Le TGI de Paris rappelle l'interdiction des brevets logiciels

Le 18 juin 2015, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a rendu sa décision dans l'affaire opposant Orange et Free, décision qui vient d'être publiée le 1er septembre 2015. Il a réaffirmé à cette occasion l'illégalité des brevets logiciels en Europe, au regard de la Convention européenne des brevets. Si cette réaffirmation est une bonne nouvelle, cela témoigne néanmoins de la possibilité de déposer des brevets logiciels aujourd'hui en Europe.

Orange accusait Free d'avoir contrefait un de ses brevets européens concernant le "basculement de sessions multimédia d'un terminal mobile vers un équipement d'un réseau local", dans le logiciel de la Freebox Révolution.

Le TGI a rejeté l'ensemble des revendications d'Orange, soit pour absence de nouveauté, soit pour absence de brevetabilité. Sur ce dernier aspect, la décision de la cour est éclairante et dépourvue de toute ambiguïté :

« L'article 52 de la CBE est parfaitement clair et ne nécessite aucune interprétation : les programmes d'ordinateurs en tant que tels sont exclus de la brevetabilité et ce, pour la raison qu'ils sont couverts par le droit d'auteur.

Il ne peut être prétendu comme seul moyen pour s'opposer à la demande de nullité de ces deux revendications que la pratique de l'OEB, qui admet des revendications de programmes d'ordinateurs en les baptisant "programmes-produits".

En effet, il ne peut être admis qu'un simple artifice de langage permette de délivrer des brevets contra legem.

La délivrance de brevets pour des programmes d'ordinateurs, fussent ils dénommés programmes produits, n' est en effet soutenue par aucun texte ou par aucune difficulté d' interprétation de la CBE et au contraire ceux- ci sont clairement exclus en tant que tels de la brevetabilité. En conséquence, les revendications 12, 13 et 14 seront déclarées nulles pour défaut de brevetabilité. »

[..]

« Le programme d'ordinateur peut être protégé s'il apporte un effet technique supplémentaire à l'invention sans d'ailleurs que cet effet technique ne soit clairement défini..

En l'espèce, et au vu de la rédaction même de la revendication 15 du brevet EP 797, il apparaît que le support d'enregistrement ne revendique aucune caractéristique technique particulière ; qu'il s'agit ici encore d'un habillage qui ne permet pas d'échapper à l'exclusion de brevetabilité concernant les programmes d'ordinateur.

[...]

En conséquence, la revendication 15 est nulle pour défaut de brevetabilité ».

Il est navrant de noter que malgré l'absence de brevetabilité de l'invention en question, le titre de brevet lui avait cependant été accordé par l'office européen des brevets (OEB) sans difficulté. Cela pointe, une fois de plus, les dangers posés par les pratiques de l'OEB, qui délivre aujourd'hui de tels brevets. L'OEB est pourtant au centre du système de brevet unitaire européen, que la France a ratifié sans sourciller en 2014. Il est donc plus que jamais urgent de réformer le système des brevets en Europe.

L'April appelle donc à une remise à plat du système des brevets, afin de s'assurer que des brevets de ce type ne puissent plus être accordés. En effet, une invalidation comme celle que vient d'opérer le TGI implique des ressources importantes pour contester le brevet, ressources dont toutes les entreprises, et a fortiori les particuliers, ne disposent pas.