La priorité au logiciel libre dans l'éducation déjà mise en œuvre en catimini ?

Communiqué de presse.

Le ministère de l'Éducation nationale a publié, en janvier 2023, la stratégie numérique pour l'éducation pour 2023-2027. Malgré quelques éléments positifs concernant l'utilisation des logiciels libres et des « communs numériques », nous restons un peu sur notre faim. Une phrase, en particulier, semble poser plus de questions qu'elle n'apporte de réponses sur la politique du ministère, évoquant, comme acquise, une « priorité au logiciel libre ».

Dans cette stratégie on peut noter la partie « Soutenir le développement des communs numériques » dans laquelle il est notamment question de la plateforme de services « apps education.fr » qui propose depuis 2020 des outils libres pour le personnel de l'Éducation nationale. Le service « classes virtuelles », par exemple, est basé sur le logiciel libre BigBlueButton, logiciel libre pour lequel le ministère de l'éducation a financé le développement de nouvelles fonctionnalités 1. Espérons que le Ministère continuera et amplifiera cette politique d'utilisation de logiciels libres et de contribution aux logiciels libres.

Dans les objectifs de cette partie il y a la création d'une « feuille de route pour le développement de communs numériques » et la mise en place d'une « forge nationale pour accompagner et favoriser la production et le partage des communs numériques ». L'April milite depuis plusieurs années pour qu'une forge publique soit mise en place et gérée directement par l'administration. Notons que la forge annoncée existe déjà en version bêta depuis quelques semaines. Cette forge est actuellement gérée par l'AEIF (Association des enseignantes et enseignants d'informatique de France).

Malgré ces éléments nous restons un peu sur notre faim et nous attendons avec impatience la publication de la feuille de route. Nous profitons de l'occasion pour renouveler notre invitation à la DNE (Direction du numérique pour l'éducation) à venir présenter cette stratégie et la feuille de route dans notre émission de radio Libre à vous !

En toute logique, un des axes de la « vision stratégique » développé par le ministère concerne le système d'information de l'administration. Il s'agit, notamment, d'« accélérer la transformation numérique » et c'est dans ce cadre que le document énonce que « les opportunités d’innover sont très diverses : le développement du numérique responsable, avec une mise en cohérence avec les objectifs de développement durable (ODD), ou encore à travers la priorité donnée aux logiciels libres. » Aucune base légale ni aucun détail, quant à la mise en œuvre opérationnelle de cette priorité, ne sont indiqués.

Depuis la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013, l'enseignement supérieur et la recherche est légalement tenu d'organiser cette priorité2. Pour autant, aucun décret ni aucune circulaire n'ayant jamais vu le jour pour organiser sa mise en œuvre concrète, ce principe normatif est sans doute resté lettre morte jusqu'à présent. Par ailleurs, toutes les propositions d'étendre cette priorité à l'ensemble de l'Éducation nationale ont toujours été rejetées par les législatures précédentes, sur la base d'arguments fallacieux3. Évoquer de cette manière une priorité au logiciel libre comme allant de soi dans les pratiques du ministère relatives à son système d'information a donc de quoi surprendre.

Une priorité au logiciel libre ne se décrète pas, elle se pense et s'organise. L'April ne se réjouit plus d'une simple évocation dans un texte, aussi stratégique soit-il. Quelles sont les mesures et les actions mises en œuvre pour donner corps à cette priorité au logiciel libre ? Sans ces modalités opérationnelles cela résonne comme une incantation creuse.