Alix Cazenave : Les politiques publiques en matière de logiciel libre par Intelli'N TV

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Intelli'N TV est une "webTv apprenante" qui vise à mieux faire comprendre les enjeux du logiciel libre. L'association propose notamment un JT bi-mensuel sur "l'open source et les logiciels libres". Les vidéos sont en flash, theora et sous licence CC-BY-SA.

Retrouvez la vidéo de la conférence Les politiques publiques en matière de logiciel libre animée par Alix Cazenave sur Intelli'N TV lors de l'Open World Forum.

Le lien direct vers le fichier vidéo au format ogv : IntelliNTV-LesPolitiquesPubliquesEnMatireDeLogicielLibreAlixCazen502.ogv

La copie sur le serveur April : IntelliNTV/IntelliNTV-LesPolitiquesPubliquesEnMatireDeLogicielLibreAlixCazen502.ogv.

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Transcription

Bonjour, nous sommes avec Alix Cazenave.

Bonjour Alix.

Bonjour.

D'abord, pourrais-tu te présenter ?

Oui, je suis responsable des affaires publiques à l'April, qui est la principale association française de promotion et de défense du logiciel libre. Mon travail est de m'occuper de tout ce qui nous met en relation avec les pouvoirs publics, concernant le logiciel libre. Donc aussi bien les administrations que les décideurs politiques.

Dans le cadre de l'Open World Forum, tu as organisé ce matin une table ronde autour des pratiques politiques publiques autour de l'open source. Quelles conclusions en as tu tirées et quels ont été les grands thèmes de cette matinée ?

C'était très intéressant parce qu'on avait trois niveaux différents :

  • on avait d'abord un niveau local avec la ville de Munich et le projet LiMux ;
  • puis un niveau national avec des retombées locales, comme le programme néerlandais « The Netherlands in Open Connection » ;
  • et ensuite un niveau européen, avec Karel DE VRIENDT, qui est à la tête de l'IDABC, organe de la commission européenne pour la mise en œuvre de l'interopérabilité dans les administrations.

Donc les grandes conclusions? Il y a deux temps : il y a l'état des lieux aujourd'hui de ce qui se pratique et la dynamique que tu as sans doute ressentie par rapport à ces personnes. Donc quel constat tu pourrais faire?

Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'un projet comme LiMux, décidé il y a déjà plusieurs années, se met en œuvre petit-à-petit. De la migration des applications, on passe maintenant à la migration du poste de travail lui-même. C'est-à-dire qu'ils sont déjà passés à OpenOffice et maintenant, ils vont passer à un système basé sur Linux, comme système d'exploitation. C'est donc un projet assez important qui arrive bientôt à son terme, d'ici quelques mois.

Au niveau néerlandais, cela a été un processus politique plus important, puisque c'est le parlement lui-même qui a demandé à un organe ministériel d'élaborer un programme qui ferait en sorte que les administrations et les collectivités au Pays-bas implémentent une politique de respect des standards ouverts et d'utilisation du logiciel libre. C'est le but de l'IDABC, surtout pour les standards ouverts, le logiciel libre en découle. Le programme de l'IDABC est de les faire utiliser par un maximum d'administrations possibles.

Très bien.

Tu suis depuis quelques années cet élan des administrations et des politiques publiques autour du libre. Quel constat peux-tu voir de cette dynamique ? As-tu l'impression qu'on arrive à un niveau de maturité ? On sait aujourd'hui en France que ce sont les administrations et les collectivités locales qui poussent ces projets-là. Est-ce que tu as un constat? Est-ce que tu sens une évolution dans l'approche, dans la vision d'aujourd'hui ?

Alors, ce qui est essentiel, c'est qu'il y ait une volonté politique, parce que sans volonté politique on ne peut pas réellement faire bouger les choses. On a un existant qui est important, assez lourd à faire bouger, et si on ne décide pas un jour de passer réellement à la compatibilité avec des standards ouverts de manière stricte, (utiliser uniquement des standards ouverts et que les données soient libérées de leurs dépendances des applications), on ne pourra pas se libérer des applications. Donc, c'est l'étape primordiale à mettre en œuvre : passer à des standards ouverts.

Cela implique donc qu'il y ait une politique forte d'application du cadre d'interopérabilité. Elle a été définie au niveau européen mais est appliquée de manière assez inégale encore aujourd'hui. On sait qu'en France par exemple, le référentiel général d'interopérabilité n'a toujours pas été publié et qu'il n'y a pas de contrainte réelle, pour les administrations, à utiliser des standards ouverts.

Aujourd'hui, tu différencierais l'approche outil pure (c'est-à-dire l'administration décide, pour faire des économies d'échelle, de prendre un outil open source) de la volonté politique plus globale de partir vers des systèmes interopérables, vers des standards, et qui serait un véritable aboutissement au-delà du simple usage.

Oui, il faut dire que le coût, c'est aussi une raison qui doit rester secondaire de migrer, parce que le coût à l'année n+1, on n'en voit plus l'avantage. C'est à beaucoup plus long terme que l'on va comprendre l'intérêt que cela représente, car c'est la pérennité du système qui est en jeu. Les données doivent être libérées, c'est essentiel. On n'a pas encore compris en France, et dans beaucoup de collectivités en Europe de manière générale, que tant qu'on restait prisonnier des applications, on prenait le risque que nos données ne soient plus accessibles. Il y a un vrai enjeu autour de ça pour que les administrations elles-mêmes puissent disposer de leurs données, mais également pour mettre ces données à disposition du public.

Et effectivement, la stratégie des logiciels libres doit s'inscrire dans une politique qui va vouloir garantir l'indépendance de l'administration, la pérennité du système, une plus grande transparence et une plus grande ouverture. La transparence et l'ouverture étant les mots clés mis en avant par Karel DE VRIENDT pour l'IDABC.

Et aujourd'hui, concrètement, que fait l'April pour accélérer, influencer cette démarche en tant que représentant peut-être aussi du libre ? Donc quelles sont les démarches concrètes que vous faites aujourd'hui pour favoriser cette évolution ?

C'est de la sensibilisation avant tout. Nous sensibilisons au niveau de la direction générale de la modernisation de l'État (DGME) en essayant de leur faire écrire déjà un référentiel général d'interopérabilité (RGI) qui soit clair. Typiquement le fait de mettre ODF et OOXML comme standards de bureautique est une erreur. Déjà parce que mettre deux formats comme standard est une aberration en soi. Un standard est fait pour uniformiser. Donc mettre deux standards brouille complètement le chemin vers l'interopérabilité. De plus le fait que OOXML n'ait pas d'implémentation actuelle dans un logiciel brouille également le message. Les utilisateurs sont un peu perdus. Il faut donc, au contraire, avoir un référentiel général d'interopérabilité qui soit extrêmement clair et sans appel.

Ensuite, il faut que les collectivités comprennent que ce n'est pas de l'ingérence du niveau national dans leur manière de gérer leurs systèmes d'information, juste une décision européenne essentielle. C'est dans l'intérêt général pour les administrations, pour les citoyens, parce que ce sont nos données qui sont en jeux.

Nous essayons également de sensibiliser les collectivités. Aussi bien les régions, que les départements ou les communes. Quand nous arrivons à avoir un contact, nous faisons notre possible pour que cette idée fasse son chemin. Mais ça prend du temps. Ce n'est pas parce qu'on va voir quelqu'un que, du jour au lendemain, ils vont changer leur système et passer d'une suite bureautique propriétaire avec des formats fermés à une suite bureautique libre avec des formats ouverts. Il faut du temps, il faut que l'opportunité se présente et il faut également une certaine volonté parce qu'il y a ce qu'on appelle l'adhérence aux applications métiers, c'est-à-dire toute la dépendance du système d'information à certaines applications clés sur lesquelles les collectivités basent beaucoup leur système d'information.

Très bien.

Merci beaucoup pour cette interview et à bientôt.

Merci, à bientôt.