De nouvelles opportunités pour lutter contre l'obsolescence logicielle à l'Assemblée nationale

Les débats ont repris le lundi 9 décembre 2019 en séance publique de l'Assemblée nationale sur le projet de loi économie circulaire. Bien qu'initialement absente du texte, la question de l'obsolescence logicielle a été introduite au Sénat en septembre 2019. Après que la Commission développement durable semble avoir consacré la nécessité d'un certain niveau d'information des consommateurs et consommatrices, les débats en séance publique seront une nouvelle occasion de renforcer les dispositifs de lutte contre l'obsolescence logicielle.

Lire le texte issu des débats en commission développement durable et le bilan de l'April.

Plusieurs amendements reprennent des propositions déjà défendues au Sénat et en Commission développement durable de l'Assemblée. Ainsi Vincent Thiébaut (La République En Marche) a de nouveau déposé une proposition visant à interdire les pratiques de restriction d'installation de logiciels dans un amendement 247.

Article 4 quater C
Après l’alinéa 5, insérer l’alinéa suivant :
« Art. L. 441‑5. – « Toute technique, y compris logicielle, dont l’objet est de rendre impossible ou de restreindre la liberté d’un consommateur d’installer les logiciels de son choix sur son équipement est interdite. »

De même l'amendement 2035 de Paula Forteza et Cédric Villani vise à permettre l'accès aux interfaces de programmation des « objets connectés », les « API », et à leur documentation, dans des conditions non discriminatoires et sans restriction de mise en œuvre. Tiré d'une proposition conjointe de l'April, HOP et GreenIT.fr, cet amendement est essentiel pour permettre la durabilité et la maîtrise des « objets connectés ».

Après L'article 4 quater D, insérer l'article suivant :
Après l’article L. 111‑4 du code de la consommation est inséré un article L. 111‑4‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111‑4‑1. – Les fabricants d’objets connectés mettent à la disposition du consommateur les interfaces de programmation de l’objet. Ces interfaces de programmation sont disponibles à compter de la date de mise sur le marché de la dernière unité du modèle concerné et pour une durée illimitée. Les documents de spécifications des interfaces de programmation sont intégralement accessibles librement et gratuitement ou pour un coût minimal, dans des conditions non discriminatoires et sans restriction, juridique ou technique, de mise en œuvre. »

Reprenant une proposition de Halte Obsolescence Programmée (HOP), l'amendement 1285 porté par Mathilde Panot (La France Insoumise) vise à garantir durant au moins dix ans « les mises à jour logicielles individuelles et cumulées ».

Article 4 quater D
Compléter cet article par les six alinéas suivants :
« III. – Le chapitre IV du titre II du code de la consommation est complété par une section 16 ainsi rédigée :
« Section 16
« Contrats de licence de logiciel
« Art. L. 224‑109. – Les mises à jour logicielles individuelles et cumulées sont obligatoirement disponibles pendant une période de dix ans après la fin de la production du logiciel. Elles distinguent obligatoirement les mises à jour correctives et évolutives.
« Les pilotes de périphériques sont obligatoirement disponibles pendant une période de dix ans après la fin de la production du logiciel.
« Le système d’exploitation est obligatoirement disponible pendant une période de dix ans après la fin de la production du logiciel. »

Autre amendement proposé par Halte Obsolescence Programmée et déposé par Matthieu Orphelin (Libertés et Territoires), le 1429. L'objet de l'amendement est de distinguer les mises à jour « correctives » des mises à jour « évolutives », de manière à permettre aux consommatrices et consommateurs de ne pas installer, s'ils ou elles le souhaitent, les secondes. Proposition intéressante : la surabondance de nouvelles fonctionnalités, sans cesse plus gourmandes en ressources, est déterminante pour la durée de vie des appareils.

Article 4 quater D
Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant :
« Art. L. 217‑22.- Pour les biens comportant des éléments numériques, le vendeur veille à dissocier les mises à jour de sécurité des autres mises à jour, de manière à permettre au consommateur, s’il le souhaite, de n’installer que les mises à jour de sécurité à l’exclusion des autres mises à jour, sans que ce choix entraîne de défaut de conformité du bien. »

L'amendement 904 porté par le Parti Socialiste propose de préciser la définition d'obsolescence programmée. L'amendement propose ainsi l'ajout d'un alinéa à l'article L. 441‑2 du code de la consommation : « ces techniques peuvent notamment inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé ou prématuré, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer ou d’une non compatibilité ». Pour rappel, cette proposition, repoussée au Sénat, avait été introduite, puis supprimée, lors de la navette parlementaire de la loi de 2015.

Notons enfin, une proposition portée par la rapporteure Graziella Melchior (amendement 2350) ainsi que par Matthieu Orphelin (amendement 1432), Paula Forteza et Cédric Villani (amendement 2036), visant à renforcer l'information des consommateurs et consommatrices sur les mises à jour « qui sont nécessaires au maintien de la conformité de ces biens », sur une période qui ne peut être inférieure à deux ans. La disposition prévoit le droit de refuser l'installation de ladite mise à jour.

À l'instar de ce qui a été voté en Commission, tout renforcement de l'information est une avancée utile. L'April rappelle toutefois que celle-ci ne peut être une fin en soit et qu'elle doit s'accompagner de garanties effectives pour les libertés informatiques des personnes. C'est en redonnant la maîtrise de leurs équipements aux utilisateurs et utilisatrices, en leur donnant les moyens d'être indépendants face aux choix commerciaux des fabricants et des éditeurs de logiciels privateurs, avec des logiciels libres, que l'on pourra répondre à l'objectif de réparabilité et de durabilité des équipements informatiques.