Action de groupe - Arthur Messaud - Bourdin Direct

Arthur Messaud

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Titre : Arthur de LQDN sur RMC (Bourdin Direct)
Intervenants : Arthur Messaud - Jean-Jacques Bourdin - Matthieu Belliard
Lieu : RMC - Bourdin Direct
Date : mars 2018
Durée : 24 min 35
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Licence de la transcription : Verbatim
Illustrations : Logo RMC Wikipédia et Capture d'écran de l'émission
NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Transcription

Jean-Jacques Bourdin : Nous avons choisi, parallèlement à ces moments forts, de vous proposer deux bureaux de vote un peu plus légers pour pouvoir aussi nous permettre parfois de nous évader. En revanche, les réseaux sociaux nous tiennent prisonniers. Oui, ils nous tiennent prisonniers ! Et ces réseaux sociaux, non seulement nous tiennent prisonniers, mais aussi se servent de nos coordonnées, se servent de ce que nous sommes ; je dis bien se servent de ce que nous sommes. Et c’est là où c’est intéressant, c’est-à-dire que c’est notre identité. C’est notre identité ! Vous me direz, il n’y a qu’à pas y aller sur les réseaux sociaux, ça c’est sûr ! Mais on ne sait pas avant d’y aller ce que nous risquons, c’est le problème, l’un des problèmes. Nous allons en parler dans un instant avec Arthur Messaud qui est juriste à l’association La Quadrature du Net1. Matthieu quel est ce premier bureau de vote ?

Matthieu : On vous consulte : seriez-vous prêts à renoncer aux réseaux sociaux ? Vous nous le dites par SMS, oui ou non, au 6 10 71 et au-delà de ça vous allez témoigner ce matin et nous dire sur rmc.fr ou le Facebook bourdindirect, si vous n’avez pas quitté Facebook, si vous avez, par exemple, fait le test d’aller voir quelles sont les données personnelles que Facebook détient sur vous ; ça se fait beaucoup ces derniers jours. Certains ont carrément succombé, le hashtag #deletefacebook, désabonnez-vous de Facebook, quittez-vous Facebook, qui a été lancé. Est-ce que vous avez quitté Facebook ? Dites-le-nous 3216, rmc.fr.

Jean-Jacques Bourdin : Eh bien moi je dois vous dire que je réfléchis à quitter Facebook, à quitter Twitter, à quitter tous les réseaux sociaux parce que les insultes ça devient, au bout d’un moment, assez pénible, je dois dire. Et finalement, on vit très bien sans. On vit très bien sans ! On n’a peut-être pas besoin de réseaux sociaux pour exister, aussi. Malheureusement, aujourd’hui, beaucoup existent en partie à travers les réseaux sociaux. Arthur Messaud, bonjour. Merci, attendez, il faut ouvrir le micro.

Arthur Messaud : Bonjour.

Jean-Jacques Bourdin : Juriste à l’association La Quadrature du Net. Est-il vrai que vous lancez dans quelques jours une action de groupe contre les grands, les GAFA, les fameux GAFA — Google, Apple, Facebook, Amazon —, pour dénoncer la marchandisation de nos données personnelles ?

Arthur Messaud : Pas seulement pour la dénoncer, mais pour y mettre fin !

Jean-Jacques Bourdin : Pour y mettre fin.

Arthur Messaud : Dès le 9 avril, chaque personne située en France qui utilise un service Facebook, Gmail, YouTube, Amazon, ou même un appareil qui a Apple ou Android, toutes ces personnes pourront confier à La Quadrature du Net leur droit de porter plainte devant la CNIL. C’est une plainte qu’on fait : c’est du droit. C’est la justice qu’on va demander, parce qu’il se trouve que dans toute cette histoire, on reviendra dans le détail, l’activité de Facebook, le modèle économique des GAFAM, des géants, est profondément illicite et antidémocratique.

Jean-Jacques Bourdin : Donc action de groupe.

Arthur Messaud : Action de groupe.

Jean-Jacques Bourdin : Action de groupe. Je regardais, hier la CNIL a épinglé Direct Energie et ses compteurs Linky pour avoir collecté — en fait ce ne sont pas les compteurs qui sont en faute, enfin ils permettent la connexion — du coup Direct Energie en a profité pour collecter des informations personnelles sur ses clients.

Arthur Messaud : En fait, ces deux affaires sont liées. Pour ce qui est des Linky ce qu'a condamné la CNIL, ou a mis en demeure en tout cas certains changements, c’est le fait que les personnes ont consenti à ce que des données personnelles extrêmement intimes sur leur consommation et donc leur usage, ces personnes ont consenti à ça en étant forcées ou en tout cas en étant trompées par cette entreprise.

Jean-Jacques Bourdin : Trompées par Direct Energie entre autres.

Arthur Messaud : Qui leur faisaient croire que pour utiliser le compteur, pour l’activer, elles étaient obligées d’accepter que leur consommation soit surveillée de façon constante, extrêmement précise. En fait, elles n’étaient pas du tout obligées, elles ont été trompées.

Sur Facebook, sur Google, c’est la même chose. Ces services vous font croire que pour utiliser leurs services, en tout ils vous forcent, vous êtes obligé d’être surveillé, d’être soumis à une surveillance constante. Cette surveillance, en fait, c’est votre liberté qui est complètement vendue. Ils vous forcent à payer leurs services avec vos libertés : la vie privée, la liberté de ne pas se soumettre à un conditionnement politique, économique et social de masse et constant, et cette liberté-là on ne peut pas la vendre en démocratie. Les libertés sont en dehors du commerce.

Jean-Jacques Bourdin : Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que si je suis sur Facebook, si je suis sur Twitter, si je suis sur les réseaux sociaux, Instagram, je suis à la merci de ces grandes entreprises ?

Arthur Messaud : Vous êtes à la merci, pas que vous.

Jean-Jacques Bourdin : Que savent-ils de moi ?

Arthur Messaud : On a vu dans le scandale qui a éclaté sur Facebook, on a vu qu’une entreprise tierce, qui avait accès à une partie infime des données auxquelles a accès Facebook, se vantait d’avoir accès à des détails extrêmement précis.

Jean-Jacques Bourdin : Mais quelles données est-ce que je donne ? Quelles données ?

Arthur Messaud : En fait juste les like, les pages que vous likez, les pages que vous aimez, les personnes que vous suivez, ça, quand on peut analyser des dizaines de millions de personnes, leurs like quotidiens et leur psychologie, rien que ça, ça suffit à savoir votre psychologie : si vous êtes plutôt sympa, plutôt agressif ; si vous vous levez tôt le matin ; si vous êtes une bonne personne pour travailler en équipe. Tous ces genres de choses-là sont, en fait, extrêmement faciles à révéler à partir d’informations que nous on ne réalise pas partagées. Et des informations aussi politiques, extrêmement politiques. Dans l’affaire Cambridge Analytica, ce sont des caractères politiques, des positions qu’ils ont cherchés à savoir.

Jean-Jacques Bourdin : Donc nous sommes devenus des cibles commerciales ou des cibles politiques ?

Arthur Messaud : Oui. En acceptant de livrer, enfin de laisser accès au moindre des traits de notre psychologie, on se livre pieds et poings liés à un conditionnement de masse et on abandonne toute liberté de conscience ou d’esprit.

Jean-Jacques Bourdin : On peut quitter les réseaux sociaux, mais ce n’est pas facile !

Arthur Messaud : Le problème c’est qu’on ne peut pas partir des réseaux sociaux. On peut se désinscrire des réseaux sociaux.

Jean-Jacques Bourdin : On est prisonniers.

Arthur Messaud : On peut se désinscrire.

Jean-Jacques Bourdin : Si je me désinscris de Facebook, que se passe-t-il ?

Arthur Messaud : Ce qui va se passer d’abord c’est que vos données, certaines de vos données, vont être probablement supprimées au bout de quelque temps. D’autres données ne seront pas du tout supprimées : toutes vos données publiques, tous les commentaires que vous avez laissés sur des pages publiques, Facebook, dans ses CGU, prétend ne pas les supprimer ; il y a cette partie-là, et ensuite il y a toutes les autres données.

Matthieu Belliard : CGU pardon, conditions générales d’utilisation.

Arthur Messaud : Merci beaucoup. Dès que vous allez sur un site internet en dehors de Facebook, par exemple Le Monde, Le Figaro, ou même RMC, vous pouvez avoir des boutons Like ou des boutons « Partage Facebook », et dès qu’il y a ça, Facebook sait que vous êtes ici. Et même si vous n’avez pas de compte, Facebook va vous créer un compte fantôme et va suivre toutes vos activités pour établir des profils psychologiques sur ce que vous consommez sur Internet, essayer de deviner qui vous êtes, pourquoi vous êtes ceci, etc. Ça, on ne peut pas l’empêcher.

Jean-Jacques Bourdin : C’est dément ! On va prendre Patrick qui est infirmier à Toulon. Bonjour Patrick.

Patrick : Bonjour.

Jean-Jacques Bourdin : Vous avez quitté Facebook depuis deux ans.

Patrick : C’est ça, oui. Pour plusieurs raisons. La première raison c’était, effectivement, la difficulté et le temps passé à gérer, on va dire, les filtres pour limiter la divulgation de mes données personnelles, mais aussi parce que pour moi tous les réseaux sociaux, que ce soit Facebook, Twitter, etc., ne sont pas vraiment des réseaux sociaux de communication. Je me rends compte qu’au final plus on utilise les réseaux sociaux moins on communique avec ses voisins, ses amis, sa famille, etc. Et je me suis rendu compte en quittant Facebook qu’il y avait une pression sociale énorme, sociale et familiale. J’ai cinq enfants et depuis que j’ai quitté Facebook, surtout au début, ça a été l’horreur ; c’est-à-dire « mais pourquoi tu as arrêté Facebook ? Pourquoi tu ne communiques plus sur Facebook ? » Et en fait, j’essaye d’expliquer depuis deux ans qu’on peut bien communiquer avec les gens sans justement prendre de risques, en leur parlant, en leur téléphonant. On ne fonctionne plus maintenant que par les réseaux sociaux et c’est insupportable ! Et après, moi, quand je vois effectivement le temps que ça demande, le temps et les connaissances parce que j’ai 55 ans donc je travaille avec des ordinateurs depuis longtemps, mais malgré tout il faut un peu de connaissances pour aller chercher tous les filtres, pour limiter la divulgation des informations personnelles et je dois dire que c’est chronophage et ça n’a, au final, pas grand intérêt.

Arthur Messaud : Bien sûr c’est chronophage, vous avez totalement raison, et c’est extrêmement compliqué, même pour un technicien qui passerait ses journées.

Jean-Jacques Bourdin : Vous avez un compte Facebook ?

Arthur Messaud : Moi j’ai un compte Facebook, justement je vais y revenir. Quand on parle de pression sociale, comme disait Patrick, c’est très juste. Il y a énormément de gens qui ne peuvent pas partir de Facebook pour des raisons familiales, comme c’est évoqué, des raisons professionnelles, des raisons d’éloignement géographique ; il y a plein de raisons qui font qu’il y a des gens qui vont rester sur Facebook. Aujourd’hui, partir de Facebook et laisser ces gens derrière, c’est un peu lâche et c’est peut-être égoïste. Moi je reste sur Facebook pour voir ce que se passe, pour continuer à diffuser l’information qu’il faut agir collectivement et pas individuellement, pour mettre à mal leur modèle économique, pour affaiblir leur puissance.

Jean-Jacques Bourdin : Vous êtes sur Instagram ? Vous êtes sur Twitter ?

Arthur Messaud : Je ne suis pas sur Instagram. Sur Twitter oui, bien sûr. Il ne faut pas partir, claquer la porte comme un prince en disant « on laisse tout le monde crever derrière et nous on va se libérer ». Non, non ! On ne pourra se libérer vraiment, comme je vous l’ai dit, que collectivement, en attaquant leur modèle économique, en les affaiblissant. Et après, à long terme, on pourra tous partir vers l’Internet libre et décentralisé.

Jean-Jacques Bourdin : Oui.

Matthieu Belliard : J’aimerais juste qu’on soit bien précis pour tous ceux qui nous écoutent parce qu’effectivement, Facebook c’est aussi très pratique : on a de la famille à distance, on envoie des photos, on a des nouvelles, bon bref ! La réalité c’est que peu de gens savent que le modèle économique de Facebook ce n’est pas d’être une messagerie ou du microblogging. Le modèle économique de Facebook, et c’est bizarrement ça que vous attaquez, enfin bizarrement je ne sais pas, vous attaquez leur modèle économique.

Arthur Messaud : Ah non, ce n’est pas bizarrement ! Heureusement. Leur modèle économique, c’est la seule chose qu’il faut attaquer.

Matthieu Belliard : Leur boulot c’est de vendre des données.

Arthur Messaud : Oui. C’est la seule chose qu’il faut attaquer, sinon toute attaque sera à court terme et pas de grande échelle, ça ne suffira pas. Il faut s’attaquer à ce modèle économique qui est illicite.

Matthieu Belliard : Ce que je veux dire par là c’est que s’ils ne vendent pas de données, Facebook n’a aucune existence entrepreneuriale.

Arthur Messaud : C’est possible et pourquoi pas. L’idée, on verra à terme comment ça se développe, l’idée c’est que dans le droit, c’est clair aujourd’hui, un service ne peut pas être rémunéré contre des données, parce que les données ce sont des libertés, des libertés fondamentales qui viennent protéger. Les libertés, dans une démocratie, comme je l’ai dit, on ne peut pas les vendre. Sinon n’importe qui braderait ses libertés immédiatement, dès que l’occasion se présente et seuls les riches garderaient leur droit de vote, leur liberté d’expression, leur liberté de disposer de leur corps. Et heureusement, le droit des données personnelles a fini par interdire la revente de données personnelles.

Jean-Jacques Bourdin : Bien ! Marie-Laure, vous êtes à Portiragnes, c’est dans l’Hérault, Marie-Laure.

Marie-Laure : C’est ça, tout à fait.

Jean-Jacques Bourdin : Vous vivez sans réseaux sociaux.

Marie-Laure : Eh bien oui, et je vis très bien.

Jean-Jacques Bourdin : Et vous êtes commerciale pourtant.

Marie-Laure : Oui. J’ai ma tablette, j’ai ma boîte mail. Je suis dans le coup, tout bêtement, mais ce que je veux dire c’est que je ne vois pas l’intérêt de poster. Je vois comment fonctionnent beaucoup de gens autour de moi. J’ai des enfants, effectivement, qui ont les réseaux, qui ont Twitter, qui ont Snapchat, qui ont tout ce genre de choses, je ne vois pas l’intérêt. En fait, sur ces réseaux-là, ça peut être intéressant effectivement, et je le conçois très bien quand on a des personnes à l’étranger pour communiquer d’une certaine façon, ce n’est pas ça qui me choque — choquée est un bien grand mot —, mais ce qui m’agace c’est que maintenant tout le monde est au courant de tout. C’est-à-dire que les gens vont au restaurant, ils prennent la photo du plat qu’ils mangent.

Jean-Jacques Bourdin : C’est vrai.

Marie-Laure : Après, quel est l’intérêt qu’on sache tout le temps ce que vous êtes en train de faire ?

Jean-Jacques Bourdin : Et il y a un truc moi, personnellement je ne le ferai jamais, je recommande toujours de ne pas le faire, c’est de mettre des photos d’enfants, de ses enfants, sur les réseaux sociaux.

Marie-Laure : Voilà. Moi j’ai été très prudente avec les miens par rapport à ça. Et ma fille n’a eu le droit d’ouvrir un compte sur Facebook qu’à l’âge de 17 ans, Quand on avait bien échangé.

Matthieu Belliard : Mais c’est difficile !

Jean-Jacques Bourdin : Difficile de résister.

Matthieu Belliard : Non, pas de résister. Moi je vois qu’à chaque fois que je reviens d’un mariage ou d’un baptême et que je dois appeler toute la famille ! Vous avez 80 invités dans un mariage, par exemple, et vous appelez tout le monde pour dire « tu peux enlever cette photo de Facebook parce qu’il y a ma fille dessus ? », vous passez pour un extraterrestre.

Jean-Jacques Bourdin : Oui, c’est vrai.

Marie-Laure : Oui. Je vois avec ma fille, j’ai résisté. Alors c’est plus facile, dans tous les cas, de dire oui quand on rentre du boulot que de se battre et de dire non ; ça c’est clair. Ça je le conçois. Non, mais c’est vrai c’est plus facile, on est crevé, moi j’ai eu ma journée qu’est-ce que tu m’embêtes avec ça et j’ai dit je ne vais pas moi créer un compte Facebook pour en plus aller voir ce qui se dit, ce qui se fait. Et comme je lui avais expliqué, j’ai dit ça vous crée plus, à la limite, de soucis parce quand on voit le harcèlement qui se passe, les photos détournées, les ceci machins, les trucs, mais c’est infernal ! Je ne vois pas l’intérêt ! En fait, on ne le prend plus comme un outil, on le prend comme un déversoir. Twitter, je ne connais pas.

Jean-Jacques Bourdin : Twitter ça ressemble un peu quand même.

Marie-Laure : D’après ce que je peux entendre, voilà. Après, quand vous cherchez du boulot, je pense que tous les employeurs maintenant vont aller chercher ce qui a été dit, ce qui a été fait, ce que vous avez fait, ce que vous n’avez pas fait. Bon ! Il n’y a plus de vie, je veux dire ! À la limite, où est la vie privée là-dedans ? Si c’est pour dire je suis branché, je suis sur ces sites-là, moi j’ai toujours dit. Petit village comme ça, des fois on me disait : « Je t’envoie sur Facebook — J’ai dit attends, tu déconnes, on habite à 50 mètres ! Qu’est-ce que tu vas m’envoyer sur Facebook ! Tu m’appelles ou on se voit deux jours après si tu veux, on se boit un café. » Vous voyez ce que je veux dire ? Du coup, il n’y a même plus de notion de distance.

Jean-Jacques Bourdin : Bien. Merci Marie-Laure. Merci il est 9 heures 18, on va observer une petite pause. Tiens, je vois qu’il y a une alerte urgente, Marine Le Pen se rendra à la marche blanche en mémoire de Mireille Knoll ; c’est ce que nous disions dans le journal de 8 heures, dès le journal de 8 heures. Voilà. C’est confirmé. Il est 9 heures 18. Matthieu.

Matthieu Belliard : Seriez-vous prêts à renoncer aux réseaux sociaux, oui ou non par SMS au 6 10 71.

[Musique]

Voix off : RMC – Bourdin Direct – Bureau de vote – Jean-Jacques Bourdin.

Jean-Jacques Bourdin : Il est 9 heures 21 ; Sébastien est là ; il est boulanger à Port Louis dans le Morbihan. Bonjour Sébastien.

Sébastien : Bonjour Jean-Jacques.

Jean-Jacques Bourdin : Alors vous n’êtes sur aucun, vous n’êtes pas sur des réseaux sociaux ?

Sébastien : Je suis seulement sur Facebook.

Jean-Jacques Bourdin : Ah quand même !

Sébastien : Et j’ai suspendu mon compte dernièrement parce que je me suis rendu compte que ça ne servait pas à grand-chose, à part se faire fliquer par tous les gens qui sont autour de nous.

Arthur Messaud : Mais pas que ! Pas que ! Par Facebook et tous ses partenaires aussi.

Sébastien : Oui, en plus !

Jean-Jacques Bourdin : Eh oui ; c’est ça le problème !

Sébastien : Sans compter que j’ai eu une histoire un peu similaire à ce que racontait l’auditrice précédente, de quelqu’un qui a passé un jour son permis, à côté de moi, et la seule réponse qu’on m’a donnée c’est : « Tu n’as pas vu sur Facebook ? », alors que je voyais cette personne-là tous les jours. Donc ça coupe quand même les liens qu’on peut avoir les uns et les autres dans la vie réelle, en fait.

Arthur Messaud : Après, il ne faut pas seulement sortir des réseaux sociaux parce que ce qui se passe en termes de surveillance et de perte de nos libertés, on va le retrouver sur Gmail, sur le moteur de recherche Google, sur nos smartphones Apple et Android. Ce n’est pas qu’une question de réseaux sociaux. Nos libertés sont atteintes de façon assez générale par ces nouveaux…

Jean-Jacques Bourdin : Sur Internet.

Arthur Messaud : Pas partout sur Internet.

Jean-Jacques Bourdin : Pas partout.

Arthur Messaud : Pas partout. L’Internet libre et décentralisé existe, il faudra y aller à terme, mais en attendant il faut s’attaquer à ce modèle économique illicite. On peut se poser la question de pourquoi on ne l’a pas attaqué plus tôt ? Pourquoi on a laissé faire pendant des années et des années une entreprise aussi puissante se développer sur la base de ce qu’il faut dire être un crime, au moins un délit, qui est l’atteinte massive à toutes les libertés de toute la population.

En fait, pendant longtemps, les sanctions que pouvait prononcer la CNIL étaient assez faibles et, à partir du 25 mai prochain, on a un changement radical, la CNIL va pourvoir prendre des sanctions extrêmement fortes : 4 % du chiffre d’affaires mondial.

Jean-Jacques Bourdin : 4 % du chiffre d’affaires mondial, ça va faire mal !

Arthur Messaud : Une sanction pour Google ça ferait, par exemple, 4 milliards d’euros pour la France, dans le budget de la France, donc ça peut être assez sympa. Ça c’est une nouveauté et pendant longtemps, en fait, on était assez faiblards en termes de menace face à ces géants. C’est pour ça qu’aujourd’hui, enfin, on va pouvoir se saisir. De plus, la population était aussi assez peu sensibilisée, il faut le dire et, avec des scandales comme Cambridge Analytica, les gens réalisent qu’en fait ce n’est pas juste de la publicité pour acheter des voyages ou des pizzas : c’est notre vraie intimité ; ce sont des affaires politiques. Enfin, on va pouvoir faire pression sur la CNIL et nous, notre nouveau moyen, depuis deux ans mais qui n’a jamais encore été exercé en France, c’est l’action de groupe.

Jean-Jacques Bourdin : C’est pour ça que vous engagez cette action de groupe.

Arthur Messaud : Plus on sera nombreux, pour faire pression sur la CNIl au maximum, pour qu’elle utilise ces nouveaux pouvoirs de la façon la plus agressive et violente envers ces acteurs qui ne respectent pas la loi, qui sont devenus aussi puissants sur la base de crimes.

Jean-Jacques Bourdin : Bien. Merci Sébastien. Thomas est à Morsang-sur-Orge dans l’Essonne. Bonjour Thomas.

Thomas : Bonjour Jean-Jacques et bonjour à tout l’équipe. Déjà une première chose c’est un plaisir de vous avoir au téléphone.

Jean-Jacques Bourdin : Moi aussi Thomas.

Thomas : Ça fait un moment que je vous écoute et c’est vraiment une grande première, donc tant mieux.

Jean-Jacques Bourdin : Merci beaucoup. Merci. Allez-y.

Thomas : Je vous appelle, en fait, concernant votre invité, je viens d’en parler, je suis désolé, j’ai oublié son prénom.

Jean-Jacques Bourdin : Arthur.

Thomas : Arthur enchanté. En fait, j’appelais par rapport à ce qu’il vient de dire : le 25 mai sera appliquée, normalement, la GDPR. GDPR c’est ce qu’on appelle General Data Protection Regulation, donc, en gros, Réglementation protection des données personnelles [Réglement général sur la protection des données personnelles]. Donc derrière, c’est ce qui va s’organiser. Donc le 25 mai, normalement, toute société est censée être en accord avec la GDPR. Derrière la GDPR se cache, en fait, la capacité pour n’importe qui de pouvoir savoir quelle entreprise a quelles données ; pourquoi est-ce qu’elle les possède ; qu’est-ce qu’elle en fait ; comment elle les traite. La personne aura également la possibilité de transférer ses données. Admettons je passe d’un opérateur téléphonique à un autre. Je lui demande : « Donnez-moi toutes les données que vous avez sur moi, je veux les transférer à l’opérateur concurrent chez qui je passe. Vous n’avez plus aucune donnée sur moi, maintenant ce n’est que le concurrent et je sais ce qu’il a ». Et la dernière possibilité qui sera donnée c’est vraiment de supprimer, le droit à l’oubli, c’est vraiment supprimer toutes les données. Maintenant j’ai fait un achat, Amazon merci ; oubliez toutes mes données, de ne plus en avoir sur moi, de ne plus commercialiser là-dessus.

Arthur Messaud : Il n’y a pas que ça. Il y a même encore plus. Même maintenant, de façon très claire, il est prévu d’interdire pour un service d’être rémunéré par des données personnelles. Ça avant c’était ambigu, maintenant le Règlement général sur les données personnelles, qui entre en application le 25 mai, interdit ça de façon tout à fait explicite. Là aussi, on a une forte nouveauté ; on n’est pas juste sur des droits d’accès et de portabilité, on a aussi des changements ou des éclaircissements de principe, de fond, et qui nous permettront, là vraiment, d’agir pas individuellement en demandant l’accès, mais d’agir collectivement via la CNIL pour sanctionner ce modèle économique.

Thomas : Ce moment, en fait, fait suite à une directive européenne et le temps d’application chez mettons les GAFA, le temps d’application d’une telle réglementation ? Quelles vont être, en fait, les sanctions et sous combien temps elles vont tomber ?

Arthur Messaud : C’est une très bonne question.

Thomas : Le 25 mai, ça m’étonnerait que tous les GAFA, avec les processus numériques qui sont chez eux de traitement des données, soient directement en accord avec la GDPR.

Arthur Messaud : Ils ne le seront pas. Ils ne veulent pas l’être parce que ça remettrait en cause entièrement leur business. Et c’est pour ça qu’il faut qu’on soit le plus nombreux possible pour faire pression sur la CNIL, pour que la CNIL exerce ses pouvoirs avec l’agressivité requise. Évidemment qu’ils ne seront pas conformes à ce règlement ! Évidemment que la CNIL sera un peu impressionnée par un tel combat contre de tels géants et c’est pour ça qu’il faut qu’on la pousse au cul. Il ne faut pas qu’elle attende tranquillement qu’ils changent. Non, non ! C’est nous qui allons les pousser ; c’est nous qui allons mener le combat.

Matthieu Belliard : La CNIL est trop lente ?

Arthur Messaud : On verra. On verra ! La CNIL a pris des positions intéressantes sur Linky, il faut dire, aussi sur WhatsApp. Mais est-ce qu’elle aura le courage d’affronter de tels géants avec, comme je l’ai dit, l’agressivité requise. On verra. Ce qui est sûr c’est que nous, plus on sera nombreux…

Jean-Jacques Bourdin : Elle a les moyens, les outils ; en tous les cas, elle va avoir.

Arthur Messaud : Dès les 25 mai elle les aura, enfin !

Jean-Jacques Bourdin : Elle aura les outils enfin. Merci Thomas. Christophe qui est au Lavandou dans le Var. Bonjour Christophe.

Christophe : Bonjour Jean-Jacques ; c’est toujours un plaisir de vous avoir.

Jean-Jacques Bourdin : Moi aussi Christophe, c’est un plaisir, vraiment. Vraiment ! Vous, vous n’êtes jamais allé sur Facebook ?

Christophe : Non, je n’ai jamais voulu y aller, c’est différent. Moi j’ai un problème avec ça. Je n’ai jamais voulu aller sur Facebook. Moi, quand j’entends le mot ami sur Facebook, ça me fait bondir ; ce n’est pas le reflet de la vraie vie, quoi ! L’amitié dans la vraie vie ce n’est pas Facebook, ce sont les amitiés, les vraies amitiés, face à face on se parle : ça ce sont les amitiés.

Jean-Jacques Bourdin : Je suis d’accord avec vous, Christophe.

Christophe : C’est complètement artificiel, superficiel, ce n’est pas le reflet de la vraie vie et en plus, Facebook c’est une source de problèmes, on le voit, il y a beaucoup de soucis avec ces réseaux sociaux : des gens qui se font harceler, etc. C’est vraiment pour moi du grand n’importe quoi, ce n’est pas le reflet de la vraie vie. D’ailleurs on le voit, on fabrique une société superficielle avec ça, des relations superficielles ; ce n’est pas ça les vraies relations de la vie.

Jean-Jacques Bourdin : Et ces réseaux sociaux qui sont aussi des déversoirs de haine. Je vois ça tous les jours.

Christophe : Tout à fait. Des déversoirs de haine, exactement. Absolument ! Des déversoirs de haine à tous les niveaux, au niveau politique, à n’importe quel niveau.

Jean-Jacques Bourdin : À tous les niveaux !

Christophe : Quand on voit l’autre abruti, excusez-moi de dire ça, qui était dans le parti de Mélenchon qui s’est réjoui sur les réseaux sociaux de la mort de cette dame, mais ce gars-là je vous garantis Jean-Jacques, quitte à aller en prison, si c’est mon voisin, il ne sort pas de chez lui, je vous le garantis ! C’est une horreur des mecs pareils. C’est un scandale de voir ça. C’est un scandale !

Jean-Jacques Bourdin : C’est vrai que tout ce qui s’écrit et tout ce qui se lit sur les réseaux sociaux ! Au bout d’un moment, en plus, c’est pénible.

Arthur Messaud : Je crois que le problème, ce n'est pas vraiment les réseaux sociaux là !

Jean-Jacques Bourdin : Ce n'est pas les réseaux sociaux ? Oui, évidemment. Ce sont les gens en fait. Ce sont les gens.

Arthur Messaud : Ce sont les gens. Si vous voulez râler contre les gens allez-y, moi je ne le ferai pas.

Jean-Jacques Bourdin : Moi je râle.

Matthieu Belliard : C’est un autre débat, c’est celui qu’on avait.

Jean-Jacques Bourdin : Oui. C’est un autre débat qu’on avait. Ce n’est pas le platane qui est responsable de la mort sur le bord de la route, non, c’est celui qui conduit.

Matthieu Belliard : C’est le conducteur.

Jean-Jacques Bourdin : Non, mais c’est pareil. En revanche, ce qui est terrible, il y a autre chose, ce qui est terrible sur les réseaux sociaux, c’est l’anonymat.

Arthur Messaud : Pourquoi ça vous dérange ça ? Parce qu’en fait vous n’êtes pas anonyme sur Facebook ; Facebook sait très bien qui vous êtes.

Jean-Jacques Bourdin : Oui, mais moi, ce qui me gêne, c’est celui qui se cache derrière un pseudo et qui insulte — je parle de Twitter par exemple —, et qui insulte la terre entière en se cachant.

Arthur Messaud : Quand c’est pour insulter c’est dommage. Le problème ce n’est pas l’anonymat. Vous êtes journaliste, vous voyez bien que pour les sources, pour faire une enquête, ça peut être assez intéressant de garder anonymes certaines choses. La vie privée est extrêmement utile au débat et l’anonymat. Ce qui vous dérange ce sont les insultes, et je comprends : vous n’aimez pas les gens qui sont agressifs.

Jean-Jacques Bourdin : Qui sont cachés en plus.

Arthur Messaud : Ils ne sont pas cachés ! Si vraiment vous voulez les poursuivre vous les retrouverez, il n’y a aucun souci.

Matthieu Belliard : Typiquement ce que vous venez de dire ! C’est comme vous avez fait allusion par exemple à un internet décentralisé, on pourrait parler du darknet2, on pourrait parler des outils comme 3. Vous vous rendez compte qu’aujourd’hui, si on ne veut pas se faire avoir, il faut être une pointure ! Très honnêtement, pour la plupart des gens qui nous écoutent…

Arthur Messaud : Ah oui. Et c’est pour ça que ce n’est que la loi qui sera une solution à terme.

Jean-Jacques Bourdin : Évidemment !

Arthur Messaud : Je suis bien d’accord !

Jean-Jacques Bourdin : Bien ! Merci beaucoup. Qu’est-ce que vous vouliez dire ?

Matthieu Belliard : Avant de parler des réseaux sociaux, la Carte bleue, le GPS des voitures. Tout ce qui est connecté, tout ce qui permet d’envoyer des données par exemple de localisation, d’achats.

Arthur Messaud : Et votre téléphone, juste votre téléphone, constamment. Et ça, encore une fois, c’est quelque chose qu’on va attaquer. Les systèmes Android et d’Apple, eux, ils permettent au moins un flicage publicitaire à la base, mais bien plus large qu’il ne faut, et qu’ils nous imposent sur le régime illégal, de la même façon.

Je voudrais juste revenir, avant de terminer, sur une position très inquiétante du secrétaire d’État au numérique, monsieur Mounir Mahjoubi, qui, avant-hier ou dimanche, dans les tribunes de Libération, expliquait, lui, que vendre ou en tout cas louer ses données personnelles contre un service, pourquoi pas. C’est extrêmement inquiétant. Là on voit que monsieur Mounir Mahjoubi boude la CNIL, monsieur Mahjoubi boude le droit européen qui sera appliqué dès le 25 mai qui interdit, précisément, de louer ses données personnelles contre un service. Les données personnelles, je le répète, sont des libertés. On ne peut pas les céder contre quoi que ce soit : elles sont en dehors du commerce. Il serait temps peut-être que monsieur Mahjoubi essaie de défendre les citoyens qu’il représente, en tout cas qu’il est censé défendre, plutôt qu’un business qui ne nous sert pas. En tout cas, s’il ne le fait pas, nous on le fera, il n’y a aucun souci !

Jean-Jacques Bourdin : Bien merci d’être venu nous voir, Arthur Messaud.

Arthur Messaud : Avec plaisir.

Jean-Jacques Bourdin : Je rappelle que vous êtes juriste à l’association La Quadrature du Net. Merci à vous il est 9 heures 31. Que disent les auditeurs, Matthieu ?

Matthieu Belliard : Seriez-vous prêt à renoncer aux réseaux sociaux ? Réponse finale : oui à 81 %.

Jean-Jacques Bourdin : Ah ! Oui à 81 %. Il y a une prise de conscience de tout cela.

Arthur Messaud : Oui bien sûr.