Bilan des vacances ! Décryptualité du 14 septembre 2020
Titre : Décryptualité du 14 septembre 2020 - Bilan des vacances !
Intervenants : Manu - Luc
Lieu : April - Studio d'enregistrement
Date : 20 septembre 2020
Durée : 12 min
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Revue de presse pour la semaine 37 de l'année 2020
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Solved Puzzle - Licence Creative Commons CC01.0
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Description
Rentrée tardive pour Décryptualité, l'occasion de faire un petit bilan de ce qui s'est passé pendant l'été et de se demander si nous sommes condamnés à nous répéter encore et toujours.
Transcription
Luc : Semaine 37. Salut Manu.
Manu : Salut Luc.
Luc : C’est la rentrée !
Manu : Eh oui ! On n’a pas Nicolas ni Nolwenn qui seront avec nous au cas par cas, au fur et à mesure de l’année. Donc on reprend, mais on n’a pas peur un peu de se répéter parce que j’ai l’impression qu’il n’est pas arrivé grand-chose, là quand même !
Luc : C’est toujours la même chose. C’est ce que nous dit une certaine personne que nous ne nommerons pas, en disant qu’on se répète, c’est toujours la même chose.
Manu : Les mêmes arguments…
Luc : Et le même genre d’évènements. Déjà sur la revue de presse, qu’est-ce qu’on a ?
Manu : On a cinq articles. Cinq sujets. Ça n’a pas été facile toutes les semaines pendant l’été, c’était un petit peu calme, mais là ça repart.
Luc : Le Point, « Alice Zeniter : « J’interroge les différentes possibilités de l'engagement » », un entretien mené par la rédaction, on n’a pas de nom.
Manu : Alice Zeniter est une auteure qui vient d’écrire un roman, Comme un empire dans un empire, et dedans, d’après ce qu’elle en dit, ça discute un petit peu économie, économie alternative, logiciel libre, partage du savoir de manière générale. C’est intéressant, donc elle a des héros qui sont positionnés sur une échelle politique avec des discours d’actualité de notre point de vue, mais novateurs dans les romans. Je ne crois pas qu’on voie souvent cela. Il faudra qu’en en discute avec Magali qui est libraire et qui est assez contente de voir apparaître ce genre de sujet.
Luc : ZDNet France, « Éducation nationale : voici pourquoi Microsoft est une drogue dure », un article de Louis Adam, une tribune même.
Manu : Oui, qui tape dur ! Parce que de la drogue c’est bien un sujet qu’on a déjà abordé, mais ça fait quand même toujours bizarre de voir ressortir ce genre d’approche. Effectivement, oui, le logiciel privateur c’est une drogue parce qu’on s’y habitue et on ne peut plus en décrocher après. Il semblerait, en tout cas, pour l’Éducation nationale.
Luc : Souvent ça fait partie de la stratégie de se rendre indispensable.
ouest-france.fr, « Arthur Le Vaillant : « On ne doit pas être des sportifs comme les autres » », une interview de la rédaction également.
Manu : Ça ne parle pas beaucoup de logiciel libre, c’est vrai, c’est un petit peu restreint, mais quand même ! Les gars innovent dans la voile et quand ils innovent, eh bien ils vont le faire de manière ouverte, sur le modèle du logiciel libre. Ça me fait plaisir de voir ça et j’aime bien le mettre en avant.
Luc : ZDNet France, « L'Inria veut faciliter l'accès aux technologies numériques open source », un article de Clarisse Treilles.
Manu : Exactement c’est l’Inria Academy, avec un « y » à la fin. Ils veulent former des gens, dans les entreprises surtout, avec l’idée du logiciel open source et certains logiciels open source. Ça a été repris dans pas mal d’endroits et je suppose qu’on en reparlera parce que l’Inria est une institution importante et qu’il fasse ça pour les entreprises…
Luc : Qui fait de la recherche dans le domaine de l'informatique.
Manu : Globalement et là c’est un gros truc. Ça fait plaisir.
Luc : Le Monde Informatique, « La Chine bannit Scratch, le langage d'apprentissage à la programmation », un article de Jacques Cheminat.
Manu : Ce ne sera pas le premier qui aura droit à ce traitement-là. C’est une censure, rien de moins. Il y a aussi Notepad++ qui s’est fait jarreter.
Luc : Un logiciel pour éditer du code, pour les gens qui ne connaissent pas.
Manu : Plutôt pour les développeurs. Il y a peut-être un point commun. Là c’est de la programmation aussi.
Luc : Ils se sont fait dégager sur quels critères ?
Manu : Parce qu’ils revendiquaient de la liberté, notamment pour les Ouïghours, et puis je crois que l’auteur de Notepad++ est d’origine asiatique.
Luc : Effectivement je me souviens, il y a des années de ça à l’époque de Sarkozy, Sarkozy avait dit des trucs qui ne lui avaient pas plu du tout et il avait ajouté des commentaires.
Manu : Une release notes.
Luc : Une release notes ou quelque chose comme ça. Les gens l’avaient critiqué, il avait dit « si vous n’êtes pas contents allez voir ailleurs ! » Mais quelle arrogance, quand même, de critiquer la politique de la Chine !
Manu : Oui, mais il n’est pas payé pour faire ce qu’il fait et il a bien le droit de s’exprimer même si c’est dans un milieu qui est un peu inhabituel. Après tout c’est un développeur, il utilise son lieu d’expression qui est son code, de manière générale.
Luc : De quoi on parle aujourd’hui, du coup, pour cette rentrée ?
Manu : On fait un petit recap sur l’été. Est-ce qu’il est arrivé des choses intéressantes cet été, voyons.
Luc : Pour voir si c’est effectivement toujours la même chose comme on disait en introduction, qu’est-ce que tu as retenu de cet été ?
Manu : Il y a des soucis avec Firefox, ils ont viré du monde et ça fait mal au cœur.
Luc : Un quart de leurs effectifs, 250 personnes, ce qui veut dire qu’il y a quand même beaucoup de gens à la Fondation Mozilla1. Ils ont beaucoup d’argent puisqu’ils avaient un accord avec Google pour mettre son moteur en avant et ils touchaient des millions pour ça.
Manu : Des centaines de millions.
Luc : Des centaines de millions. D’une part, au fil des années, Firefox s’est retrouvé en position minoritaire, donc Google n’a plus vraiment besoin d’eux. Avec la covid, le marché de la pub, tout ça, tout est un peu en train de se casser la gueule, donc ils ont décidé de lâcher du lest.
Manu : Licenciement de 250 personnes. Petit détail, mais qui fait toujours mal au cœur, elle est payée combien… ?
Luc : C’est un des trucs qui fait débat. Mitchell Baker, la personne responsable de la Fondation Mozilla, touche deux millions et demi de dollars par an. Pas mal de gens ont critiqué ça, ça ne couvre pas le salaire de 250 personnes, de 250 développeurs en tout cas si ce sont des développeurs, mais ça pose quand même la question de ce modèle de financement.
Je suis tenté de faire le parallèle avec Blender2, le logiciel de 3D, ce n’est pas du tout le même domaine, qui a complètement explosé, qui est maintenant une référence, qui a envahi le monde professionnel et qui est en train de grimper à toute vitesse. Il y a quelqu’un derrière ça, un Hollandais qui s’appelle Ton Roosendaal, et qui a toujours dit « oui, j’aurais peut-être pu devenir riche mais ça ne m’intéresse pas. Je préfère faire un beau logiciel, faire plaisir à des tas de gens et faire avancer quelque chose ». On n’a pas nécessairement besoin d’avoir quelqu’un qui touche des millions. On a plein de grands patrons, en Allemagne ou dans les pays nordiques, qui ne sont pas aussi bien payés que plein d’autres grands patrons. Mitchell Baker dit : « Sur le marché, dans une boîte normale, je toucherais beaucoup plus ».
Ça pose cette question du coup : est-ce que le marché justifie tout ? Et si maintenant ça doit être financé par la communauté, par les utilisateurs, est-ce que les utilisateurs ont envie de payer très grassement quelqu’un à la tête de ce truc-là ? En plus de ça les résultats ne sont pas faramineux, peut-être que le contexte ne l’est pas, en tout cas le mauvais résultat est là. Firefox est plutôt en mauvaise posture.
Manu : Petit détail, nous ne sommes pas les clients de Mozilla, nous ne payons pas Mozilla pour développer. C’est Google, de fait, et puis d’autres entreprises, d’autres sponsors qui le font. Donc ça reste compliqué comme débat.
Luc : En tout cas, si ça démontre une chose c’est que ce n’est peut-être pas une bonne idée d’être dépendant des GAFAM et que, à la fin, eh bien… on se fait avoir !
Manu : Petite remarque, quelque chose de positif, Facebook rejoint la fondation Linux3. Oui ! Ça fait plaisir !
Luc : Bien sûr !
Manu : Bon ! Ça fait bizarre, mais ils ne seront pas les premiers à tremper leurs pieds dans le monde du logiciel libre. Rappelons que Microsoft intègre un noyau Linux dans son système d’exploitation et qu’il travaille avec plein de logiciels libres.
Luc : Il y a plein de très grosses de boîtes de l’informatique qui font du Libre depuis longtemps. On aime bien le rappeler de temps en temps, tous les GAFAM qu’on aime critiquer peuvent exister grâce à du logiciel libre. Enfin tous ! Presque tous ! Mais Google, Amazon, n’existeraient pas s’il fallait qu’ils payent une licence pour chaque base de données et pour chaque système d’exploitation de serveurs qu’ils déploient. Et, en plus de ça, s’ils n’ont pas le droit de mettre les doigts dedans alors qu’ils font des trucs compliqués, je pense qu’ils ne s’en sortiraient pas. Ça n’aurait jamais pu exister.
Une chose que je dis de temps en temps quand je fais des conférences, j’aime bien dire « le logiciel libre c’est le logiciel qui est trop bien pour vous, parce que toutes ces grosses boîtes qui offrent des services aux gens – enfin les offrent, les vendent ! – directement ou indirectement, elles ont bien compris l’intérêt d’utiliser du logiciel libre et elles en profitent, mais n’en font pas profiter les utilisateurs. »
Donc bonne nouvelle sur Facebook, mais ils ont quand même brillé d’une lumière un peu plus sombre pendant l’été, l’Inde notamment accuse Facebook de mettre en péril sa démocratie ; ça c’était début septembre.
Un ingénieur qui a claqué la porte de Facebook en disant que Facebook faisait de la thune sur la haine et, en gros, ils font du profit sur la haine .
Il y a eu aussi ce rapport russe qui a fuité et qui révèle que le gouvernement de la Grande-Bretagne était incapable d’identifier les interférences du Kremlin dans le référendum pour le Brexit, ce qui démontre, si la source est fiable, que oui, les Russes ont effectivement bien fait le nécessaire.
Manu : Avec justement les informations qui avaient été transmises par Facebook à Cambridge Analytica4.
Luc : À Cambridge Analytica et à peu près à n’importe qui qui en voulait. Il y a deux ans, toutes les semaines on disait « ils ont filé tant de millions de données à untel et puis à untel, untel ». En fait, ils ont donné les données personnelles des gens à n’importe qui.
Manu : On fait confiance à Boris Johnson qui va relever le défi et s’attaquer au sujet, sûrement !
Luc : Oui ! Une chose que j’avais lue c’est que, à priori, il était très motivé pour que l’enquête n’aboutisse pas.
Donc Facebook rentre dans la Fondation Linux, mais ils ne nous ont pas déçus, on a quand même un petit goût de déjà-vu.
Manu : Oui. On peut s’attendre à ce que ça continue dans l’année. En plus, avec les élections qui arrivent, sûrement que le sujet va revenir sur la table. On rappelle qu’il y a eu pas mal de débats sur les tweets du président des États-Unis qui ont été annotés sur Twitter et sur Facebook. Mais ça fait débat parce que la liberté de discussion, la liberté de parole, c’est un sujet très important, notamment aux États-Unis, mais quand c’est Donald Trump qui parle, des fois on a envie que ce ne soit pas trop diffusé.
Luc : Quoi d’autre ?
Manu : Apple.
Luc : Oui Apple a banni Fortnite.
Manu : Fortnite, c’est quoi ?
Luc : C’est un jeu vidéo qui marche super bien, notamment chez les gamins.
Manu : Ils gagnent des millions en plus, je crois qu’ils sont entrés en bourse. Ça fait fureur.
Luc : Apple a dit : « Vous ne payez pas ce que vous nous devez », donc ils les ont juste dégagés en disant « vous n’existez plus chez nous ».
Manu : Exactement il y avait eu un problème avec le d’Apple où il fallait que 30 % des revenus de la plateforme soient payés et eux ont refusé si j’ai bien compris.
Luc : C’est ça, eh bien ils se sont fait dégager et Apple s’est également tournée, dans la même période, vers WordPress qui offre des services pour que les gens puissent ne pas installer WordPress qui est du logiciel libre, mais avoir le service directement. Mais là ils n’ont pas réussi.
On a également appris pendant l’été que Apple reporte tout le coût de la taxe GAFAM, un truc européen pour essayer de récupérer de l’argent chez ces gens qui payent très peu d’impôts, sur les développeurs qui font des applis dans le monde iOS. Donc pour Apple ça va, les bénéfices sont toujours là, et ce sont ses fournisseurs qui raquent à sa place.
Manu : Rappelons, petit détail, que pendant le confinement et toute cette période qu’on a vécue, eh bien les GAFAM se sont encore plus développés et ont enrichi encore plus les milliardaires qui sont à leur tête. Jeff Bezos nous remercie parce qu’on a contribué à son empire financier.
Luc : Amazon prend des proportions complètement folles. Pendant des années je pense qu’Amazon était un peu sous-estimée dans les GAFAM parce qu’on a dit « ils vendent des livres, ils vendent des trucs ».
Manu : C’est sous le radar de la vie privée, sous le radar des logiciels privateurs/logiciels libres, en tout cas moindre que les autres GAFAM.
Luc : En tout cas ils ont été accusés pendant l’été d’utiliser leur position pour, en gros, tirer profit de leurs vendeurs tiers, puisque, évidemment, chez Amazon il y a plein de boîtes qui utilisent Amazon pour vendre leurs produits. Ce qu’ils feraient c’est surveiller les produits innovants qui fonctionnent et dès ils en repèrent un ils mettent leurs boîtes sur le coup et ensuite ils prennent la place de l’autre, ils vont mettre en arrière plan le vendeur tiers et vendre ses produits à sa place. Il paraîtrait même qu’ils vont voir des boîtes qui ont des produits innovants et ils leur disent « eh vous faites un truc super, voilà un million, deux millions, rentrez au capital, mais donnez-nous plus d’infos pour savoir si on fait un bon investissement ». Évidemment les boîtes s’empressent de les donner. Et même topo, Amazon file ça à ses emprises et, dans la foulée, il y a un concurrent qui arrive et la boîte innovante dégage. Donc on voit qu’être sous l’emprise d’un GAFAM, il y a les données personnelles, mais également, dans le domaine économique, ce n’est pas loyal.
Manu : Mauvaise nouvelle, qui fait mal au cœur, la mort d’un philosophe.
Luc : Bernard Stiegler, effectivement.
Manu : Qu’on a régulièrement référencé dans la revue de presse.
Luc : Ça faisait longtemps qu’on n’en avait pas parlé. C’était un philosophe qui était très abordable dans ses explications, alors que certains sont très nébuleux. Malheureusement il est mort cet été, mais ses conférences sont toujours accessibles. Il s’intéressait notamment, entre autres choses, au logiciel libre, il avait même fait des conférences, des tables rondes, des évènements là-dessus. Occasion d’aller voir ses conférences et d’écouter ce qu’il racontait. C’est quand même assez intéressant.
Manu : Sur ce je te dis à la semaine prochaine.
Luc : On n’a pas répondu à la question du début : est-ce que c’est toujours la même chose ou pas ?
Manu : Moi je pense que ça s’améliore.
Luc : Oui. Moi je pense quand même que ça empire.
Manu : On verra la semaine prochaine !