La Commission Européenne a demandé aux États membres de se prononcer officiellement sur la question de la brevetabilité des programmes d'ordinateurs afin d'en tenir compte dans l'élaboration de la directive européenne concernant ce sujet.
Le gouvernement français avait sollicité l'avis de la toute jeune Académie des technologies (créée en décembre 2000 à partir du CADAS, Conseil pour les Applications de l'Académie des Sciences). Le 18 juillet 2001, cette institution a remis au Secrétaire d'Etat à l'Industrie un avis favorable à une brevetabilité encadrée des programmes d'ordinateurs.
L'Académie déclare avoir mené une large consultation. C'est faux.
Les associations de promotion du Logiciel Libre, ont mené, depuis 1999, une intense activité d'information, au sujet des risques d'une brevetabilité des logiciels. Malgré cela, aucun de leurs représentants n'a été auditionné. Ainsi, l'Académie a clairement refusé d'entendre ceux qui ont soulevé le problème posé par la brevetabilité. La moindre des choses aurait été d'écouter leurs arguments. De plus, la plupart des personnes auditionnées sont des acteurs issus de très grandes industries alors que les brevets logiciels mettent en péril les PME/PMI et les individus.
Par ailleurs, l'un des arguments invoqués par l'Académie dans sa recommandation est que l'existence des brevets aux États-Unis et au Japon va obliger l'Europe à suivre le même principe pour ne pas que les entreprises européennes se trouvent affaiblies. Cet argument est totalement faux et basé sur une lecture erronée des accords ADPIC. Les brevets américains n'ont de valeur qu'aux États Unis.
L'ensemble du document est en fait assez hypocrite, avec notamment la
mise en avant de l'effet technique. Ainsi, il serait impossible de
breveter des programmes de base mais uniquement les logiciels ayant un
effet technique. Mais, l'Académie reconnaît que ce terme est
flou. D'ailleurs un programme d'ordinateur qui n'a pas d'effet
technique, cela n'existe pas. Car tout logiciel est destiné à être
utilisé dans un but technique bien précis. C'est justement cet effet
technique qui est d'ailleurs utilisé par l'Office Européen des
Brevets pour accepter des brevets sur des techniques logicielles au
mépris de la Convention de Munich.
On peut considérer que les
pressions pour modifier les principes de la Convention de Munich par la Directive, ont surtout pour but de
légaliser les pratiques scandaleuses de l'OEB. Ce que reconnaît
d'ailleurs implicitement l'Académie qui parle des « jurisprudences
divergentes des offices nationaux entre eux et avec l'OEB ».
A l'occasion de l'installation de l'Académie des technologies, le 12 décembre 2000, Roger-Gérard Schwartzenberg disait : « Le recours à l'expertise ne doit pas signifier une fuite des gouvernants devant leurs responsabilités. Faut-il rappeler quelques vérités d'évidence ? Les gouvernants doivent gouverner. Et, comme le rappelait Pierre Mendès France, "gouverner, c'est choisir" ». Il est de la responsabilité du gouvernement de prendre ses responsabilité et de ne pas tenir compte de cet "Avis" publiée par une instance de réflexion prétendument collégiale et indépendante, mais qui n'a pas invité les opposants à la brevetabilité à s'exprimer pour les éclairer, et par là-même éclairer le public sur ces enjeux.