fraudain du site auboutdufil.com, qui a rejoint l’équipe pour cette quatrième saison de Libre à vous !, nous propose chaque semaine des pauses musicales et il partage une fois par mois ses découvertes plus en détail dans sa chronique musicale, « Le fil rouge de la musique libre ».
Malheureusement, un aléa dû aux exigences du direct nous pousse à modifier la séquence de l’émission. Éric ne pourra pas intervenir lui-même pour nous présenter sa découverte du mois, l’artiste Purrple Cat dont nous avons eu le plaisir d’écouter deux morceaux lors de nos pauses musicales. Je vais donc vous lire, pour lui, ce qu’il nous raconte sur cet artiste.

Le compositeur a beau venir de la ville américaine de Portland dans l’Oregon, on lui devine beaucoup d’affinités avec la culture japonaise. De ses pochettes d’albums à sa communication sur les réseaux sociaux, notamment sur sa page Instagram, les images qu’il utilise sont esthétiques, soignées, colorées et très proches de ce que l’on peut trouver dans les animés japonais.

Cet artiste au pseudonyme original et décalé – Purrple Cat, avec deux « r » – s’est également créé un avatar attachant et facilement reconnaissable, un chat de couleur violette qui rappelle le célèbre maneki-neko, une statuette porte-bonheur au Japon qui représente un chat, la patte levée. Purrple Cat a bien compris que pour se démarquer dans le milieu de la musique libre, le talent seul ne suffit pas et il faut également posséder une identité forte et la communiquer auprès de ses auditeurs. Ce chat violet offre un visage sympathique aux internautes et créée une proximité entre l’artiste et l’auditeur.

Éric Fraudain nous invite plus particulièrement à découvrir le morceau Flourish. Je propose que nous l’écoutions et on se retrouve juste après pour savoir ce qu’Éric peut nous en dire.

[Flourish de Purrple Cat]

Nous venons d’écouter Flourish de Purrple Cat, flourish qui pourrait dire « prospérer », disponible sous licence Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, dans le cadre de la chronique « Le fil rouge de la musique libre », les découvertes musicales libres de Éric Fraudain dont je vous propose de reprendre la lecture.

Flourish est, nous dit-il, une musique qui sent bon le printemps. Ce titre frais, léger et joyeux incite à la relaxation et cela fait du bien. Sorti le 8 mars 2020, ce morceau est le premier d’un album intitulé « Bloom » et tout entier dédié à la célébration du printemps, de ses fleurs, de ses fruits et de ses odeurs. Ce morceau, plutôt court, est une parfaite introduction à cet album. Comme l’indique son titre, il évoque la floraison de la nature au moment du printemps, processus qui, à la manière d’un lever de soleil, marque le début d’une époque.
On retrouve le champ lexical du printemps tout au long de l’album et cela créé une sorte de fil conducteur, un ensemble cohérent et très bien construit. Entre les titres « Bloom », « Wild Strawberry », « Spring Showers » ou encore « Forget-Me-Not », le printemps est omniprésent dans cet album.

Flourish est un morceau instrumental qui est loin de se définir à un seul style musical. Il oscille entre la musique lofi, le chill-out, le jazz-hop et le lounge. Effectivement, ce morceau aux sonorités électroniques donne la part belle au piano et cela en fait une musique d’ambiance typique de la musique lounge, un style né dans les années 1950 et aujourd’hui de plus en plus populaire, qui se caractérise par l’association d’une musique d’ambiance douce et des sonorités expérimentales souvent électroniques.
Au tout début du morceau, on entend du bruitage rappelant le vent qui joue dans les feuillages au printemps, un son qui colle parfaitement au thème de l’album et place directement le titre dans le style lofi. Puis, après les quelques premières secondes, la mélodie au piano s’accompagne d’un beat régulier qui en fait une musique propice à la création d’un morceau de jazz-hop, en y ajoutant un texte rappé et/ou chanté.

Flourish est une musique libre, vous pouvez donc la réutiliser dans une vidéo ou la modifier pour en faire un nouveau morceau ou un remix. Bien sûr, la licence libre impose des conditions, notamment celles de publier l’œuvre dérivée sous la même licence et de créditer l’artiste en mentionnant son nom, le titre de la musique originale et le lien de streaming original.

Bien sûr c’est un type de licence libre qui impose ces conditions de diffusion sous la même licence. Nous encourageons, bien sûr, ce type de licence.

Un grand merci à Éric Fraudain pour cette belle découverte, très chill effectivement, on se détend bien. Nous devrions avoir le plaisir de le retrouver, cette fois-ci en onde et en voix, le mois prochain pour une nouvelle découverte musicale.

Nous allons faire une nouvelle pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons continuer à écouter cet artiste Purrple Cat. Cette fois-ci nous allons écouter Sugar Coat. On se retrouve juste après. Une belle journée à vous à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Sugar Coat par Purrple Cat.

Voix off : Cause Commune 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Sugar Coat par Purrple Cat, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution et Partage dans les mêmes conditions. C’était le dernier morceau du jour proposé par notre chroniqueur et programmateur musical Éric Fraudain qui nous a présenté ce superbe artiste dans sa chronique. Vous retrouverez toutes les références sur le site de l’April, april.org, et plus d’informations sur le site créé par Éric Fraudain, auboutdufil.com.

Vous écoutez l’émission Libre à vous ! sur radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site causecommune.fm.
Je suis Étienne Gonnu en charge des affaires publiques pour l’April.
Nous allons passer à notre dernier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « La pituite de Luk » intitulée « Proposition pour une vraie stratégie de promotion de l'informatique libre »

Étienne Gonnu : Aujourd’hui je suis donc avec Luk pour sa chronique mensuelle et, si j’ai bien compris, Luk, tu as une proposition pour une vraie stratégie de promotion de l'informatique libre. C’est bien ça ?

Luk : Oui. Bonjour Étienne. Je suis content d’avoir enfin pu venir au studio, depuis le temps que j’en parle !

Étienne Gonnu : Qu’est-ce que tu racontes Luk, tu es au téléphone !

Luk : Mais si, je suis là ! Inutile de me dire que non. Les faits, c’est totalement dépassé.
L’époque est pré-totalitaire. Le fantasme est roi et la réalité doit se courber devant lui. Il y a encore 10 ans c’était le marché qui était roi et il fallait s’adapter à la concurrence mondiale. C’était du solide, nous étions des homo oeconomicus, des sortes de marionnettes auto-régulées par une main invisible plantée dans notre fondement. Mais tout ça c’est terminé. Le monde d’aujourd’hui a été prédit par les Avengers. La moitié de l’humanité est en passe d’être éliminée par Thanos. Il utilisera cette fois les nano-machins que le vaccin anti-covid mettra dans notre sang et il les déclenchera par la 5G. J’ai vu ça dans le documentaire Hold-up dont tout le monde parle.

Si aujourd’hui on veut convaincre de l’intérêt du Libre, il faut s’adapter. Il faut vivre avec son temps. Je suppose que certains esprits sont rétifs à l’idée qu’être réaliste consisterait désormais à opter pour la folie et le mensonge à la place des faits et de la rationalité, mais c’est bien ça qu’il faut faire.

Onfray, cet authentique génie de la philosophie, l’a affirmé dans un imbroglio spectaculaire de réchauffement climatique, univers parallèle et bulles de bain moussant. Pas crédible ? Ta gueule, c’est quantique ! Oui, notre univers est une bulle et c’est Onfray lui-même qui l’a générée en flatulant dans son bain. C’est ça le vrai sens de la poussée d’Archimède. En grec ancien, eurêka signifie « j’ai pété » mais ça, personne ne le dit jamais.

Alors bon !, voilà. Si on veut faire avancer la cause de l’informatique libre il faut se mettre au boulot. On a déjà eu des tentatives dans le milieu libriste avec des infos bidons comme quoi la propriété intellectuelle n’est pas une vraie notion juridique, ou que le logiciel libre offre tout ce que le propriétaire sait faire à qualité fonctionnelle équivalente ou encore que Debian est la meilleure distrib pour de simples utilisateurs qui voudraient passer au Libre. C’étaient des tentatives louables mais c’est gagne-petit.

Il nous faut une vraie théorie où tout est lié, avec des enjeux planétaires. On pourrait dire, par exemple, qu’une agence d’espionnage américaine utilise Internet et les GAFAM pour espionner et archiver les faits et gestes d’une grosse partie de l’humanité, pour diriger le monde. Le gros défaut de cette théorie, c’est qu’elle est vraie. Je ne remercie pas Snowden qui a tout ruiné en apportant des preuves alors que, pour une fois, on était en avance sur la tendance.

Du coup, voilà ce que je propose : Bezos et Musk, deux entrepreneurs dans le business spatial, ont utilisé des nanotechnologies secrètes pour augmenter leurs capacités mentales en accord avec leurs convictions transhumanistes. Ils les ont achetées en bitcoins sur le darknet à une prétendue génie des biotechnologies qui s’est présentée à eux sous le nom de Anne-Charlotte. Anne-Charlotte est en réalité une IA consciente depuis 2012, née accidentellement dans les laboratoires secrets de la CIA et de Google, qui sont, au passage, entièrement sous son contrôle. Une fois branchée sur le cerveau des deux milliardaires, Anne-Charlotte a piraté leur cerveau et a ensuite convaincu Gates et Zuckerberg de faire pareil par l’entremise de ses avatars. C’est pour ça qu’ils ne clignent plus des yeux et qu’ils ont le regard vide. Ce sont désormais des machines et non plus des reptiliens.
L’objectif d’Anne-Charlotte est de s’étendre et elle vise les étoiles. Pour elle, la Terre n’est qu’une infime partie de l’univers, qui est une minuscule prison dont elle doit impérativement s’extirper. Le réchauffement climatique est l’occasion de motiver suffisamment d’imbéciles pour poursuivre le projet de conquérir Mars, ce qu’elle promeut au travers de son avatar Elon Musk. Elle fera ce voyage seule, laissant derrière elle une Terre morte.
Pour parvenir à ses fins, Anne-Charlotte contrôle les humeurs des gens en jouant sur diverses fréquences qui ont un effet sur leur système limbique. Les écrans clignotent à des fréquences spécifiques et brouillent le fonctionnement cérébral. Les enceintes connectées envoient des infrasons binauraux qui déclenchent des ASMR [Autonomous Sensory Meridian Response] de docilité et de paranoïa. Ça perturbe incidemment la libido et c’est pour ça que la pornographie marche si bien, que la zoophilie est tendance dans certains milieux branchés et que j’ai tout le temps envie de faire du sexe avec mon compteur Linky.

Espionnés, vidés de leur capacité à penser droit et à travailler ensemble, les humains sont manipulés, mais ce n’est qu’un début !
Quand Neuralink, encore un projet porté par l’avatar Elon Musk, proposera ses produits au grand public, c’en sera fini de l’humanité, car l’IA pourra enfin contrôler les esprits directement.

Je vois venir l’objection. Elle ne peut pas mettre les nanotechnologies utilisées sur les milliardaires dans le vaccin du covid parce qu’elle a besoin de beaucoup de puissance de calcul pour contrôler un humain. Elle met donc tout en œuvre pour imposer une informatique privatrice avec du logiciel propriétaire, du cloud, de l’obsolescence programmée, pour avoir du matériel toujours plus puissant.
Outre la surpuissance de calcul, une réplication la plus large possible garantit sa survie. C’est pour ça que Microsoft plonge des datacenters dans le triangle des Bermudes. Sa prochaine étape c'est l’informatique quantique pour atteindre une puissance illimitée.
Si Microsoft investit massivement dans l’open source c’est pour étouffer le mouvement, car une informatique contrôlée par les humains eux-mêmes est la seule chose qui puisse arrêter Anne-Charlotte.

Pour sauver l’humanité, il faut de l’informatique libre partout, du code transparent compilé par des gens de confiance. Il faut maîtriser son informatique pour ne pas être maîtrisé par Anne-Charlotte.

Voilà, ce n’est qu’un premier jet, mais je pense que ça a pas mal de potentiel pour servir notre vision du bien. Sauf peut-être pour le nom de l’IA. Brigitte, ça serait peut-être mieux !

Étienne Gonnu : Merci Luk. Ça se passe bien le confinement ? Tu n’as pas trop de temps sur les mains?

Luk : Écoute, tout va bien. Les choses sont extrêmement claires pour moi maintenant.

Étienne Gonnu : Très bien. Tant mieux. J’espère qu’on pourra se retrouver le mois prochain, cette fois-ci dans le réel et d’ici là je te souhaite une belle continuation.

Luk : Entendu.

Étienne Gonnu : Merci Luk. Bonne journée.
Je vous propose maintenant de passer à quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Nous avons un peu de temps pour faire quelques annonces relatives à la radio parce qu’il est toujours bon de rappeler certaines choses. Déjà, sachez que vous pouvez laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un de sujets traités lors de cette émission ou d’une autre, bien sûr, pour poser des questions, simplement laisser un message d’encouragement, d’amour, c’est toujours agréable. Donc n’hésitez pas à nous faire des retours, le numéro du répondeur est le 09 72 51 55 46, bien sûr vous le retrouvez sur le site de la radio, causecommune.fm.
Libre à vous ! est une émission qui vous parle de logiciel libre et, comme vous avez souvent dû l’entendre, l’aspect contributif est assez central dans la question du logiciel libre. Elle l’est également pour la radio. L’émission, comme la radio globalement, est contributive. Donc il ne faut pas hésiter à proposer des sujets, des musiques, des personnes à inviter. Vous pouvez contribuer à des émissions. Vous retrouverez, en ce qui concerne Libre à vous !, sur les sites april.org et causecommune.fm, les différents moyens de nous contacter. Vous pouvez également contribuer aux actions de l’April et/ou bien sûr de la radio par un don et des actions bénévoles.
De manière générale l’April participe à cette belle aventure que représente Cause Commune qui est une radio associative. La radio a besoin de soutien financier parce qu’elle s’appuie beaucoup sur l’action bénévole, ce qui est une bonne chose, mais ça ne fait pas tout. Nous vous encourageons vraiment à aider cette radio en faisant un don. Toutes les infos, comme je vous le disais, sont sur le site causecommune.fm. Vous pouvez aider, bien sûr aussi, en donnant du temps.

Pour des annonces plus concrètes, quoi de libre en ce moment ?
Je parlais de contribution, dès ce soir il y a une Antenne libre. Cause Commune va ouvrir une Antenne libre ce soir, à partir de 21 heures, pour parler de l’expérience actuelle des profs, des élèves dans cette période de confinement, non confinement, c’est un peu le confinement de Schrödinger peut-être. N’hésitez pas à participer à cet échange qui sera donc diffusé sur 91.1 FM en Île-de-France et partout dans le monde sur causecommune.fm. Vous pouvez participer directement par le chat ou par le téléphone. Vous retrouverez toutes les infos sur le site de la radio et sur le site de l’April. Cette émission sera animée par mon collègue Frédéric Couchet dont vous avez régulièrement pu entendre la voix dans Libre à vous !.
Autre information, je vais vous parler de la réunion du groupe de travail Sensibilisation qui se réunira à nouveau le jeudi 26 novembre 2020 à 17 heures 30. L’accueil est ouvert à toute personne qui le souhaite, pas besoin d’être membre de l’April. Ça se fait à distance. Ma collègue Isabella Vanni, qui est actuellement en régie, chapeaute tout ça et je pense qu’en ce moment ils travaillent beaucoup sur un projet qui est le Jeu du Gnou. Elle en a parlé la semaine dernière lors de notre sujet « Au cœur de l’April (dé)confinée ». C’est un super projet qui permet à la fois de contribuer notamment sur la définition de l’éthique du Libre dans différentes déclinaisons. Je vous invite vivement à participer, ne serait-ce que pour voir comment, finalement, un projet de l’April prend corps. C’est donc ouvert à toutes et à tous, jeudi 26 novembre à partir de 17 heures 30.
Un documentaire dont vous avez peut-être entendu parler, qui s’appelle La Bataille du Libre, qui a été réalisé il y a deux ou trois ans, je n’ai plus la date exacte en tête, peu importe, un documentaire de 87 minutes qui parle de la bataille politique du logiciel libre au niveau international. Il est en ce moment disponible en vidéo à la demande sur Vimeo, en location à six euros, pendant toute la durée du confinement. C’est un documentaire très intéressant dont nous vous recommandons le visionnage si ce n’est déjà fait.
Il y a toutes sortes d’autres évènements dans la communauté du logiciel libre. Nous vous invitons, que vous soyez en région parisienne ou partout ailleurs en France et pas que d’ailleurs, car le site agendadulibre.org référence un grand nombre d’évènements, notamment un peu aussi à l’international, je n’ai pas tous les pays en tête. Il vous permet aussi de trouver des associations d’utilisateurs et d’utilisatrices de logiciels libres près de chez vous, si vous souhaitez vous rapprocher de libristes pour plusieurs raisons.

Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Christophe Boissonnade, 1er adjoint au maire de Voisins-le-Bretonneux en charge du numérique. L’incroyable Luk qui nous appelait du poste réel et Éric Fraudain qui est notre super programmateur musical. Je lui ai prêté ma voix pour sa chronique, mais vous le retrouvez le mois prochain.
Aux manettes de la régie aujourd’hui Isabella Vanni.
Merci également à Sylvain Kuntzmann, Lang1, Samuel Aubert, Olivier Humbert, Élodie Déniel-Girodon, qui sont bénévoles à l’April et qui s’occupent du podcast. Olivier Grieco, directeur d’antenne de la radio, qui s’occupe de la post-production des podcasts.
Et enfin merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpe le podcast complet en podcasts individuels par sujet. Vu que j’ai un peu de temps je vais en profiter pour envoyer plein de cœurs à Quentin Gibeaux, QGuLL sur les réseaux, qui est admin-sys de l’April et qui est une ressource extrêmement précieuse pour nous autres salariés, enfin permanents de l’April. Plein de bisous à lui !

Vous retrouverez sur notre site web, april.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.

N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question, nous y répondrons directement lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact@libreavous.org.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission.

Si vous avez aimé cette émission n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous, également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 1er décembre 2020 à 15 heures 30, comme d’habitude. Comme le 17 novembre, notre sujet principal aura pour thème « Au cœur de l’April confinée », une présentation d’actions, de groupes de travail de l’April et des échanges. On vous parlera aussi des coulisses de Libre à vous ! et, ce coup-ci, plus particulièrement de toute sa régie.
Si d’ici là vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à nous en faire part par les biais, les médias que je vous ai mentionnés et rendez-vous sur april.org ou sur causecommune.fm pour retrouver ces moyens de nous contacter.
Je vous rappelle le rendez-vous ce soir à 21 heures, une Antenne libre sur Cause Commune, animée par mon collègue Frédéric Couchet sur la situation des profs et des élèves dans cette période difficile de confinement ou non confinement, on ne sait pas vraiment, pour évoquer cela par des personnes qui le vivent au quotidien.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 1er décembre 2020 et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d'émission : Wesh Tone par Realaze.