Edge passe à chromium, quelles conséquences pour les navigateurs libres - Décryptualité du 10 décembre 2018 - Transcription

Nolwenn - Christian - Nico - Manu - Luc

Titre : Décryptualité du 10 décembre 2018 - Edge passe à chromium, quelles conséquences pour les navigateurs libres
Intervenants : Nolwenn - Christian - Nico - Manu - Luc
Lieu : April - Studio d'enregistrement
Date : décembre 2018
Durée : 15 min
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Revue de presse pour la semaine 49 de l'année 2018
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Logo Chromium Wikipédia - Licence Creative Commons Attribution 2.5 Generic license.
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Edge, le navigateur de Microsoft abandonne son moteur propriétaire maison pour adopter celui de Chromium, projet libre porté par Google. Quelles sont les enjeux d'une telle décision dès lors que l'immense majorité des utilisateurs utilisent des moteurs proposés par Google ?

Transcription

Luc : Décryptualité.

Nico : Le podcast qui décrypte l’actualité des libertés numériques.

Luc : Semaine 49. Salut Manu.

Manu : Salut Christian.

Christian : Salut Nico.

Nico : Salut Nolwenn.

Nolwen : Salut Luc.

Luc : Aujourd’hui est un grand jour puisque, Manu, tu viens de comprendre que « salut Manu » c’était une sorte de leitmotiv parce que ça rime, en fait.

Manu : Oui. On ne fait pas toujours attention !

Luc : Ça fait je ne sais pas combien d’années qu’on fait ça, tu n’avais pas réalisé.

Manu : Vieux motard qu’on aimait.

Luc : Le sommaire, qu’est-ce qu’on a ?

Christian : acteurspublics.com, « Bastien Guerry : “Le logiciel libre a besoin d’une vraie stratégie de mutualisation au sein de l’État” ».

[Christian n'a pas prononcé le mot « libre », NdT]

Manu : Le logiciel libre et c’est bien. Ça veut dire que l’État s’intéresse à utiliser nos technologies favorites pour les implémenter dans différentes administrations et c’est Etalab qui le dit par l’intermédiaire de Bastien Guerry qu’on apprécie beaucoup.

Christian : ITforBusiness, « Officiel : Microsoft Edge adopte Chromium et l’open source ».

Manu : Chomium c’est comme un petit enfant qui va passer sous l’aile du parent Microsoft. On va en parler après.

Christian : The Conversation, « Débat : L’open science, une expression floue et ambiguë », par Alexandre Hocquet.

Manu : Ça parle de science ouverte. C’est un concept qui prend pas mal d’idées du logiciel libre, c’est pour ça qu’on en parle et qu’on aime bien en parler. La science ouverte ce n’est pas quelque chose de si nouveau, finalement, mais qui rebondit un peu sur ce qu’on fait.

Christian : Echo Sciences, « Le FabLab, un lieu d’émancipation sociale : discours ou réalité ? » par Eléonore Pérès.

Manu : Allez jeter un œil, ça parle un petit peu de ce qu’on fait dans les fablabs de manière réelle et ça compare notamment les États-Unis et la France où les accès aux fablabs n’ont pas l’air de suivre les mêmes conditions.

Christian : Journal du Net, « A l’Open CIO Summit, la tentation open source des groupes toujours plus forte », par Antoine Crochet-Damais.

Manu : C’est ce qui vient de se passer il y a quelques jours, l’Open Source Summit, où il y a plein d’entreprises qui se retrouvent et qui se sont congratulées sur le logiciel libre, l’open source de leur point de vue. Ça marche bien et ça aussi ce n’est pas mal.

Christian : ZDNet France, « La Commission européenne privilégie le logiciel libre », par Thierry Noisette.

Manu : Là c’est tout un truc au niveau de l’Europe où il y a des recommandations qui sont en train d’être faites, on parle d'une des entités, la Commission, donc ça peut percoler, en théorie, jusqu’aux administrations des différents États ; c’est quelque chose d’assez fort. Je pense qu’on va en parler dans les semaines qui viennent parce que c’est assez conséquent.

Luc : Le sujet de la semaine, ça va être ?

Nico : Un sujet à troll !

Luc : Un sujet à troll, oui, et une question de navigateur internet puisqu’on l’a vu dans la revue de presse : Microsoft décide d’utiliser Chromium1. On le rappelle, Microsoft fait des navigateurs depuis très longtemps ; il y a fort longtemps 20 ans, 15 ans, dans ces eaux-là, ils avaient sorti une série de navigateurs qui s’appelait Internet Explorer qui a été maudite par tous les développeurs.

Manu : Hou ! Je maudis encore les développeurs qui ont travaillé sur cette bouse !

Nico : C’était un véritable cauchemar à l’époque. En fait, le navigateur n’implémentait pas bien les standards et, du coup, les développeurs web s’arrachaient les cheveux pour avoir des sites à peu près compatibles. Malheureusement il était majoritaire, il trustait 80 % ou 90 % de parts de marché à l’époque, donc on n’avait pas le choix.

Luc : Microsoft utilisait sa position dominante avec le système d’exploitation pour forcer à l’utilisation de son navigateur et pour tout péter en se disant « on va mettre la main sur Internet » à une époque où c’était en train de se développer.

Christian : Et il prenait les utilisateurs en otage.

Luc : Il y a déjà quelques années, Internet Explorer ayant fini par récupérer une réputation absolument désastreuse, ils se sont dit : il faut qu’on se refasse une virginité et on va créer un machin qui s’appelle Edge. Ils n’ont pas pu se retenir de prendre un logo qui ressemblait vachement à celui d’Internet Explorer et, du coup, de saboter leur propre plan, en disant « on recommence tout depuis zéro ». J’avais lu des trucs plutôt positifs disant que ça marchait plutôt pas mal.

Manu : C’était moins pire !

Luc : Voilà ! Tout aussi proprio que ce soit.

Christian : Mais comme ce n’est pas un logiciel libre, on ne peut pas savoir s’ils n’ont pas repris exactement le même qu’avant en changeant juste le logo !

Luc : En tout cas aujourd’hui, coup de théâtre qui n’en est pas tout à fait un parce qu’il y avait quand même des signes annonciateurs : ils ont décidé de passer à Chomium. Chomium c’est quoi ?

Nolwenn : Chromium c’est un navigateur qui est basé sur du logiciel libre, de base.

Manu : C’est du logiciel libre.

Nolwenn : Par The Chromium Projects, c’est ça ?

Manu : Voilà.

Nolwenn : Qui est basé sur WebKit.

Manu : Il y a tout un historique dans les moteurs de rendu2 : Blink, WebKit, KHTML ; c’est une famille de logiciels.

Luc : Il faudrait qu’on en parle en détail et qu’on explique aussi ce qu'est un moteur de rendu.

Nolwenn : Le moteur de rendu c’est ce qui fait que vous allez pouvoir voir votre page web de façon visuelle et pas en mode texte sur un terminal.

Luc : D’accord. C’est ce qui va interpréter le code pour l’afficher, en quelque sorte.

Nolwenn : Oui, c’est ça.

Luc : Et en quoi c’est important ?

Nico : Si on veut avoir le même rendu d’un navigateur à l’autre, le but c’est d’avoir normalement des normes, des specs qui disent comment ça doit se rendre, comment telle balise va s’afficher dans une page. Du coup, chacun a plus ou moins ses implémentations et sa propre lecture des specs. Il faut être relativement proche d’un navigateur à l’autre pour ne pas trop perturber l’utilisateur.

Manu : Le résultat c’est que Chromium est intégré sous la forme majoritaire dans le logiciel privateur fait par Google qui s’appelle Chrome, mais dont le cœur, le moteur comme dans une voiture, ce qui fait tourner la bête, eh bien est libre, ce qui nous plaît de plein de points de vue, n’est-ce pas Christian ?

Christian : Comme Chrome n’est pas un logiciel libre, nous ne savons pas dans quelle mesure ce moteur libre a été modifié pour ne plus être aussi fonctionnel que le libre. Donc !

Nolwenn : Oui. De ce point de vue-là ça peut très vite se voir au niveau du développement web parce que justement, dès qu’on va vouloir faire un peu CSS [Cascading Style Sheets] ou même du Java script…

Manu : Ce sont des apparences et des fonctionnements. Ce sont des technologies qu’on implémente.

Nolwenn : Dès que l’on va vouloir avoir un affichage identique entre Chrome et Firefox, par exemple, on pourra se rendre compte qu’il y a des spécifications définies par le W3C [World Wide Web Consortium] qui ne sont pas respectées et qui font que l’affichage va se casser.

Manu : Là tu as introduit Firefox3. C’est un concurrent en logiciel libre, c’est donc un autre navigateur internet.

Luc : De la Fondation Mozilla qui est l’organisation qui le chapeaute, qui a d’autres projets également, mais c’est le projet phare. Du coup, avec ce moteur de rendu qui est vraiment la clef de voûte du navigateur, il y a plein de navigateurs, mais ils utilisent un nombre de moteurs assez réduit. Qu’est-ce qu’on a comme moteurs disponibles ?

Nico : On avait celui qui était plutôt basé sur Mozilla Firefox c’était Gecko. On a WebKit qui était un ancien moteur de rendu qui date des années 90, je crois, quelque chose comme ça.

Luc : 98.

Nico : 1998. Qui a été réutilisé par plein d’autres petits projets.

Luc : Dont Google avec Chrome.

Nico : Dont Google, mais il y a eu aussi Opera, Midori.

Manu : Apple.

Nico : Apple, Android ou autres et on avait du coup Internet Explorer, je n’ai plus en tête, d’ailleurs, le nom du moteur qui était utilisé.

Manu : On va l’oublier.

Nico : On va l'oublier. Et puis Edge qui est arrivé derrière. Il y a quelques années, l’avantage c’était que ces moteurs-là avaient globalement la même part de marché, on était aux alentours de 25 et 30 %, donc c’était relativement équitable.

Manu : C’est-à-dire que les utilisateurs qui allaient sur Internet utilisaient tous certains navigateurs mais à peu près de manière égale.

Nico : En gros, si on résume à Google, Firefox et Internet Explorer, il y avait 33 % chacun, plus les petits à côté, mais c’était une situation qui était relativement bien homogène. Aujourd’hui la situation n’est plus du tout la même avec Google qui truste 80 %, 70-80 %, le passage d’Internet Explorer à WebKit qui va encore plus monter la barre, donc on se retrouve aujourd’hui avec du 90 % pour WebKit et 10 % pour Gecko.

Manu : Ce n’est pas tout à fait WebKit, c’est un fork de WebKit qui a encore un autre nom, qui s’appelle Blink, c’est une famille.

Luc : Aujourd’hui pour expliquer : WebKit c’est le moteur qui avait été utilisé par Google dans Chrome, qui est utilisé par plein d’autres navigateurs, dont le navigateur d’Apple qui s'appelle Safari.

Manu : Par Apple, Safari.

Luc : Google, il y a quelques années, a forké c’est-à-dire qu’ils ont fait une nouvelle version qui est la leur, qui s’appelle comment ?

Manu : Blink.

Luc : Bkink. Du coup il y a encore des gens qui sont sur WebKit, notamment le Safari en question, Opéra, et il y a Bkink qui est utilisé par Chrome et Chromium.

Manu : Par Opera maintenant.

Nico : Et par Edge bientôt.

Luc : Donc par Edge puisque Microsoft, en gros, balance tout ce qu’ils ont fait et disent : « Nous aussi on se range derrière la bannière de Google ». Du coup, en termes de moteur, qu’est-ce qui reste qui ne soit pas Google ? Il ne nous reste, finalement que ?

Nico : Firefox.

Luc : Que Firefox !

Manu : Ça leur donne une importance phénoménale.

Luc : À Firefox ?

Manu : Oui. À Mozilla. Ce sont les derniers résistants, les rebelles !

Christian : Surtout que, du coup, c’est le seul logiciel libre, le seul navigateur complètement en logiciel libre, alors que les autres…

Luc : Chromium est libre !

Nico : Sur les grands navigateurs en tout cas.

Christian : C’est vrai. Chromium est un logiciel libre, par contre les utilisations de Chromium par Google, par Microsoft et par les autres, ce sont des boîtes noires.

Luc : Qui développe Chomium ?

Nico : C’est un projet, en fait, The Chromium Projects, qui regroupe, du coup, Google en premier contributeur mais n’importe qui peut aller dessus.

Luc : Donc c’est financé quand même par Google. Quel intérêt Google a à développer un machin comme Chromium alors qu’ils ont leur propre navigateur fermé Chrome ?

Nolwenn : Je suppose que comme c’est un projet libre, ça veut dire que n’importe quel développeur peut apporter sa propre contribution et ça peut permettre, justement après, d’apporter une plus-value à Chrome derrière.

Manu : Pour le coup, d’ailleurs, c’est ce qui se passe avec Microsoft. Microsoft va contribuer à ce qui est devenu une infrastructure commune. Le moteur est utilisé par différentes entités qui d’habitude sont en compétition et là il y a ce côté vertueux du logiciel libre où même des opposants, peut-être même des ennemis, des gens qui ont été en bataille, peuvent contribuer de manière positive. C’est du win-win !

Luc : Du coup, à la Fondation Mozilla ils sont complètement à la ramasse, ils sont tout seuls alors que les autres sont tous sur la même orbite !

Nico : C’est un peu compliqué parce que le principal problème de la situation qui va se créer c’est que Chrome est très majoritaire en utilisation, on est aux alentours de 60 % ; ça veut dire que Google est en position dominante pour pousser ce qu’ils ont envie sur le navigateur et, par ricochet, comme en plus c’est le moteur de rendu le plus utilisé, forcément les modifications vont être reprises par tous les autres derrière, donc on va arriver à 90 % des utilisateurs couverts, et puis Firefox va être tout seul au milieu et va ne faire que courir derrière Google à devoir implémenter exactement la même chose mais du coup sur un moteur différent.

Luc : Avec moins de moyens.

Nico : Avec moins de moyens, donc avec des bugs en plus, avec de la compatibilité qui ne sera pas forcément assurée ou beaucoup plus difficilement que les autres navigateurs. Donc Google va être le maître du jeu à pouvoir mettre ce qu’il a envie dans son navigateur et à recréer l’espèce de monstre d’Internet Explorer 6 qu’on avait connu à l’époque, où on était obligé d’être compatible avec ce navigateur-là sous peine de perdre tous les utilisateurs.

Manu : Petit détail, c’est quoi le financement de Mozilla ? Rappelez-moi !

Luc : Aujourd’hui ils sont en train d’essayer de se diversifier, mais ils touchent l’essentiel de leur argent par les moteurs de recherche qui sont affichés dans le navigateur et le moteur de recherche par défaut, donc Google notamment. Évidemment, plus leurs parts de marché baissent moins ils vont toucher d’argent, parce qu’une fois qu’ils vont devenir négligeables eh bien pourquoi on continuerait à leur donner de l’argent ?

Manu : Sachant, il me semble, qu’ils avaient aussi fait des accords avec Microsoft.

Luc : Avec Microsoft, avec Yahoo, avec que des gens qui respectent à fond les données des gens !

Christian : Du coup, on s’aperçoit encore une fois que ça va être aux utilisateurs de faire la différence, d’essayer d’équilibrer les choses. Donc nous invitons tous les utilisateurs à utiliser de vrais logiciels libres et pas des boîtes noires basées sur du logiciel libre.

Luc : Tu crois vraiment que c’est comme ça que ça va se passer ?

Christian : J’ai foi en l’être humain ! Hum !

Nolwenn : Oui, mais si des navigateurs comme Firefox devaient éventuellement avoir des financements externes, jusqu’à quel point est-ce qu’on peut être sûr que c’est effectivement libre et respectueux des données privées ?

Christian : On a accès aux sources et après on peut, effectivement, s’intéresser à la transparence de la gouvernance de la Fondation Mozilla. Et là, effectivement, il y a des choses à dire.

Nico : L’accès aux sources des fois c’est compliqué. Par exemple Mozilla s’est fait avoir : le magasin des applications, en fait, était hébergé sur des serveurs distants qui utilisaient du Google Analytics dessus. Quand on allait sur la page pour installer des extensions, on était traqué par Google et compagnie et c’est du code auquel on n’a pas accès. Autant le code du navigateur en lui-même était libre, on pouvait faire ce qu’on voulait, mais les trackers étaient à distance sur des serveurs.

Luc : Il y a des choses qui sont contestables pour Firefox. L’ambition de la Fondation Mozilla c’est de jouer dans la cour des grands, d’avoir un truc qui soit adapté au grand public.

Manu : Ils jouent dans la cour des grands.

Luc : Oui, mais du coup ils font un certain nombre de compromis. Des gens avaient râlé quand ils avaient accepté de mettre des DRM [Digital Rights Management] qui sont des systèmes de contrôle, qui sont un peu l’antithèse de ce qu’on aime dans le logiciel libre, pour la lecture des vidéos. En même temps ils avaient dit : « Si on ne fait pas ça, on meurt instantanément », ce qu’on peut comprendre.

Nolwenn : Pour le côté des DRM ce n’était pas un sujet qui avait été soulevé au niveau du W3C, justement ?

Luc : Oui, le W3C l’avait accepté, il l’avait implémenté.

Nolwenn : Donc c’est un peu tirer sur Firefox alors que, finalement, ce n’est pas forcément Firefox tout seul !

Luc : Tout à fait !

Nolwenn : Firefox ou la Fondation Mozilla.

Luc : Moi, il y a un truc sur lequel je me suis trompé récemment, c’est que la Fondation Mozilla a sorti une page, enfin une classification des gadgets hi-tech qui respectent la vie privée et ils ont un texte qui encense le Kindle d’Amazon qui, certes, n’a pas de caméra ou de choses comme ça donc pour eux c’est vraiment super, mais qui est quand même un système à base de DRM de la pire espèce, qui peuvent effacer les bouquins à distance, qui est proposé par un des GAFAM et non des moindres.

Manu : Amazon.

Luc : Amazon qui, en plus de ça, est en situation de quasi-monopole sur la vente des bouquins ; c’est juste une horreur absolue. Et on a une Fondation Mozilla qui dit : « C’est super ! », alors qu’il y a plein d’autres liseuses qui existent sur le marché. Pourquoi proposer celle du gros GAFAM qui pue ? Moi je me demande : est-ce qu’ils ont été payés pour faire ce truc-là ? Je me pose des questions et je me dis : qu’est-ce que vaut leur engagement ?

Nico : Il y a eu aussi Pocket, la fameuse affaire Pocket où il y avait déjà un logiciel libre qui existait, qui s’appelle Wallabag4 qui était maintenu et plutôt bien maintenu et bien utilisé.

Manu : Qui permettait ?

Nico : Qui permet, en fait, de marquer ses sites internet pour lire plus tard ; du coup on récupère le texte.

Manu : Ça les enregistrait.

Nico : Ça les enregistrait, etc. On a Wallabag qui est un logiciel libre, on a Pocket qui était un logiciel propriétaire et Mozilla a racheté Pocket et a dit : « On l’intègre dans le navigateur ». Donc c’était arrivé par défaut dedans et Wallabag, du coup, s’est retrouvé « mais pourquoi ? Nous on existe intégrez-nous ! »

Luc : Et on ne peut pas paramétrer son navigateur pour dire : je mets le service de mon choix qui me permet…, le service équivalent de mon choix ?

Nico : On peut bien sûr installer Wallabag, mais ce n’est pas exactement la même intégration. On est obligé de désactiver complètement Pocket pour intégrer Wallabag en extension.

Luc : Du coup ma question c’est : est-ce que c’est si grave que ça si Firefox se retrouvait dans l’orbite de Google ? Parce qu’ils pourraient très bien faire une version de Chromium qui reste libre, qui fasse vraiment le ménage pour qu’il n’y ait pas de système de surveillance comme ils le font aujourd’hui avec Firefox et, au final, leur démarche est quand même vachement commerciale. Est-ce que c’est vraiment la fin du monde ?

Manu : C’est du logiciel libre, donc ils n’ont pas besoin de faire quelque chose même pour garder des parts de marché ; c’est vrai qu’ils ont tendance à chercher à exister, à être utilisés. Mais ce n’est pas une nécessité, ils peuvent continuer à fonctionner même avec 2 % de parts de marché sur Internet. Ce n’est pas forcément très grave.

Luc : Aujourd’hui il faut des millions : la patronne de Firefox s’est fait augmenter de 117 % l’année dernière ou 115 % ; elle touche deux millions et quelques, par an. Je trolle, mais derrière il y a également plein de développeurs et c’est quand même du haut niveau : il faut beaucoup de monde donc il faut beaucoup de sous.

Nico : C’est sûr que s’ils arrivent à 2 % ça va être compliqué pour eux de maintenir la fondation à flot. Ils pourront continuer, de toute façon, à vivre avec le logiciel libre mais l’argent est malheureusement le nerf de la guerre et les parts de marché aussi. C’est vrai que s’ils n’avaient pas réagi comme ils ont fait pour plein d’autres raisons, peut-être des besoins de marketing ou autres, eh bien ils auraient juste disparu de la surface de la planète assez rapidement.

Christian : On critique beaucoup la Fondation Mozilla mais c’est quelque part parce qu’on en attend beaucoup aussi. Et pourquoi on en attend autant ? C’est parce que des acteurs de cette dimension-là, dans le logiciel libre, eh bien il n’y en pas tant que ça. Récemment d’ailleurs, on en a perdu un, on a perdu RedHat qui a été racheté par IBM. Du coup on se pose la question d’avoir des acteurs importants. Mozilla Fondation c’est un budget en millions de dollars ; les GAFAM c’est en milliards, en dizaines de milliards de dollars, c’est déséquilibré et se pose la question du financement. Donc aux utilisateurs de se poser la question de savoir s’il faut qu’ils donnent leur argent aux GAFAM ou à des entités de développement de logiciels libres.

Luc : Cette question de la migration de Microsoft vers le monde Google est aussi catastrophique qu’on pense ? Ou est-ce que, au final, s’ils sont suffisamment nombreux à être derrière Google, ils pourront faire pression dessus ?

Nico : On espère juste ne pas revivre un Internet Explorer 6 et ne pas se traîner un boulet et subir les normes, les specs de Google ; c’est un peu le seul véritable problème, au final, dans cette affaire.

Luc : L’avenir nous le dira. Merci à tout le monde. On se retrouve la semaine prochaine.

Manu : À la semaine prochaine.

Nico : Salut.

Christian : Salut.

Nolwenn : Salut.