Interview de Lionel Maurel - Bonus de Philippe Borrel - Internet ou la révolution du partage
Titre : 5 BONUS ITV Lionel Maurel/Bonus de Internet ou la révolution du partage
Intervenant : Lionel Maurel
Lieu : Arte - Documentaire de Philippe Borrel Internet ou la révolution du partage
Date : mai 2019
Durée : 3 min 30
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Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : copie d'écran de la vidéo
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription
Les communs, en fait, c’est une très vieille approche qui existe depuis le Moyen Âge et même au-delà. Ce sont des systèmes de partage de ressources entre individus qui se rassemblaient en communautés et qui définissaient des droits d’usage pour maintenir un accès dans le temps à des ressources qu’ils pensaient essentielles ; ça concernait des pâturages, des forêts des rivières.
Aujourd’hui il y a toute une renaissance de la question des communs qui est en partie due à Internet et au numérique. On s’est rendu compte que sur Internet on pouvait construire des ressources sous forme de communs par des communautés qui en prennent soin, qui les développent et qui les mettent en partage. On cite souvent Wikipédia1 ou le logiciel libre2 comme étant des exemples de ces communs-là.
En fait, les communs numériques ont prouvé qu’on pouvait produire des ressources relativement complexes comme peut l’être un système d’exploitation ou une encyclopédie collaborative, sur une base décentralisée dans des communautés qui n’ont pas besoin d’organisation hiérarchique pour se coordonner ; elles le font grâce au réseau notamment. Du coup ça a validé, en fait, mais à une échelle beaucoup plus grande, des analyses qui avaient été déjà conduites sur des ressources naturelles où on avait constaté que la ressource était gérée de manière plus durable et plus efficace sans y mettre de droits de propriété et en permettant à une communauté de la prendre en charge en s’auto-organisant.
Ce qui se passe aujourd’hui sur Internet c’est qu’on peut, grâce aux moyens numériques et au réseau, arriver à une échelle de coordination qui est beaucoup plus grande, avec des groupes qui sont beaucoup plus vastes : on estime que sur Wikipédia il peut y avoir 200 000 contributeurs réguliers qui arrivent à se coordonner pour produire la ressource sans avoir besoin d’une organisation hiérarchique.
L’intérêt de généraliser un peu la dynamique de l’open source ou du Libre, c’est de profiter au maximum des effets d’intelligence collective. Il y a une productivité, en fait, du travail en commun, notamment dans les champs de la connaissance. Plus on libère les droits d’usage, plus on permet justement à des communautés de travailler à des échelles plus hautes au développement des ressources, à ce moment-là on maximise les effets de l’intelligence collective.
L’autre chose qui est très importante dans ce mouvement, c’est qu’on évite que les ressources soient à nouveau capturées à titre exclusif par des entreprises ou par des acteurs uniques. Donc on casse les monopoles et, par cette forme de partage, on peut arriver à avoir des choses qui ont de la valeur mais qui ne dérivent pas vers des formes de monopole nocif.
On pourrait essayer d’imaginer une société, pas seulement une société de la connaissance, mais une société de la connaissance ouverte et ça pourrait avoir des incidences très fortes dans tous les domaines, pas seulement dans le domaine de la recherche par exemple. On pourrait imaginer carrément avoir des filières industrielles qui soient basées sur la connaissance ouverte où même les entreprises mutualiseraient leurs connaissances et continueraient à fabriquer des produits, mais avec ces logiques d’intelligence collective sur la production des connaissances de base qui permettent ensuite de faire tourner l’économie.
Il y a des gens qui commencent à modéliser ce que pourrait être une économie de la connaissance ouverte, sans renoncer à ce qu’est une économie, parce le but ce n’est pas non plus de faire disparaître ni le marché ni les entreprises, etc., mais de repenser le système pour qu’on ait cette mutualisation des connaissances et qu’on essaie de produire le maximum d’effets sur l’intelligence collective.