Causerie sur le monde associatif et le logiciel libre le 17 septembre 2010

Causerie sur le monde associatif et le logiciel libre le 17 septembre 2010

Présentation

Les « Causeries April » sont des interviews ou des discussions d'une durée d'une ou deux heures, sur un sujet donné.

La causerie du vendredi 17 septembre 2010 à partir de 20h45 a pour thème « le monde associatif et le logiciel libre » avec Laurent Costy, conseiller bénévole sur les questions associatives pour l'April et actuel animateur du groupe de travail "Libre association" ainsi que Bastien Sibille, membre actif de ce groupe et coordinateur de l'Association Internationale du Logiciel Libre (Ai2L) pour l'Economie Sociale.

Comment ça se passe en direct ?

Techniquement ça se passe sur le canal IRC #aprilchat sur le réseau GeekNode (port 6667 par défaut) et via Jabber XMPP sur le salon causerie@chat.jabberfr.org. Seul le modérateur et l'interviewé peuvent écrire sur le canal. Les questions doivent donc être posées au modérateur, qui les envoient sur le canal où l'interviewé y répond. Le modérateur est précisé à chaque causerie.

Le modérateur est là pour choisir la trentaine de questions susceptibles d'être traitées en une ou deux heures, de poser les plus demandées et de veiller à avoir des questions de tout niveau (du néophyte à l'expert).

Le compte-rendu de la causerie est publié après relecture par la suite. Vous trouverez le compte-rendu ci-dessous.

Compte-rendu

Modérateur : Bonsoir à toutes et à tous, nous avons le plaisir d'accueillir ce soir pour notre dix-huitième causerie April Laurent Costy, conseiller bénévole sur les questions associatives pour l'April et actuel animateur du groupe de travail « Libre association »" ainsi que Bastien Sibille, membre actif de ce groupe et coordinateur de l'Association Internationale du Logiciel Libre (Ai2L) pour l'Economie Sociale, afin de répondre à toutes vos questions sur le thème « le monde associatif et le logiciel libre ». Pour mémoire, les questions sont à envoyer en message privé aux modérateurs Yoann Nabat et Benoît Sibaud.

Modérateur : La causerie se fait simultanément via Jabber/XMPP et IRC, via le bot hellgate.

Modérateur : Avec plus d'1 million d'associations en France, dont un grand nombre dans l'éducatif et le social, pourquoi le logiciel libre n'est-il pas plus fréquemment utilisé et présent ? L'utilisation des ces derniers ne sont-ils pas actuellement réservés aux GULL (Groupes d'Utilisateurs de Logiciels Libres) ?

Bastien : Bonsoir ! Les ponts entre les deux secteurs sont encore trop peu nombreux. Les Logiciels Libres sont mal connus par les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS). Ceux qui les connaissent hésitent au regard des coûts de migration et de la sensibilité de l'opération.

Laurent : Bonsoir. De mon point de vue, il y a une utilisation de plus en plus importante au sein des associations. Les GULL sont vraisemblablement à 100% de logiciels libres. Les associations dont l'objet n'est pas forcément l'informatique commencent avec OpenOffice.org, Firefox... sans savoir forcément que ce sont des Logiciels libres. Sur le « plus fréquemment utilisé », il faut rester prudent. Je pense que, comme l'utilisation par le grand public, cela se développe et que cela reste très difficile à mesurer. Le questionnaire envoyé aux associations fin 2008 est un bon indicateur mais est sans doute déjà dépassé pour certains points. Donc, non les logiciels libres ne sont pas réservés aux GULL mais il est clair que ce sont eux qui savent le mieux pourquoi ils les utilisent. Du reste, la prise de conscience en milieu associatif non technophile se fait doucement et on voit de plus en plus des systèmes d'exploitation libres utilisés en milieu associatif.

Modérateur : Quels sont les points de blocages pour le logiciel libre dans le secteur associatif ?

Bastien : La progression du libre dans l'ESS est compliquée par la sensibilité des outils informatiques dans les contextes de production. Il va falloir du temps, des opérateurs et des logiciels appropriés. La question de la synergie des valeurs est maintenant bien comprise.

Laurent : On est confronté à des questions de résistances aux changements.

Bastien : Oui, mais ce n'est pas une résistance idéologique, c'est une résistance pratique. Les acteurs n'ont pas le temps, pas les compétences, pas les ressources.

Laurent : Toute habitude à changer prend du temps, des explications pour que cela fonctionne. La motivation est essentielle.

Laurent : Lorsque les explications « idéologiques » ont effectivement été données et entendues. Il reste encore des associations qui ne savent pas ce que sont les Logiciels Libres et les valeurs qu'ils portent. La formation est essentielle.

(Bastien a quitté la causerie. Il prie les lecteurs de l'en excuser)

Laurent :Je peux prendre un exemple que j'ai rencontré dernièrement et qui montre que le problème principal est lié au changement. Je suis allé dans une association qui avait fait l'acquisition récente d'un logiciel de gestion propriétaire et payant. Actuellement il n'est pas utilisé. Le problème majeur est que la personne n'a pas été accompagnée et formée suffisamment. Pour nos logiciels libres, c'est donc un enjeu que de pouvoir accompagner et former pour une opérationnalité rapide.

Un autre point de blocage peut être aussi l'interface souvent plus dépouillée des Logiciels Libres : si on ouvre les logiciels de comptabilité Ciel compta et Phpcompta par exemple, le premier a un aspect plus « joli » que l'autre... et le premier est très ancré en milieu associatif. Ciel compta est propriétaire et très agressif côté coût des licences. Phpcompta est libre.

Modérateur : Connaissez-vous des associations qui ont entrepris une migration et qui pourraient servir de référence positive pour encourager les autres, un peu comme la Gendarmerie ou l'Assemblée nationale lorsqu'on s'adresse aux administrations ?

Laurent : Il en existe sans aucun doute. Le problème, c'est qu'elles sont moins emblématiques et moins importantes en nombre de personnes impliquées dans cette migration. Il faudrait une grosse fédération mais dans les faits, on se rend compte que cela vient généralement du terrain et que ce n'est pas la préoccupation majeure des têtes de réseau. D'autre part, les migrations se font par étape... Pour ma part, dans l'association dans laquelle j'étais, il a fallu 1 an environ pour faire migrer 25 personnes de Microsoft Excel vers OpenOffice.org Calc pour une comptabilité analytique. C'est valorisable mais ça reste sans aucun doute moins glorieux que la gendarmerie. Il ne faut pas oublier que la majeure partie des associations sont sans salariés. Reste à convaincre les coordinations associatives telles CPCA ou CNAJEP (coordination nationale des associations de jeunesse et d'éducation populaire) de l'importance de faire un choix politique et de l'afficher. Le groupe LibreAsso y travaille mais cela reste compliqué et long.

Modérateur : Le monde associatif est divers et diffus, avez-vous identifié des acteurs qui pourraient coordonner des développements mutualisés de logiciels libres adaptés aux besoins des associations ?

Laurent : Ça rejoint la dernière remarque : il faut rencontrer et convaincre les coordinations associatives CPCA, CNAJEP, CNCRESS. Sauf que, on est confronté à une génération relativement plus ancienne que celle qui court dans les couloirs de l'April en général. Ils sont moins bien au fait des questions TIC et ne voient dans l'informatique que l'aspect outils. Ils n'imaginent pas qu'une position politique puisse être prise sur la question. Il faut donc investir leurs lieux de rencontre pour apporter à chaque fois qu'on le pourra notre message et notre souhait de voir le Logiciel Libre porté comme une question politique.

Modérateur : Le groupe de travail Libre Association est une source de précieuses ressources d'infos, notamment via le wiki de l'April (par exemple sur les logiciels de gestion d'association (GDA)). Comment valoriser ce travail et le rendre plus accessible au monde associatif ?

Laurent : Une des premières pistes pourrait être de faire des pages plus sympas. Un beau site attire toujours plus qu'un obscur wiki où l'on ne sait pas si c'est fini. Ensuite, poursuivre toutes les actions menées par le groupe sensibilisation de l'April est déjà un excellent support à valoriser d'une manière générale. Ensuite, pour l'accessibilité, on rejoint l'une des remarques qui consiste à dire que le logiciel doit être « plug and play ». Si le gentil bénévole avec ses quelques compétences informatiques galère trop pour installer galette (logiciel de gestion d'adhérents), il va laisser tomber. De gros efforts ont déjà été faits par de nombreux logiciels libres pour être plus simples à prendre en main. Il y a encore du chemin pour certains mais cela converge vers du très bon.

Modérateur : Existe-t-il réellement des logiciels pour tous les usages des associations ?

Laurent : Il y a 5 ans, j'aurais eu tendance à dire non. Aujourd'hui, je pense qu'avec un peu d'effort, on peut ne déployer que des logiciels libres pour gérer parfaitement une association. Il convient de prendre cette remarque pour les petites et moyennes associations. Pour les plus grosses ça reste sans doute un peu plus compliqué mais elles sont moins nombreuses. Pour autant, il y a quelques années, pour une moyenne association, acquérir un logiciel de gestion global type ERP était de mon expérience, hors de portée. Pour l'association de 25 salariés, cela coûtait 45000 FF au début des années 2000 ! (NdM.: 6860 €). Aujourd'hui, il existe des solutions libres et gratuites telles OpenERP, dolibarr, etc. Le paramétrage restant sans aucun doute une vraie problématique. En fait, j'ai un doute, et c'est bien 45000 €.

Modérateur : Ces solutions sont-elles adaptées à tous les types d'associations (sportives : licences, ...) ?

Laurent : Je n'ai sans doute pas une vision suffisante de tous les besoins possibles. Ce que je peux dire, c'est qu'en 5 ans, les logiciels ont fait d'énormes progrès et que les besoins insatisfaits de telle ou telle association, en particulier les plus « pressants » ont dû être couverts. On a vu récemment le développement d'un logiciel Cepealsh qui couvre les besoin pour la gestion d'un centre de loisirs sans hébergement : ce besoin n'était pas couvert jusqu'à ce jour.

Modérateur : Le principal frein n'est-il pas l'installation, par exemple sur le serveur de l'association pour un gestionnaire d'adhérents ?

Laurent : Une des difficultés rencontrées par les assos est de savoir si oui ou non leur besoin est couvert par un logiciel : LibreAsso est là pour les aider à répondre à la question. C'est la question du logiciel clé en main : plus on tendra vers une installation en quelques clics et plus les associations adopteront alors les Logiciels Libres. L'approche de certains logiciels tels dolibarr qui installent par défaut un minimum de module me semble aussi facilitateur pour la prise en main. Encore une fois, les tutoriels se sont multipliés et les procédures d'installation sur un serveur se sont très largement simplifiées : que du bon pour le Logiciel Libre à mon avis.

Modérateur : Le mot de la fin ? Quelque chose à ajouter ?

Laurent : Le 9 novembre aura lieu un agorajep organisé par le CNAJEP (association d'éducation populaire) sur les TIC. LibreAsso tente de faire que le Logiciel Libre soit mis en avant mais rencontre des difficultés. Plus on sera nombreux présents et plus le message aura de chances de passer. Pour finir, je dirai que... euh, la route est longue, mais la voie est libre ;o) !

Modérateur : Merci encore. Merci à LinuxFr.org pour la collecte d'une partie des questions. Merci à tous pour les questions. Et bonne nuit à tous. La prochaine causerie aura lieu bientôt, sur un sujet à déterminer :).

Laurent : Bonne soirée à tous et merci pour le soutien technique du début indispensable. Prochaine fois, je demanderai un essai préalable ;o). Bonne nuit à tous !