Fin de l'Open Bar, l'Armée ne prendra plus directement sa dose chez Microsoft

Depuis 2009, le ministère des Armées est lié à Microsoft par des accords Open Bar successifs qui entretiennent la dépendance de l'administration. Ou plutôt était lié. En demandant communication du renouvellement possible du dernier accord-cadre, nous avons appris que celui-ci n'avait pas été reconduit. Désormais, pour se fournir en solutions Microsoft, le ministère des Armées s’appuie sur l’UGAP (Union des groupements d'achats publics), une centrale d'achat public placée sous la double tutelle du ministre chargé du Budget et du ministre chargé de l'Éducation nationale. Loin de signifier à elle seule la fin de l'état de dépendance aux solutions privatrices de l'hégémonique entreprise américaine, la fin de cet Open Bar reste une bonne nouvelle.

La fin de l'accord privilégié entre le ministère des Armées et Microsoft ne signifie pas, pour autant, la fin de l'utilisation par le ministère des solutions privatrices de la multinationale, ni donc, à fortiori, la fin de sa dépendance, tant technique que culturelle, à ces solutions. Sans une politique sérieuse de sortie de cette situation, en particulier par un recours prioritaire aux logiciels libres, cette dépendance perdurera. Une étude avait été conduite par le ministère afin d'envisager de s'équiper de postes de travail en logiciel libre mais aucune suite ne semble encore avoir été donnée1.

Cette décision doit aussi être lue dans le contexte de la circulaire du 15 septembre 2021 du Directeur interministériel du numérique sur le recours à l'offre Office 365 de Microsoft (pdf), prise dans le cadre de la doctrine « Cloud au centre » qui précise les conditions de recours à des offres commerciales d'informatique à distance. La circulaire explicite ainsi que l'offre de Microsoft « n'est pas conforme à la doctrine Cloud au centre ».

Quoiqu'il en soit, la fin de l'Open Bar est une bonne chose car elle remet un semblant d'égalité formelle : en pratique, il ne devrait pas être plus facile d'acquérir une solution Microsoft qu'un autre logiciel référencé dans le catalogue de l'UGAP. Si, par ailleurs, il peut y avoir des questionnements autour du fonctionnement et du référencement de cette centrale d'achat public — qui ont notamment été évoqués dans le très bon rapport Latombe sur la souveraineté numérique – il s'agit surtout ici de garder à l'esprit que l'UGAP a un rôle structurant dans la manière dont les acteurs privés accèdent aux marchés publics et dans la manière dont les administrations acquièrent des logiciels.

L'April a également demandé communication de l'accord liant le ministère à la centrale d'achat pour en comprendre les termes. La fin de l'Open Bar marquera-t-elle aussi un plus grand effort de transparence du ministère de Armées ? Rien n'est moins sûr…

Le dessin d'un militaire, dont la casquette évoque le logo Windows de Microsoft, dit « On ne nous appelle pas la Grande muette pour rien »

Sans politique publique sérieuse de souveraineté numérique s'appuyant en priorité sur les logiciels libres et menée en transparence, le ministère des Armées ne pourra pas sortir de son état de dépendance à Microsoft. Souhaitons que le nouveau ministre, M. Sébastien Lecornu, se montrera plus sensible à ce sujet majeur que les ministres qui l'ont précédé.